Les grévistes en Guyane rejettent les propositions du gouvernement PS
Par Anthony Torres
3 avril 2017
Les ministres de l'Outre-Mer et de l'Intérieur, Ericka Bareigts et Matthias Fekl, sont arrivés en Guyane, alors que le gouvernement PS tente de mettre fin à la grève générale dans ce département d'outre-mer qui dure depuis plus d'une semaine. Les négociations entre la délégation d’une cinquantaine de Guyanais dirigée par le collectif "Pour que la Guyane décolle" et les deux ministres ont débuté samedi.
A son arrivée en Guyane, sur le perron de la préfecture, Bareigts a déclaré : « Au bout de tant d'années, c'est à moi que revient l'honneur de dire, au-delà de ma petite personne, au-delà des fonctions, toutes mes excuses au peuple guyanais ».
Bareigts et Fekl ont pris une trentaine d'engagements au nom de l'Etat, pour plus d'un milliard d'euros sur cinq voire dix ans, selon les investissements. « Le gouvernement a entendu les aspirations et les demandes des Guyanais », avait estimé Matthias Fekl, avant de s'envoler samedi vers la métropole.
Sur la santé, 85 millions d’euros seraient prévus dont 60 millions d'euros pour moderniser le centre hospitalier de Cayenne et renflouer la trésorerie de l'hôpital qui, selon Bareigts, n'est plus en mesure de régler ses fournisseurs. 400 millions d’euros sont destinés à l'éducation, dont 60 millions d'euros sont annoncés pour construire de nouveaux collèges et lycées. Sur la problématique du manque de logements, l'État se dit prêt à céder 200 000 hectares de terres pour permettre de construire de nouveaux logements et notamment, des logements sociaux.
Toutefois, le collectif "Pour que la Guyane décolle" a rejeté les mesures annoncées par les ministres, estimant qu'elles ne répondaient pas aux exigences des Guyanais. C'est « la plus grosse manifestation jamais organisée » en Guyane française, selon les autorités préfectorales. Celles-ci ont relevé 8 000 manifestants à Cayenne et 3 500 à Saint-Laurent-du-Maroni, les deux plus grandes villes du département, dont la population s'élève à 250 000 personnes.
Avant tout, vu le calendrier électoral et le caractère réactionnaire du gouvernement PS, qui a mené une politique d'austérité et de répression féroce contre les travailleurs, aucune de ses promesses n'est crédible. Les annonces de Bareigts seront immédiatement remises en cause avec l’arrivée du prochain gouvernement après les présidentielles, le 7 mai.
Le Monde relève « un véritable fossé d’incompréhension entre, d’un côté, un mouvement qui, aussi pacifique soit-il, se sent porteur d’une ambition historique et un gouvernement dont les jours sont comptés ». En même temps, le journal, politiquement proche du gouvernement PS, prétend que ce dernier « ne peut aller au-delà du possible ».
En revanche, ce qui est acté par le gouvernement, comme le souligne le préfet Martin Jaeger, est l’envoi de « 25 policiers et 23 gendarmes [qui] vont renforcer les effectifs de la police nationale et de la gendarmerie. À cela s'ajoute la fidélisation d'un escadron de gendarmes mobiles à Cayenne ».
Paris veut rapidement mettre fin la grève guyanaise, avant qu'elle ne provoque des luttes par solidarité plus larges en métropole. Le PS a instauré un état d'urgence qui donne des pouvoirs illimités à la police en métropole, ont servi à réprimer les jeunes et les travailleurs en particulier pendant les manifestations contre la loi travail. Toutefois, la première manifestation de soutien aux grévistes guyanais a réuni hier une centaine de personnes sur Paris.
Le bilan de la lutte contre la loi travail souligne que les travailleurs en Guyane doivent prendre le contrôle de leur lutte et la développer en une lutte politique plus large de la classe ouvrière, en métropole et dans l'outre-mer, contre le PS et toute la classe dirigeante française. Ce serait politiquement suicidaire que de laisser la lutte aux mains des appareils syndicaux. Ceux-ci sont hostiles à la mobilisation des travailleurs contre le PS, qu'ils soutiennent et qu'ils ont appelé à faire élire en 2012.
Les syndicats CGT, SUD et FO n’ont mobilisé aucune opposition aux mesures d'austérité du PS avant la loi travail, et ils n'ont organisé des manifestations qu'à partir du moment où une colère populaire explosive montait contre la loi, au départ surtout parmi les jeunes. Cependant, ils n’ont jamais eu l’intention d'organiser une lutte politique contre le PS et la mise en place de l’état d’urgence.
Ensuite, les syndicats ont fait le maximum possible pour désorienter et diviser les travailleurs et les jeunes en lutte. La CGT a participé au côté du syndicat policier pro-FN Alliance a une manifestation de soutien contre les policiers soit disant victimes de violences pendant les manifestations contre la loi travail. Finalement, les syndicats se sont empressés de mettre fin aux grèves contre la loi travail, dès que Valls a menacé de les interdire.
A présent, tout indique que les syndicats et les collectifs qui en sont proches négocient tacitement avec l'Etat, derrière le dos des travailleurs, afin de tenter d'étrangler la lutte.
Le préfet de Guyane, qui depuis le début des blocages cherche à mettre fin aux conflits, affirme très clairement qu'il est en contact officieusement avec « un collectif ». Selon lui, « En dépit du mot d'ordre de ne pas parler à la mission interministérielle, je suis en contact avec des représentants du monde social, de la santé, agricole et économique. Ces derniers considèrent qu'il est utile d'exposer leurs préoccupations, mais ils veulent rester discrets tant qu'ils n'ont pas eu le feu vert de se rapprocher de nous. ».
Les contacts officieux avec le préfet et les applaudissements pour Bareigts soulignent le rôle joué par les forces autour des collectifs qui prétendent diriger la grève générale. Loin de défendre les aspirations des travailleurs, ils discutent avec le PS comment y mettre fin, pour que les travailleurs n’obtiennent que des miettes, malgré leur large mobilisation.
Les travailleurs guyanais ne peuvent rien attendre des négociations entre les collectifs et l'Etat, qui prépare par l’augmentation des effectifs policiers des tentatives de réprimer leur lutte, que ce soit par le gouvernement PS ou par celui qui le suivra.