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Guerre au Yémen: un demi-million de personnes frappées par une épidémie de choléra

Par Niles Niemuth
17 août 2017

Le nombre d’infections au choléra enregistrées au Yémen cette année a dépassé le demi-million de cas ce dimanche, dans ce que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a qualifié de «la plus grave épidémie de choléra au monde». Quelque 2000 personnes ont été tuées par la maladie depuis l’éclosion de l’épidémie en avril lorsque le système d’égouts de la capitale de Sanaa a soudainement cessé de fonctionner.

Bien que le nombre de nouvelles infections déclarées par semaine ait commencé à diminuer quelque peu en raison des interventions d’urgence de la Croix-Rouge et d’autres organisations humanitaires, près de 24.000 nouveaux cas ont été signalés la semaine dernière. La maladie s’est propagée dans presque tous les coins du pays, affectant 22 des 23 gouvernorats.

Ces conditions d’épidémie mortelle ont été créées par la guerre sauvage – qui en est maintenant à sa troisième année – menée par l’Arabie saoudite et une coalition de monarchies du Golfe jouissant du plein soutien des États-Unis, qui fournissent des vols de renseignement et de ravitaillement.

Poursuivant son objectif déclaré de rétablir le gouvernement déchu d’Abd Rabbuh Mansur Hadi, la coalition saoudienne a dévasté ce pays déjà profondément appauvri avec des vagues d’attaques aériennes les unes après les autres et une invasion terrestre menée principalement par les Émirats arabes unis. Hadi a fui le pays après que les insurgés Houthi et les éléments alignés sur l’ancien dictateur Ali Abdullah Saleh aient pris le contrôle de certaines parties importantes du pays, dont Sanaa notamment.

Selon les Nations Unies, de mars 2015 à mars 2017, au moins 10.000 civils ont été tués en raison de l’assaut dirigé par l’Arabie Saoudite, la cause directe de la majorité des décès. Par ailleurs, plus de 2 millions de personnes ont été déplacées depuis 2015.

Dès le début de la guerre, l’administration Obama s’est assurée que l’arsenal saoudien reste bien garni avec des milliards de dollars en bombes, en armes et en matériel. Les structures logistiques de soutien militaire mises en place par l’administration Obama ont été maintenues et élargies sous le président Donald Trump.

En mars, le secrétaire américain à la Défense James «Mad Dog» Mattis a publié un mémoire appelant au renforcement du soutien apporté par les États-Unis à cette guerre criminelle dans le cadre de la volonté du pays d’isoler et ultimement de renverser le régime au pouvoir en Iran.

En mai, Trump a visité l’Arabie saoudite et a salué de façon des plus démonstratives la monarchie totalitaire comme un bastion de stabilité dans la région et le pivot d’une croisade dirigée par les États-Unis contre le terrorisme islamiste – leur prétexte pour leur guerre conjointe pour un changement de régime en Syrie et leurs efforts pour déstabiliser l’Iran. Trump a félicité l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe pour avoir «mené de fortes actions contre les militants Houthi au Yémen».

À Riyad, Trump et la monarchie saoudienne ont finalisé plusieurs accords, dont un contrat de 110 milliards de dollars d’achat d’armes aux États-Unis avec option de 350 milliards de dollars d’achats supplémentaires au cours des 10 prochaines années. Après sa visite, Trump a soutenu le régime saoudien et ses alliés dans la région alors qu’ils ont imposé des sanctions et un blocus sur le Qatar dans le but de forcer ce régime à couper ses relations avec l’Iran.

Il est de plus en plus clair que l’épidémie de choléra au Yémen n’est pas qu’une conséquence involontaire de la guerre dirigée par l’Arabie Saoudite. L’épidémie est en effet utilisée comme arme dans les efforts de la coalition soutenue par les États-Unis pour subjuguer le pays.

La domination du Yémen est cruciale pour le contrôle du détroit de Bab-el-Mandeb, une voie de circulation géostratégique à travers laquelle une grande partie du pétrole mondial doit passer.

Les frappes aériennes et les bombardements menés par la coalition ont visé délibérément les zones résidentielles civiles, les hôpitaux, les écoles, les marchés, les égouts et autres infrastructures essentielles. Cette agression impitoyable rend impossible l’élimination correcte des ordures, qui s’empilent dans les rues.

Le choléra se contracte par la consommation d’eau contaminée par des excréments humains. Au moins 14 millions de personnes n’ont plus d’accès régulier à de l’eau potable à cause de la guerre, une situation qui les expose aux dangers du choléra et autres maladies d’origine hydrique. Le déclin ahurissant des conditions sanitaires et la fin des approvisionnements en eau résultant de l’assaut saoudien ont alimenté la propagation rapide du choléra.

La Marine américaine participe également à l’imposition d’un blocus contre le Yémen qui restreint les exportations du pays et lui impose un effondrement de ses importations d’aliments de base. Le Yémen dépend normalement de ses importations pour satisfaire plus de 90% de ses approvisionnements en céréales.

Aggravant encore plus la situation, le principal aéroport international du pays situé à Sanaa est fermé depuis l’an dernier lorsque la coalition saoudienne a décrété une zone d’exclusion aérienne au-dessus du Yémen. Des quantités limitées d’aide provenant d’organisations humanitaires ont été autorisées à entrer dans le pays via l’aéroport uniquement après l’approbation de la monarchie saoudienne. Mais les personnes ayant besoin d’une aide médicale d’urgence qui n’est disponible qu’à l’extérieur du pays se voient empêchées de partir.

Tout cela a poussé le Yémen au bord de la famine. Le Programme alimentaire mondial a déterminé que 17 millions de Yéménites, soit plus de 60% de la population du pays, n’ont pas assez à manger. Le directeur général adjoint de l’UNICEF, Justin Forsyth, a déclaré en juillet que 1,8 million d’enfants au Yémen souffrent de malnutrition aiguë, alors que 385.000 autres sont victimes d'une malnutrition aiguë sévère.

La catastrophe humanitaire au Yémen est aggravée par l’effondrement du système de soins de santé. Quarante-neuf des 333 districts du pays n’ont pas de médecin et les travailleurs de la santé du pays n’ont pas été payés depuis plusieurs mois.

La semaine dernière, il a été annoncé que sans un afflux rapide de fournitures et d’argent, le Centre national de transfusion sanguine – principale banque de sang du Yémen – sera contraint de fermer ses portes, cessant du coup les traitements de sauvetage d’environ 3000 personnes par mois.

Médecins sans frontières a récemment confié la responsabilité du maintien de ces installations à l’OMS, mais les fournitures envoyées ne se sont jamais rendues à cause de l’embargo saoudien. Si la banque de sang est fermée, des milliers de patients souffrant de blessures de guerre, de cancer ou d’insuffisance rénale seront condamnés à mort.

L’énormité des crimes de guerre qui se déroulent au Yémen rend d’autant plus marqué le silence des médias traditionnels, de l’establishment politique et de leurs laquais de la pseudo-gauche. Alors qu’ils s’époumonent à hurler leurs accusations de crimes de guerre contre Bashar al-Assad et réclament un changement de régime en Syrie, ils donnent le feu vert aux États-Unis et à l’Arabie Saoudite pour détruire toute une société, plongeant le Yémen dans l’une des pires crises humanitaires de l’histoire récente, sans fin en vue.

(Article paru en anglais le 15 août 2017)