La décision de La Haye : Un pas dangereux vers la guerre
Par Peter Symonds
15 juillet 2016
Suite à la décision de la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye mardi niant toutes les revendications maritimes chinoises en mer de Chine du Sud, il y a eu un concert de condamnations dirigées par les Américains contre les « activités illégales » de la Chine, des demandes que Pékin respecte la décision de la cour et des appels à des actions diplomatiques et militaires des États-Unis pour faire respecter celle-ci.
Un éditorial du New York Times intitulé « Test de la primauté du droit en mer de Chine méridionale », a déclaré « les signes sont inquiétants » que « Pékin a rejeté farouchement la compétence d’un tribunal d’arbitrage international » et n’acceptera pas ce « jugement novateur ».
Il a donné son sceau d’approbation à la construction par Obama de « liens de sécurité plus étroits avec les pays asiatiques » et à l’augmentation des patrouilles navales pour contrer « la détermination de la Chine ».
Dans son éditorial, le Wall Street Journal a déclaré que la CPA a servi « une réprimande nécessaire » contre les revendications de souveraineté de la Chine et ses « tentatives agressives pour les faire respecter » qui « menacent l’ordre fondé sur des règles » en Asie. Il a appelé à une « augmentation de la portée et de la fréquence » des intrusions provocatrices en défense de la « liberté de navigation » de la marine américaine dans les eaux entourant les îlots contrôlés par la Chine en mer de Chine du Sud.
Son hypocrisie est stupéfiante. Les États-Unis n’ont que du mépris pour le droit international et n’ont jamais été appelés à rendre des comptes par un tribunal international pour leurs guerres illégales en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye qui ont entraîné la mort de millions de personnes. Dans le cadre de son « pivot vers l’Asie » contre la Chine, le gouvernement Obama est le responsable principal de la transformation des conflits régionaux anciens de faible intensité en mer de Chine méridionale en poudrières dangereuses qui menacent de déclencher une nouvelle guerre encore plus dévastatrice.
Washington a refusé de ratifier le traité international en vertu duquel l’affaire fut entendue à La Haye : la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS). Les États-Unis n’avaient ainsi aucune qualité pour agir et ont utilisé leur ancienne colonie, les Philippines, comme intermédiaire. L’affaire a été prise en charge par le cabinet d’avocats Foley Hoag basé à Washington, sans doute dans la plus étroite collaboration avec le Département d’État américain et la Maison-Blanche.
La décision d’accepter quasiment toutes les demandes des Philippines était courue d’avance. Le long texte de la décision a été soigneusement arrangé pour contourner le fait que la CPA n’a pas le pouvoir de statuer sur les litiges territoriaux, c’est-à-dire sur qui possède réellement les terres et les eaux en mer de Chine méridionale, mais elle a produit une conclusion qui revient effectivement à se prononcer sur cette question. Le tribunal a non seulement rejeté les revendications historiques de la Chine de ses droits sur de grandes zones de la mer de Chine méridionale, mais aussi sévèrement circonscrit ses droits aux eaux entourant les récifs et îlots sous son contrôle, et condamné comme illégales plusieurs de ses activités, y compris la polderisation des terres.
La décision a confirmé une nouvelle fois que l’ONU et les organismes internationaux liés fonctionnent comme un « repaire de brigands » des grandes puissances impérialistes, et notamment des États-Unis.
Pour Washington, les différends territoriaux et les exigences de « liberté de navigation » ont été un prétexte commode pour un énorme renforcement militaire en mer de Chine du Sud et pour le renforcement des alliances et des partenariats stratégiques en Asie du Sud-Est. Au cours des cinq dernières années, les États-Unis ont établi de nouveaux arrangements pour utiliser des bases dans le nord de l’Australie et dans les Philippines, a stationné des navires de combat littoral les plus avancés à Singapour, a renforcé les liens avec le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie, et a intensifié ses exercices militaires communs dans toute la région.
L’insistance des États-Unis sur la « liberté de navigation » n’a rien à voir avec la protection du commerce régional, mais cherche plutôt à assurer l’accès des navires et des avions de guerre américains aux eaux stratégiquement sensibles proches du continent chinois. La stratégie du Pentagone pour la guerre avec la Chine, AirSea Battle (Bataille aérienne et maritime), envisage une attaque aérienne et de missiles massive lancée de navires, de sous-marins et des bases dans le Pacifique occidental, complétée par un blocus naval afin de paralyser l’économie chinoise. Le renforcement militaire en Asie du Sud-Est fait partie d’une expansion plus large visant à encercler la Chine. En 2020, 60 pour cent des avions et navires militaires américains seront déployés dans la région Inde-Pacifique.
Il se peut que le gouvernement américain ne veuille pas nécessairement une guerre avec la Chine, mais il est déterminé à utiliser tous les moyens disponibles pour maintenir sa domination mondiale et considère la Chine comme le principal obstacle. Sa confrontation toujours plus téméraire avec la Chine, et aussi avec la Russie, vise à assurer leur subordination aux intérêts américains, en les démantelant et en les réduisant à l’état de protectorats coloniaux.
La décision de La Haye a souligné la faillite politique complète du régime du Parti communiste chinois (PCC) de Pékin, qui représente les intérêts d’une infime élite capitaliste ultra-riche, et non la grande majorité des travailleurs. En attisant le nationalisme chinois, augmentant ses forces armées et menaçant d’imposer une Zone d’identification de défense aérienne sur la mer de Chine du Sud, la direction du PCC fait le jeu de l’impérialisme américain et sème des divisions dans la classe ouvrière internationale.
La décision de la cour marque un tournant dangereux qui va inévitablement accroître le risque qu’un incident mineur, délibéré ou non, impliquant des rivaux sur des droits en mer de Chine méridionale n’échappe à tout contrôle et ne déclenche un conflit entre les États-Unis et la Chine, deux puissances ayant des armes nucléaires. À mesure que la crise économique mondiale du capitalisme s’aggrave, l’humanité est propulsée vers la guerre mondiale par le système capitaliste en faillite et sa division dépassée du monde en États-nations rivaux.
La seule force sociale capable de mettre un terme à la poussée à la guerre est la classe ouvrière internationale, sur la base d’une lutte unifiée pour abolir le capitalisme et pour restructurer fondamentalement la société sur un programme socialiste afin de subvenir aux besoins sociaux urgents de la majorité, et non pas aux exigences de profit d’une infime minorité des super-riches. Nous demandons à tous nos lecteurs de soutenir le Comité international de la Quatrième Internationale et ses sections, qui sont les seuls à faire campagne pour construire un mouvement international anti-guerre des travailleurs dans le but de lutter pour cette perspective internationaliste socialiste.
(Article paru en anglais le14 juillet 2016)