France: Le Nouveau Parti anticapitaliste plaide pour un gouvernement du Parti socialiste
Par Antoine Lerougetel
13 juin 2012
Le NPA a publié une déclaration disant que «Les conditions sont donc réunies pour que, dimanche prochain, nous tournions la page de la droite sans oublier de battre l'extrême droite de plate couture. »
Ceci faisait écho à la déclaration du 6 juin faite par les dirigeants du NPA, Philippe Poutou, candidat à la présidentielle de 2012, Olivier Besancenot et Christine Poupin: «Bien sûr, ces élections sont l'occasion de tourner définitivement la page de la droite. »
Ces déclarations font partie d'une campagne plus large du NPA et des partis petits-bourgeois, qui vise à promouvoir le PS, parti pro-patronal. Au second tour de l'élection présidentielle du 6 mai entre Hollande et le président sortant conservateur Nicolas Sarkozy, le NPA avait appelé à un vote inconditionnel en faveur de Hollande.
Dans le même temps, lorsque le NPA sent qu'il ne peut pas garder sa crédibilité politique s'il s'aligne entièrement sur le nouveau gouvernement, il tente de prendre une pose critique et d'exprimer une opposition limitée à Hollande et au PS. Dans sa déclaration du 10 juin, citant les scores élevés du Front national néo-fasciste, le NPA dit: «Ils sont le fruit de 30 ans de politiques antisociales de droite comme de gauche. »
De même, la déclaration du 6 juin essaie de dissimuler son soutien au PS, parti bourgeois de « gauche »: «Mais tourner la page ne signifie malheureusement pas qu’on sorte du grand livre du libéralisme et de l’austérité...... la politique du PS prouve que la cohabitation entre son gouvernement et les marchés financiers a déjà commencé. Le gouvernement n’a pas l’intention d’augmenter les salaires. Pas plus qu’il n’envisage de légiférer contre les licenciements. Le gouvernement ne défera même pas ce que la droite avait fait! »
Il ajoute: «De plus, en s’inscrivant dans un processus de ratification du pacte européen de stabilité budgétaire, Hollande lie sa politique aux futurs plans d’austérité imposés par ce nouveau traité européen. »
La question évidente qui se pose est la suivante: Alors pourquoi continuent-ils à soutenir un gouvernement PS?
C'est un fait entendu dans les cercles politiques et financiers, ainsi que dans de larges couches de la classe ouvrière, que Hollande ne représente pas une réelle rupture avec la politique de Sarkozy. Il a fait campagne sur la plateforme de l'austérité budgétaire, combinée à des cadeaux à des entreprises financières et industrielles clé, sous couvert du « volet croissance ». Hollande et le PS n'ont pas de réelles différences avec la politique anti-ouvrière de gouvernements socio-démocrates tels ceux de George Papandreou en Grèce et José Zapatero en Espagne qui ont imposé aux travailleurs des coupes brutales.
L'argument du NPA selon lequel élire un gouvernement à dominance PS fait qu'il est possible de « tourner définitivement la page de la droite », dans une situation où il reconnaît aussi que le PS « ne défera même pas ce que la droite avait fait » est politiquement absurde.
Bien que le NPA essaie de donner un vernis de « gauche » à sa politique, il suggère qu'un gouvernement Hollande sera plus à l'écoute des protestations populaires et plus à même de satisfaire leurs revendications. Les deux déclarations du NPA utilisent la même formulation: « Sous Hollande, rien ne nous sera donné, et ce que nous aurons sera ce que nous saurons arracher. »
Une déclaration de la faction minoritaire du NPA qui représente quelque 40 pour cent des membres du parti et qui souhaite s'allier au Front de gauche (FG) de Jean-Luc Mélenchon (coalition formée par le Parti de gauche (PG), une scission du PS, et le Parti communiste français (PCF)) rend on ne peut plus claire la politique qui se cache derrière cette formulation.
Le NPA cherche à garder une apparence d'indépendance du PS et de ses alliés du Front de gauche afin de maintenir les travailleurs sous le contrôle organisationnel des syndicats et de recanaliser leur opposition derrière le PS.
Le NPA déclare que le « dialogue social » entre le premier ministre d'intérim de Hollande, Jean-Marc Ayrault et les dirigeants syndicaux et du patronat est un pas en avant: «La ' grande conférence sociale' prévue avant le 14 juillet [mais reportée au 17 juillet] sur l’emploi, la retraite, les salaires et le Smic n’aura de portée que si on peut y entendre les exigences sociales et démocratiques de l’ensemble du monde du travail. Rien n’est moins sûr. Mais cependant une chose est certaine, depuis le 6 mai l’air est « plus léger » et la défaite de Sarkozy, c’est un jalon supplémentaire dans la construction d’un rapport de forces plus favorable à notre camp social. »
En fait, la division du travail entre le gouvernement social-démocrate, la bureaucratie syndicale et les forces petites-bourgeoises tel le NPA se révèlera être profondément hostile à la classe ouvrière.
Hollande s'est engagé à garantir que, une fois qu'il disposera d'une majorité ferme, la France tiendra sa promesse de campagne: réduire le déficit budgétaire à 3 pour cent du PIB dès 2013 et à zéro d'ici 2017. Dans le contexte de l'aggravation de la récession en France et en Europe, ces objectifs ne pourront pas être réalisés sans faire de coupes draconiennes dans les dépenses publiques et par là même dans le niveau de vie des travailleurs.
Les syndicats, y compris la CGT (Confédération générale du travail) dominée par les staliniens, sont aussi en total accord avec les attaques brutales contre les travailleurs. Ils ont joué un rôle crucial dans le sabotage des luttes contre les coupes budgétaires de Sarkozy, ne levant pas le petit doigt quand la police avait brisé les grèves des raffineries contre les coupes de Sarkozy sur les retraites en 2010. En cela, ils avaient eu le soutien indéfectible du NPA et des staliniens.
La bourgeoisie française et européenne espère qu'Hollande va contrôler et réprimer la résistance de masse que ces mesures vont inévitablement provoquer. Hollande compte sur les syndicats pour empêcher une action indépendante de la classe ouvrière, alors même que des vagues de fermetures d'usines et de licenciements balayent le pays. Les syndicats ont identifié 45 usines potentiellement menacées de fermeture, impliquant la perte de 46 000 emplois. Telle est la signification de la « Conférence sociale » dont le NPA fait l'éloge.
Le rôle du NPA est de dissimuler la signification de cette politique réactionnaire sous un fin vernis de rhétorique de gauche, vide de sens. Ayant aidé Sarkozy à infliger une série de défaites à la classe ouvrière et à appliquer des attaques majeures contre les droits sociaux des travailleurs, le NPA s'apprête encore à servir la bourgeoisie sous Hollande.
(Paru en anglais le 12 juin 2012)