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France: La « gauche » bourgeoise arrive en tête au premier tour des élections législatives

Par Alex Lantier
12 juin 2012

Les partis bourgeois de « gauche », conduits par le Parti socialiste (PS) du président nouvellement élu François Hollande, sont arrivés en tête au premier tour des élections législatives de dimanche, dans le contexte d'une abstention record s'élevant à 43 pour cent des électeurs. Un second tour se tiendra dans la plupart des 577 circonscriptions législatives dimanche prochain 17 juin.

Les estimations donnaient le PS et le parti droitier Union pour un mouvement populaire (UMP) au coude à coude avec 35 pour cent des voix, et le Front national (FN) néofasciste obtenant 14 pour cent. Le PS aura aussi le soutien de deux alliés de longue date, Europe-écologie-les Verts (EELV) et le Front de Gauche qui ont obtenu respectivement 5 et 7 pour cent des voix. Ceci représente un total de 47 pour cent pour les partis bourgeois de « gauche. »

Le parti droitier MoDem (Mouvement démocratique) s'est effondré, n'obtenant que 1,6 pour cent des voix tandis que les partis petits-bourgeois « d'extrême-gauche », le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) et Lutte ouvrière (LO), ont obtenu 1,1 pour cent.

Le premier ministre PS, Jean-Marc Ayrault, ré-élu au premier tour en Loire-Atlantique a appelé à un large vote PS au second tour. « Il ne s'agit que du premier tour, » a-t-il dit. «Tout se jouera dimanche prochain. Soit le président a une majorité et le changement est possible, ou ce n'est pas le cas.... J'appelle les Français et les Françaises à donner une majorité large, solide et cohérente au président. »

Le FN devrait être au second tour dans quelque 55 à 65 circonscriptions, dont certaines (entre 25 et 35) dans un ballotage à trois. C'est moins que l'objectif de 150 à 200 qu'il s'était fixé, bien que les résultats du FN soient le deuxième score le plus élevé lors d'élections législatives, le premier étant celui de 1997 avec 15 pour cent des voix. Le FN peut espérer obtenir plusieurs sièges à l'Assemblée nationale, pour la première fois depuis les années 1980.

Plusieurs responsables UMP ont indiqué qu'ils ne se désisteraient pas, même dans des circonscriptions où le PS et le FN sont au coude à coude. L'ancien premier ministre François Fillon a expliqué: «Je n'appellerai jamais à voter pour des candidats qui proposent des solutions folles comme la fin de l'Europe, la sortie de la monnaie européenne, le repli sur soi, mais je n'accepterai pas non plus d'appeler à voter pour des candidats socialistes qui seraient alliés ouvertement avec le Front de gauche. »

La candidate du FN à la présidentielle et dirigeante du parti Marine Le Pen est au second tour dans l'ancienne circonscription minière du nord de la France autour de Hénin Beaumont, où elle a vaincu le dirigeant du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon. Elle a obtenu 42 pour cent des voix contre 23 pour cent pour Philippe Kémel (PS) et 21 pour cent pour Mélenchon.

Comme durant l'élection présidentielle, Le Pen a pu compter sur la faillite politique des partis bourgeois et petits bourgeois de « gauche ». «Nous partons donc en campagne contre la gauche archaïque... Nous confirmons notre place de troisième force politique de la France. J'en suis convaincue, nous ferons entrer des députés à l'Assemblée, » a dit Le Pen, ajoutant que ses priorités étaient « l'arrêt de l'immigration, la sécurité, le protectionnisme économique, la priorité nationale. » Elle a ajouté que l'échec de Mélenchon démontrait « sa déconnexion totale entre lui et l'électorat populaire. »

Mélenchon s'est adressé à ses sympathisants lors d'un rassemblement sous la pluie leur disant «Je crains que vous ne soyez un peu déçus.. Malheureusement, ça ne suffira pas, notre concurrent à gauche, quoiqu'il ait perdu 8.000 voix et 5 points, reste devant nous, la loi est ainsi faite, il sera au deuxième tour et non pas moi . » Mélenchon a ajouté qu'il quittait le rassemblement « le coeur paisible. »

L'échec du PS et de ses alliés à obtenir une majorité dans cette élection ainsi que le niveau record de l'abstention reflètent la méfiance populaire largement répandue et le manque d'enthousiasme pour Hollande, élu le 6 mai dernier avec seulement 51 pour cent des voix contre le président sortant profondément impopulaire Nicolas Sarkozy.

Bien qu'Hollande ait annoncé une série de mesures limitées pour se donner une crédibilité de « gauche » durant la campagne législative, ces mesures ne sont guère crédibles. Après cinq ans sans augmentation du salaire minimum, son gouvernement a promis de l'augmenter, mais de pas plus de 5 pour cent. Il a annoncé la révocation des coupes dans les retraites, mises en place par Sarkozy, et remis à 60 ans au lieu de 62 l'âge légal de départ à la retraite, mais a laissé en place la période de cotisation de 41 annuités. En conséquence cette mesure ne s'applique qu'à 20 pour cent des travailleurs qui prennent leur retraite.

Hollande a annoncé que les troupes françaises commenceraient à quitter l'Afghanistan plus tôt que prévu, en juillet de cette année; il a aussi demandé un changement de régime en Syrie, menaçant d'impliquer la France dans une guerre de par le Moyen-Orient.

Parmi les cercles dirigeants, nombreux sont ceux qui s'attendent à ce que - que le PS obtienne la majorité parlementaire au second tour ou que l'UMP arrache une victoire inattendue - Hollande prenne un virage à droite après les élections législatives. (Voir: France: Le président élu laisse entrevoir des coupes budgétaires et des cadeaux aux banques) Sa politique sera dictée en premier lieu par les questions de classes à l'échelle internationale: Le déclin de la compétitivité de la France sur les marchés internationaux et les divisions qui se creusent entre les puissances européennes sur la crise de la dette, dans une situation où les banques exigent davantage d'attaques contre la classe ouvrière.

Ces projets mettent à l'ordre du jour des luttes acharnées en France, alors même que la crise sociale en Grèce et en Espagne menacent de provoquer une explosion de luttes des classes de par l'Europe. L'obstacle majeur au développement d'un mouvement indépendant de la classe ouvrière, en France et de par l'Europe, est le soutien apporté à la « gauche » bourgeoise par les forces staliniennes et petites-bourgeoises soi-disant de gauche. En France, le Front de gauche, le NPA et LO oeuvrent tous à empêcher l'émergence d'une opposition à Hollande qui vienne de gauche.

Les instituts de sondage publient des projections très diverses sur les résultats du second tour. Elles montrent que le PS obtiendra entre 300 et 350 sièges, mais pour certaines de ces estimations le PS n'obtiendrait guère plus de 275 sièges, soit un score inférieur aux 289 sièges requis pour jouir de la majorité à l'Assemblée nationale.

Les responsables du PS espèrent éviter un tel scénario qui nécessiterait qu'ils incluent officiellement des forces du Front de gauche au gouvernement pour avoir la majorité. «On ne peut pas être tous les jours dans le pointillisme de la négociation, » a expliqué Jean-Christophe Cambadélis au Figaro. « Il faut aller vite. Il faut redresser la France et cela nécessite une force de frappe à l'Assemblée nationale. »

Le PS préfèrerait garder des forces tels le Front de gauche et le NPA, qui ont soutenu Hollande durant la campagne présidentielle, comme une opposition loyale qui ferait office de paratonnerre pour faire dévier l'opposition vers des canaux politiques sûrs. Ces partis ont, pour leur part, maintes fois indiqué qu'ils sont prêts à jouer un tel rôle.

La semaine dernière, durant la campagne des législatives, Mélenchon a déclaré qu'il avait dit à Hollande « Le jour où il faudra résister, nous serons là. Nous ne manquerons pas à l'appel. De la même manière, ce n'est pas nous qui ferons tomber un gouvernement de gauche. Nous critiquerons, nous ferons notre rôle de parlementaire, mais nous ne sommes pas des adversaires politiques. »

(Paru en anglais le 11 juin 2012)