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Meurtre capitaliste de masse à Londres

Par Robert Stevens
19 juin 2017

Le choc et l’horreur qui ont suivi l’incendie meurtrier de Londres on fait place à la colère et à la fureur. Des milliers de personnes ont protesté vendredi à Londres pour demander justice et la punition des responsables de ce meurtre de masse dans le pire incendie d’habitations de l’histoire britannique moderne.

Des centaines de personnes scandant : « Nous voulons la justice » pour les victimes du brasier de Grenfell Tower ont entouré l’Hôtel de Ville de Kensington, à Londres, afin d’exiger des réponses des fonctionnaires du conseil municipal qui se sont barricadés dans le bâtiment.

La première ministre, Theresa May, lors de sa visite à Kensington, a dû de rester dans une église et en est sortie entourée d’un lourd dispositif de sécurité, pourchassée par des manifestants en train de la huer et de crier « honte à vous » et « lâche ».

Ce sentiment trouve un écho dans toute la Grande-Bretagne et dans le monde entier.

Des millions de gens sont horrifiés par la perte d’entre 100 et 150 vies de résidents appartenant à la classe ouvrière dans l’incendie de mercredi.

Le plus choquant de tout : cela a eu lieu à Kensington et Chelsea, l’arrondissement le plus riche de Grande-Bretagne dans l’une des villes les plus riches du monde. Mais comme tant d’autres régions de la capitale, la richesse extrême côtoie des privations extrêmes.

Kensington et Chelsea est l’un des quartiers les plus socialement divisé de Londres, avec ceux qui vivent dans le Lancaster West Estate, où se trouve Grenfell Tower, en vue des maisons de multimillionnaires et de milliardaires. La rue la plus chère du pays, Victoria Road à Kensington, a un prix moyen des maisons de plus de 9 millions d’euros.

Cela donne une dynamique politiquement explosive aux événements qui s’y déroulent ; c’est pourquoi, incroyablement, la police et les fonctionnaires municipaux ont fait la sourde oreille quant aux demandes des familles et des amis des résidents et refusent toujours d’admettre le véritable nombre de morts.

Grenfell n’est pas seulement une tragédie effroyable. C’est un crime. Ceux dont les vies ont été prises ont été assassinés tout aussi sûrement que si une torche avait été appliquée au bâtiment.

Des réductions de coûts impitoyables sans se préoccuper de la sécurité publique ont créées les conditions pour ces décès à Grenfell et ont assuré la propagation dévastatrice et rapide du feu depuis sa source initiale qui se trouvait dans un seul appartement.

Le feu s’est propagé aussi rapidement en raison du bardage du bâtiment qui s’est enflammé d’un coup. Il avait été ajouté l’année dernière au cours d’une « remise à neuf ». Vendredi, ce que l’on soupçonnait déjà a été confirmé : le matériau isolant utilisé était inflammable. Il a été choisi parce qu’il était de 3 euros par mètre carré moins chers qu’un autre « résistant au feu ». Les économies réalisées se sont élevées à seulement 6000 euros.

Cette décision, et d’autres décisions tout aussi inquiétantes, ont été prises ou autorisées par le Royal Borough de Kensington et de Chelsea et l’Organisation de gestion des locataires de Kensington et de Chelsea qui a géré Grenfell Tower en son nom. La tour ne comportait aucun système d’alarme incendie central, aucun sprinkler et seulement une seule cage d’escalier de sortie. Les autorités ont ignoré les avertissements répétés d’un groupe de locataires et de résidents pendant de nombreuses années qui ont insisté sur le fait que Grenfell était dangereux et un « piège mortel ».

Une telle criminalité flagrante a des causes plus profondes. Le fait essentiel est que les décès de Grenfell sont le produit de la société de classes et du fonctionnement « normal » du système capitaliste.

Londres est un centre mondial de la spéculation et du parasitisme financier. Et le marché de l’immobilier est un élément essentiel de cette toile mondiale de corruption. Les terrains et les logements dans la capitale sont devenus l’un des produits les plus lucratifs au monde. Ce n’est pas seulement que Londres abrite 80 milliardaires, mais le fait que 60 pour cent de ses gratte-ciel et un grand nombre de maisons et appartements de luxe appartiennent à des entreprises dont le siège est à l’étranger ou à des résidents riches qui n’y mettent les pieds que rarement, ou jamais.

Satisfaire ce marché nécessite un nettoyage social des propriétés des communes de leurs résidents pauvres, surtout lorsqu’ils sont situés dans une zone convoitée. C’est devenu tellement routinier que les résidents du Lancaster West Estate ont raison d’insister sur le fait que l’échec de l’investissement dans Grenfell Tower était un effort délibéré pour les expulser.

Des décisions tout aussi antisociales du même genre sont prises chaque jour par l’oligarchie assoiffée d’argent et ses représentants politiques qui déterminent tous les aspects de la vie des gens avec des effets ruineux. Les logements et les écoles deviennent dangereux. Les hôpitaux fermés ou perdant des lits, les services sociaux essentiels retirés parce que quelqu’un décide qu’ils sont une retenue inacceptable sur des profits qu’il faut maintenir à n’importe quel prix.

Quarante ans après que Margaret Thatcher a déclaré : « Il n’y a pas de société », afin de justifier la saignée des services sociaux, la privatisation et la déréglementation, les conditions sociales auxquelles la classe ouvrière a été réduite atteignent des niveaux associés au « tiers monde ». Cela témoigne de l’immense fossé de classe et de l’inégalité sociale qui existe aujourd’hui dans tous les pays capitalistes.

Jeudi, face à la montée de la colère populaire, May a ordonné une enquête publique sur l’incendie de Grenfell. Celle-ci ne vise qu’à être une mascarade, à protéger les responsables, notamment au sein de son propre gouvernement.

Les responsables de ces décès doivent être arrêtés et faire l’objet de poursuites judiciaires, la vérité doit être établie au cours de leurs procès. Parmi ceux-ci, il faudrait que figurent l’ancien maire de Londres, Boris Johnson, qui est responsable des coupes sombres dans les services des pompiers de Londres et de la déréglementation à tout-va, ainsi que le chef du conseil municipal de Kensington et Chelsea, Nick Paget-Brown.

Mais si ce sont les leaders conservateurs tels que Johnson qui sont responsables de la dernière vague de gentrification agressive au service des super-riches, tous les partis bourgeois, y compris le Parti travailliste, qui dirige beaucoup de conseils d’arrondissements à Londres, sont tout aussi coupables. Le maire de Londres, Sadiq Khan, doit répondre de son rôle, il a laissé cette situation perdurer sans être contestée depuis sa prise de fonctions alors qu’il avait fait campagne en promettant de remédier à la crise du logement à Londres.

Il convient de souligner que le nombre de morts de Grenfell devrait dépasser le total combiné de toutes les attaques terroristes au Royaume-Uni depuis le début de la soi-disant guerre contre le terrorisme en 2001.

Chaque fois qu’une attaque terroriste a eu lieu en Grande-Bretagne au cours de la dernière décennie, toutes les forces de l’État ont été mobilisées. La police a mené des raids sur toute personne qui pourrait être liée à l’auteur de l’attentat, même de la manière la plus indirecte. Ces personnes ont été immédiatement arrêtées et emmenées en garde-à-vue prolongée durant plusieurs jours d’interrogatoires serrés. En réaction à l’incendie de Grenfell, aucune personne à un poste à responsabilité n’a encore été arrêtée, et encore moins accusée.

Au lieu de cela, on nous promet une enquête publique sans conséquences !

Quel que soit le résultat des enquêtes policières en cours et de l’enquête publique, personne ne découvrira la cause essentielle du meurtre collectif commis par le monde des affaires à Grenfell parce qu’elle est enracinée dans un système capitaliste qui a totalement échoué et qui apporte une misère incalculable, et la mort et la destruction contre la grande majorité de la population de la planète.

L’effroyable perte de vies à Londres démontre la nécessité urgente à mobiliser la classe ouvrière derrière un programme socialiste, et de mettre un terme à la subordination de tous les aspects de la politique sociale aux intérêts des escrocs et des parasites financiers.

(Article paru d’abord en anglais le 17 juin 2017)