Les masses de travailleurs boudent la mobilisation syndicale du 16 novembre
Par Anthony Torres
20 novembre 2017
La dernière en date des mobilisations syndicales contre les ordonnances anti-ouvrières de Macron s'est déroulée jeudi. Malgré l'impopularité massive des ordonnances, la CGT, FO, Solidaires la FSU et les syndicats étudiants et lycéens Unef, Unl et Fidl les jeunes et des sections de travailleurs ont mobilisé un faible nombre de travailleurs et de jeunes.
Depuis que les syndicats organisent les manifestations d’une journée et les grèves par roulement contre Macron, les mobilisations vont en diminuant. Après l'abandon par la CGT et ses alliés politiques de la lutte contre la loi travail l'année dernière face à la répression organisée par le gouvernement PS, les appels des syndicats ne suscitent guère d'enthousiasme parmi de larges masses de travailleurs. En plus, les appareils syndicaux évitent d'organiser des grèves dans plusieurs branches industrielles qu'ils tentent traditionnellement de mobiliser.
Ceci est lié à la politique cynique des organisations syndicales et de leurs alliés parmi les partis politiques. Les syndicats ont négocié publiquement les ordonnances avec Macron. Ils n'ont pas l'intention d'organiser un mouvement contre des textes qui leur accordent un pouvoir et des ressources financières considérables, même si c'est pour négocier des accords ou des référendums d'entreprise qui attaqueraient les acquis de leurs propres membres. Ils étranglent ainsi la profonde opposition qui existe à Macron parmi de larges couches de travailleurs.
Jeudi, les manifestants n'étaient plus que 8.000 à être descendus dans les rues de la capitale d’après la police, 40.000 selon les syndicats. Dans l'éducation nationale, le syndicat Sud avait appelé ses adhérents à manifester. Il y a eu quelques perturbations sur le trafic des TER et des Intercités. A Marseille 2.500 personnes ont défilé selon la police ou 25.000 selon les organisateurs de la manifestation. A Lyon entre 3.000 et 10.000 personnes ont défilé, et entre 900 et 1200 personnes à Strasbourg.
L'AFP rapporte que sur Rennes, les syndicats ont compté 1.600 manifestants. Quelques incidents ont éclaté à Nantes, en marge du défilé qui a rassemblé entre 2.500 et 4.000 personnes ; les forces de l'ordre ont attaqué des manifestants au gaz lacrymogène.
Quelques fédérations et unions départementales FO et CFE-CGC étaient aussi dans les cortèges, mais il s'agissait d'initiatives isolées, prises contre l'avis des directions nationales, qui n'appelaient pas à manifester. De son côté, la direction de la CFDT n'a pas appelé les salariés à descendre dans la rue. Le Parti communiste a décidé de se joindre au mouvement, tout comme la France Insoumise et d'autres partis petit-bourgeois.
La piètre participation à la dernière manifestation souligne que l'opposition de masse à Macron ne pourra s'exprimer par le biais de mouvements organisés par les appareils syndicaux. Alors que les ordonnances préparent des attaques drastiques contre les travailleurs en France, comme à travers l'Europe, l'opposition devra prendre la forme d'une éruption de luttes de masse de travailleurs en dehors des appareils syndicaux. Une pareille éruption nécessitera une direction et une perspective révolutionnaires et socialistes pour une luttre pour prendre le pouvoir contre Macron et l'UE.
Les reporters du WSWS ont rencontré des manifestants sur Paris. Le rassemblement était hétérogène, composé de jeunes et en grande partie de membres des diverses tendances politiques et syndicales historiquement liées au PS et estomaquées par sa désintégration. Une nette divergence se faisait sentir entre une couche de jeunes qui cherche un moyen de lutter contre Macron, et des membres de partis petit-bourgeois de plus en plus conscients qu'il n'ont pas de vraie perspective pour une lutte, et qu'un gouffre les sépare des masses.
Louis, un lycéen Unl qui a discuté avec le WSWS, a expliqué qu'il était venu « manifester comme à chaque fois contre la loi travail, contre laquelle il ne faut pas s’arrêter de lutter. On est venu contre la réforme APB (Admission Post-Bac), quelque chose qui nous touche directement, nous les lycéens, et à laquelle d'ailleurs beaucoup de lycéens s'opposent. »
Louis a relié la loi travail et la suppression de l'Impôt sur la Fortune à la réforme APB en soulignant le caractère élitiste de la politique de Macron : « C'est une réforme qui est censée installer le mérite et rien de plus que de la sélection à l'université. La sélection ça voudrait dire que ce sont plus les élèves qui choisissent dans quelle fac ils iront. ... Ça c'est scandaleux. Ils mettent en place quelque chose qui font que les meilleurs resteront les meilleurs, et les moins bons resteront les moins bons. En fait c'est une réforme encore une fois élitiste, comme on peut s'attendre avec Macron et comme il nous le fait pour la loi travail ».
Louis a mentionné qu'une nouvelle perspective et une nouvelle analyse étaient nécessaires pour combattre la montée de l'extrême-droite : « Je pense qu'aujourd'hui on a plus besoin que jamais de prendre du recul par rapport à la montée de l'extrême droite. La jeunesse est vraiment opposée puisque l'extrême droite ne profite pas à la jeunesse. »
A la fin de l'entrevue, il a fait part de son hostilité envers le militarisme des différents gouvernements, en France et à l'international : « Aujourd'hui c'est désastreux, on a Donald Trump qui mène une politique ou il fait n'importe quoi. On a Macron qui mène une politique similaire. »
Le WSWS a aussi parlé à Julie, une militante des Jeunesses communistes (JC) staliniennes, qui a déclaré son hostilité envers les « politiques néolibérales qui sont menées depuis des années et qui ne font que enrichir la classe dirigeante ».
Julie était toutefois extrêmement dubitative sur les chances d'organiser une quelconque opposition à Macron. Interrogée sur Jean Luc Mélenchon, Julie affirme avoir voté pour Mélenchon car « Je pense que c'était le seul candidat qui avait un peu de chance de l'emporter à gauche, une petite chance même si on n'y croyait pas trop. Jean-Luc Mélenchon, on sait très bien que ce n'est pas lui qui mènera la grande révolution sociale ... ».
Julie a avoué ne pas croire à une victoire des mobilisations, dans lesquelles elle voyait surtout en geste symbolique : « Je pense qu'on n'a pas le choix ... il faut qu'on le fasse, ne serait-ce que pour être bien avec soi même. ».
Laeticia, enseignante et membre du Parti Ouvrier Indépendant, a expliqué : « Il y a eu beaucoup d'enseignants dans la rue il y a quelques années, mais il y a deux ans sur la réforme du collège qui a été pour nous une catastrophe, et on n'a pas été entendu. Et puis maintenant il veut (attaquer) les lycéens, on n'est toujours pas d'accord. » Toutefois, la seule perspective qu'elle offrait était : « On continue à manifester jusqu'à ce qu'on se fasse entendre. »