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Les menaces de Trump sur la mer de Chine méridionale augmentent le risque de guerre nucléaire

Par Peter Symonds
26 janvier 2017

Quelques jours après son entrée en fonction, le gouvernement Trump a mis le cap pour entrer en conflit avec la Chine en Mer de Chine méridionale, ce qui risque des affrontements militaires et la guerre.

Le secrétaire de presse du président Donald Trump, Sean Spicer, a confirmé mardi une affirmation antérieure du candidat du gouvernement au poste de secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères), l’ancien PDG d’Exxon Mobil, Rex Tillerson, selon laquelle Washington bloquerait l’accès de la Chine aux îlots consolidés par Pékin en mer de Chine méridionale.

Dans sa première conférence de presse, Spicer a déclaré sans ambages : « Les États-Unis vont s’assurer que nous protégeons nos intérêts là-bas. » Se référant aux îles contrôlées par la Chine dans les eaux contestées, il a poursuivi : « Il est question de savoir si ces îles sont en fait dans les eaux internationales et non faisant proprement dit partie de la Chine, alors oui, nous allons faire en sorte de défendre les territoires internationaux contre l’invasion d’un pays tiers.

Le caractère téméraire des menaces du gouvernement Trump a été souligné par le gros titre du Washington Post : « Est-ce-que Trump est prêt pour la guerre en mer de Chine méridionale, ou son équipe manque tout simplement de clarté ? » Alors que le Post a suggéré que le problème venait de remarques imprécises ou mal exprimées, les déclarations de Spicer étaient entièrement en conformité avec ce qui a été dit il y a moins de deux semaines par Tillerson.

Lors de son audition au Congrès, Tillerson a fustigé la Chine, déclarant que ses activités de poldérisation en mer de Chine méridionale « s’apparentent à la saisie de la Crimée par la Russie. » Il a averti que les activités chinoises de construction sur les îles devraient cesser, ajoutant que « l’accès [de la Chine] à ces îlots ne sera pas autorisé. »

Ces commentaires marquent un changement décisif par rapport à la position antérieure de Washington, qui, du moins nominalement, ne s’est pas prononcée sur les différends territoriaux, mais a déclaré qu’il avait un « intérêt national » à assurer la « liberté de navigation » en mer de Chine méridionale. Pendant le mandat d’Obama, la marine américaine a de façon provocatrice envoyé des destroyers lanceurs de missiles guidés à trois reprises dans la limite territoriale de 12 milles nautiques autour des îlots chinois.

Le gouvernement Trump conteste directement le contrôle de la Chine sur les îlots. Interrogé sur la façon dont les États-Unis pourraient mettre en pratique leur menace de bloquer l’accès de la Chine, Spicer a déclaré que « nous aurons plus d’informations à ce sujet » à mesure que la situation se développera.

Comme divers analystes l’ont souligné, le seul moyen d’y interdire l’accès par la Chine serait un blocus naval et aérien en mer de Chine méridionale. Une telle action, une violation manifeste du droit international, constituerait un acte de guerre.

Les îlots de la mer de Chine méridionale ne sont pas des « territoires internationaux », mais ils sont occupés par divers pays et font l’objet de revendications conflictuelles de longue date. Le cynisme et l’hypocrisie de Washington sont stupéfiants. Il ne propose pas de prendre des mesures contre les îlots occupés par des prétendants rivaux – les Philippines, le Vietnam, la Malaisie et Taïwan.

Le ministère chinois des Affaires étrangères hier a réaffirmé que la Chine avait « la souveraineté incontestable » sur les îlots et a averti que « nous sommes fermes dans la sauvegarde de nos droits et nos intérêts. » Après avoir rappelé que les États-Unis n’avaient aucune prétention directe en mer de Chine méridionale, la porte-parole Hua Chunying a exhorté Washington à « parler et agir avec prudence pour éviter de nuire à la paix et la stabilité dans la région. »

Un éditorial précédent dans le Global Times, organe de l’État, a déclaré que toute tentative visant à empêcher l’accès de la Chine à ses îles « impliquerait la guerre à grande échelle » et a suggéré que Tillerson « révise pour les stratégies nucléaires s’il veut forcer une grande puissance nucléaire à se retirer de ses propres territoires. »

La volonté de l’impérialisme américain de menacer une puissance nucléaire et de risquer une conflagration nucléaire ne peut être attribuée simplement à la vision ou à la psyché du démagogue de droite Donald Trump, ou des individus militaristes et fascistes de son gouvernement. Si la montée en puissance de Trump représente un changement qualitatif dans la politique mondiale, les bases de la confrontation imminente avec la Chine ont été jetées par « le pivot vers l’Asie » agressif du gouvernement Obama. Si Hillary Clinton, l’un des principaux architectes du « pivot » avait remporté l’élection, son gouvernement, quelles que soient les différences de style, de timing et de tactique, aurait poursuivi essentiellement le même cours de va-t-en-guerre.

Le but du « pivot vers l’Asie » d’Obama était d’arrêter le déclin historique de l’impérialisme américain et de subordonner la Chine au « système basé sur les règles internationales » dominé par Washington. Les conseillers de Trump ne sont pas en désaccord avec l’objectif, mais ont été virulent en dénonçant l’échec du « pivot » pour atteindre ces fins.

Au cours de sa campagne électorale, Trump a clairement indiqué qu’il avait l’intention de se confronter à la Chine sur toute la ligne, depuis les questions commerciales et monétaires, de l’espionnage cybernétique aux poudrières les plus dangereuses au monde, la Corée du Nord et Taïwan ainsi que la mer de Chine méridionale. Il a promis une vaste expansion de l’armée américaine, y compris de son arsenal nucléaire, pour soutenir ses revendications avec la menace de la guerre.

Un changement fondamental est en cours dans la politique et l’économie mondiales. L’élection de Trump marque la rupture finale et l’effondrement de l’ordre instauré après la Seconde Guerre mondiale. La décision de Trump d’annuler le Partenariat Trans-Pacifique, la composante économique du « pivot » d’Obama, sonne le glas de l’ère du « libre-échange » et du multilatéralisme. La politique de « l’Amérique d’abord » de Trump signifie un tournant vers les mesures commerciales punitives, en premier lieu contre la Chine, et le retour des politiques de « chacun pour soi » des années 30 qui ont mené à la deuxième guerre mondiale.

La spéculation par les médias et les gouvernements à travers le monde que Trump allait modérer ses vues une fois dans ses fonctions vire rapidement à la consternation et à la peur. Dans les grandes capitales, on fait des calculs quant à la meilleure façon de défendre l’intérêt national.

Le ministre allemand de l’économie, Sigmar Gabriel, a déclaré que l’Europe devait définir ses propres intérêts, suggérant qu’elle se tourne vers la Chine et l’Asie si les États-Unis commencent une guerre commerciale avec Pékin. Toute orientation vers la Chine, en particulier par les puissances européennes, intensifiera les paroles et les actions belliqueuses de Washington, à mesure qu’il ressent son emprise géopolitique lui échapper et de conclure qu’il doit agir tôt plutôt que tard.

Lors du Forum économique mondiale à Davos ce mois-ci, le président chinois Xi Jinping a présenté son régime comme le défenseur du « capitalisme libéral » du commerce et de l’ordre économique en opposition à Washington, dans un effort d’accroître l’influence chinoise parmi les alliés traditionnels des États-Unis.

Le Centre for Strategic and Budgetary Assessments (CSBA), think tank américain, a publié un rapport la semaine dernière intitulé « Préserver l’équilibre. Une stratégie de défense américano – eurasiatique ». Il déclare que les États-Unis doivent empêcher la domination du continent eurasien par une puissance ou des puissances rivales. « Si une seule puissance devait dominer l’Europe ou l’Asie, elle disposerait d’une main-d’œuvre, d’une capacité économique et technique considérablement plus grandes et donc d’un potentiel militaire plus important que les États-Unis. Par conséquent, si possible, l’émergence d’un tel pouvoir doit être contrée », affirme-t-il.

Le rapport n’exclut rien, y compris l’utilisation d’armes nucléaires pour atteindre les objectifs américains. Après avoir déclaré qu’il était « nécessaire de repenser le problème de la guerre nucléaire limitée », il poursuit : « Les forces américaines doivent être prêtes à répondre à un ­ensemble d’évènements stratégiques de guerre le long de la périphérie eurasienne. La capacité de l’armée américaine à mener des opérations pour mettre un terme à un tel conflit rapidement et à des conditions favorables, ainsi que d’une manière qui décourage l’utilisation future d’armes nucléaires, pourrait être cruciale pour la sécurité à long terme de l’Amérique. »

Les menaces sérieuses du gouvernement Trump sur la mer de Chine méridionale sont les avertissements les plus vifs indiquant que le monde se dirige à vitesse accélérée vers une catastrophe nucléaire. Mais la même crise qui pousse le capitalisme mondial sur la voie de la guerre mondiale pousse la classe ouvrière internationale sur la voie de la révolution socialiste.

La question sera finalement décidée par le niveau de conscience politique, l’unité et l’organisation de la classe ouvrière, et cela dépend de la construction de la nouvelle direction politique de la classe ouvrière. Cette direction, qui seule se bat à construire un mouvement international contre la guerre sur la base d’une lutte unie de la classe ouvrière contre le capitalisme, source de la guerre impérialiste, est le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI). La tâche urgente est de rejoindre et de contribuer à la construction du CIQI et de ses sections nationales.

(Article paru en anglais le 25 janvier 2017)