Un groupe de recherches américain présente un plan directeur pour aller en guerre contre la Chine
Par Peter Symonds
28 janvier 2016
Un nouveau rapport du Center for International and Strategic Studies (Centre d'études internationales et stratégiques) publié la semaine dernière constitue un avertissement glacial de l'accélération des préparatifs des États-Unis pour aller en guerre contre la Chine – un conflit qui plongera probablement le monde dans une catastrophe nucléaire.
Commandé par le ministère de la Défense des États-Unis, ce rapport est avant tout la voix du vaste establishment militaire américain, qui voit la Chine comme la principale menace à une domination stratégique sans entrave des États-Unis en Asie. Le document appelle à une énorme expansion militaire dans la région Asie-Pacifique, non seulement des États-Unis, mais aussi de l'ensemble de leurs alliés et partenaires stratégiques dans la région. Le rapport montre clairement que tous les pays de la région, petits et grands, sont aspirés dans le tourbillon.
Le CSIS avait publié une étude similaire en 2012 portant sur les préparatifs militaires associés au «pivot vers l'Asie» de l'administration Obama, préconisant notamment le positionnement de 60 pour cent des forces aériennes et navales du Pentagone dans la région en 2020. Depuis, les États-Unis ont restructuré leurs bases militaires au Japon et en Corée du Sud, agrandi leurs installations à Guam, conclu de nouveaux accords pour des bases militaires en Australie et aux Philippines, et renforcé leurs liens avec presque tous les pays asiatiques.
Ces préparatifs militaires vont de pair avec une offensive diplomatique acharnée pour justifier ce stationnement de plus de la moitié de la puissance militaire américaine aux portes de la Chine. Dans ce processus, Washington a imprudemment enflammé les points chauds de la région, mettant l'accent en particulier sur les différends maritimes entre Beijing et ses voisins. En voyage en Asie, le secrétaire d'État américain John Kerry a fait pression lundi sur le premier ministre du Laos, président actuel de l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est (ASEAN), pour obtenir une réponse unifiée au supposé «expansionnisme» chinois en mer de Chine méridionale.
Malgré l'offensive militaire, diplomatique et politique des États-Unis, le rapport du CSIS avertit que la Chine a augmenté sa «tolérance au risque». En d'autres termes, Beijing refuse de céder aux pressions des États-Unis.
Le CSIS cite l'expansion des armes «anti-accès» de la Chine pour contrer une attaque d'annihilation des États-Unis contre la Chine continentale comme prétexte pour l'escalade des préparatifs militaires de Washington. Le groupe de recherche élimine catégoriquement toute possibilité de retraite des États-Unis dans le Pacifique occidental, en plus de critiquer les compressions dans les dépenses militaires de l'administration Obama et de proposer des milliers de milliards de dollars en nouvelles dépenses pour étendre la présence militaire américaine en Asie et développer de nouveaux systèmes d'armes. «Au rythme actuel du développement des capacités des États-Unis, met en garde le groupe de recherche, le rapport de puissance militaire dans la région se fait au détriment des États-Unis.»
L'affirmation selon laquelle les États-Unis seront dépassés par la Chine en fait de puissance de feu s'ils ne s'engagent pas dans plus de dépenses militaires massives est non seulement absurde, mais exprime la logique folle du militarisme américain. Le budget de la défense américain éclipse déjà celui de tous ses rivaux potentiels, y compris la Chine.
Les dépenses militaires des États-Unis l'an dernier étaient supérieures au total combiné de celles des sept autres plus grandes puissances. Le Pentagone a de loin la plus grande et la plus sophistiquée des flottes de porte-avions; ses chasseurs et bombardiers de dernière génération sont déployés dans des bases avancées entourant la Chine continentale; son arsenal nucléaire pourrait anéantir la capacité militaire et industrielle de la Chine de nombreuses fois. Pourtant, la «menace» chinoise est le prétexte à encore plus de demandes de dépenses militaires.
Poussé par l'aggravation de la crise du capitalisme mondial, l'objectif de Washington n'est rien de moins que la domination du monde – une tâche impossible qui ne peut aboutir qu'à un désastre. Dans la vague de triomphalisme capitaliste qui a suivi la dissolution de l'Union soviétique, le Defense Planning Guidance élaborait en 1992 comme nouvelle stratégie globale que «nos efforts doivent empêcher toute puissance hostile de dominer une région dont les ressources, sous contrôle consolidé, sont suffisantes pour produire une puissance mondiale».
Comme le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) expliquait alors, la trahison finale de la bureaucratie stalinienne soviétique ne représente pas l'échec du socialisme ou le triomphe de l'économie de marché, mais préfigure plutôt l'effondrement de l'ordre capitaliste mondial. La réponse de l'impérialisme américain à son déclin historique a été, à chaque étape, d'exploiter sa puissance militaire résiduelle, résultant en une interminable série de guerres dans une course désespérée et irresponsable d'établir son hégémonie mondiale.
Obama a lancé le «pivot vers l'Asie» au milieu de l'année 2009 en réaction à l'éruption de la crise financière mondiale de 2008 et aux critiques de plus en plus exprimées dans les cercles dirigeants américains que l'administration Bush n'avait pas contré les conséquences de l'essor économique de la Chine, ne réussissant plutôt qu'à embourber les forces américaines dans les guerres d'Irak et d'Afghanistan. Le marasme économique mondial ayant empiré depuis, les États-Unis se sont engagés dans une course effrénée aux armements en Asie, puis dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient et dans des préparatifs militaires en Europe de l'Est contre la Russie.
La poussée militariste des États-Unis n'est pas le produit d'individus dérangés, mais des contradictions fondamentales de l'ordre capitaliste moribond – entre l'économie mondiale et le système des États-nations désuet d'un côté, et entre la production socialisée et la propriété privée des moyens de production de l'autre. Les États-Unis, comme leurs rivaux impérialistes, cherchent à surmonter ces contradictions en élargissant leur contrôle sur les ressources, les marchés et la main d'œuvre à la grandeur de la planète.
La politique internationale de 2016 ressemble étrangement aux périodes qui ont mené à l'éruption des deux premières guerres mondiales. Dans l'article La guerre et la IVe Internationale écrit en 1934, Léon Trotsky mettait en garde cinq ans avant le deuxième conflit mondial que «Tous les gouvernements ont peur de la guerre. Mais aucun n'est libre de son choix. Sans une révolution prolétarienne, une nouvelle guerre mondiale est inévitable.»
Dans une remarquable perspicacité qui est encore plus vraie aujourd'hui, Trotsky écrivait: «Le capitalisme des États-Unis se heurte aux mêmes problèmes qui ont poussé l'Allemagne en 1914 sur le chemin de la guerre. Le monde est partagé? Il faut refaire le partage. Pour l'Allemagne, il s'agit d'"organiser" l'Europe. Les États-Unis doivent "organiser" le monde. L'histoire est en train de confronter l'humanité à l'éruption volcanique de l'impérialisme américain.»
La course acharnée vers la guerre est inextricablement liée aux mêmes processus qui propulsent la classe ouvrière dans la lutte contre le système de profit. Les milliers de milliards de dollars gaspillés en armements par les États-Unis et leurs alliés dans leurs préparatifs de guerre contre la Chine vont être payés par la destruction des services sociaux, l'éviscération de l'infrastructure essentielle et l'appauvrissement des travailleurs.
Face aux menaces croissantes de Washington, la réaction de la direction du Parti communiste chinois – qui représente les intérêts d'une infime couche de super-riches qui se sont enrichis grâce à la restauration capitaliste – est de se livrer à une course aux armements futile et d'attiser le sentiment nationaliste réactionnaire qui divise les travailleurs chinois de ceux d'Asie, des États-Unis et d'ailleurs dans le monde.
La menace d'une guerre mondiale ne peut être résolue que par le rejet de toutes les formes de nationalisme et de chauvinisme et la construction d'un mouvement conscient et unifié antiguerre de la classe ouvrière internationale pour mettre fin au capitalisme et bâtir une économie socialiste mondiale. C'est la perspective révolutionnaire pour laquelle le Comité international de la Quatrième Internationale se bat.
(Article paru en anglais le 26 janvier 2016)