Le capitalisme et la crise mondiale des réfugiés
Par Robert Stevens
22 août 2015
Selon l'ONU, il y a plus de réfugiés dans le monde aujourd'hui qu'à tout autre moment dans l'histoire humaine.
Fin 2014, près de 60 millions de personnes étaient déplacées de force. C'est près de trois fois le nombre enregistré à peine une décennie auparavant. À l'échelle mondiale, une personne sur 122 est aujourd'hui réfugiée, soit déplacés à l'intérieur de son pays ou demandeur d'asile ailleurs. Une majorité (51 pour cent) des réfugiés de la planète ont moins de 18 ans.
Des millions de personnes ont dû fuir leurs domiciles pour sombrer dans la misère en raison des guerres en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye. La plus grande crise est centrée sur la Syrie, où le nombre de ceux qui fuient vers d'autres pays a maintenant dépassé quatre millions. Ceux qui sont capables de le faire cherchent refuge en Europe. Cela implique souvent un voyage périlleux à travers la Méditerranée, un voyage qui a coûté la vie à des milliers d'hommes, femmes et enfants.
Cette semaine, les cadavres de 49 migrants ont été découverts dans la cale d'un bateau de pêche, morts de l'inhalation de fumées. Cela s'ajoute au total de plus de 2.300 morts en mer cette année.
Selon Frontex, l'agence des frontières de l'Union européenne, 107.500 migrants ont été détectés aux frontières en juillet. C'est trois fois plus qu'en juillet 2014.
Des milliers de réfugiés et de demandeurs d'asile, la grande majorité fuyant les guerres en Syrie, en Afghanistan et en Irak, tentent d'atteindre l'Europe via ses Etats méridionaux – la Grèce, l'Italie et l'Espagne. Depuis janvier, un total de 160.000 réfugiés et migrants sont arrivés dans les différentes îles grecques, dont plus de 20 000 sont arrivés la semaine dernière. Plus de 100.000 ont été secourus et ramenés en l'Italie cette année.
Ce n'est qu'une petite partie de ceux qui tentent d'échapper à des conditions horribles. Des millions de réfugiés fuyant la Syrie survivent dans des camps de réfugiés de la taille de villes entières en Jordanie et en Turquie. Les réfugiés qui tentent le voyage en Europe sont ceux qui ont réussi à rassembler assez d'argent pour payer l'un des trafiquants qui opèrent les navires.
Ce petit pourcentage des réfugiés est traité de menace existentielle par l'élite dirigeante européenne. Les réfugiés et les migrants sont régulièrement dénoncés comme des criminels responsables de tous les maux par des gouvernements et des partis politiques de toutes les allégeances.
Evoquant les 5.000 migrants qui vivent dans des conditions épouvantables à Calais, le secrétaire aux Affaires étrangères britannique Philip Hammond a dit : « L'Europe ne peut ni se protéger ni préserver son niveau de vie et son infrastructure sociale, si elle doit absorber des millions de migrants africains ».
Cette semaine, la chancelière allemande Angela Merkel a prévenu dans une interview télévisée que l'arrivée de milliers de réfugiés sur les rivages du continent « préoccuperait l'Europe beaucoup, bien plus que la question de la Grèce et la stabilité de l'euro ».
En Grèce même, le traitement brutal des réfugiés par le gouvernement dirigé par Syriza est une confirmation de plus de son caractère pro-capitaliste et anti-ouvrier.
La bile de droite émanant des milieux officiels est reprise et amplifiée dans un élan de haine xénophobe de plus en plus ouverte dans les médias. Des bandes fascistes, encouragées par cette atmosphère putride, ont intensifié leurs attaques contre les réfugiés et demandeurs d'asile. En Allemagne, par exemple, plus de 200 incidents, y compris des incendies criminels sur les foyers de migrants, ont été signalés cette année.
Les musulmans en particulier sont touchés de plein fouet par ce venin. Cette semaine, le gouvernement slovaque, qui doit accueillir quelques 200 réfugiés syriens dans le cadre d'un programme de réinstallation de l'UE, a déclaré qu'elle n’accepterait que des chrétiens.
Ce qui est traité de « problème d'immigration » est en fait un problème du capitalisme et de la domination impérialiste. Il y a deux causes profondes de la crise massive de réfugiés.
Le premier est le nombre croissant de guerres menées par les puissances impérialistes et leurs mandataires, notamment en Afrique et au Moyen orient. En effet, les Etats-Unis, soutenus par leurs alliés, ont été impliqués dans une guerre perpétuelle depuis 1991 qui a déplacé des populations et détruit des sociétés entières.
Le deuxième facteur important est le contrôle économique de la planète par les principaux Etats capitalistes, qui plongent des milliards de personnes dans la pauvreté abjecte.
Les puissances européennes cherchent à se prémunir contre les résultats des carnages qu'elles ont perpétrés en créant une « forteresse Europe ». Lors du sommet d'urgence en juin sur les réfugiés, l'UE s’en est lavée les mains, malgré le dégoût public croissant face à la mort de milliers de personnes en Méditerranée. Les Etats membres ont refusé de s'accorder sur comment accueillir l'afflux de réfugiés et juste accepté de réinstaller 40.000 réfugiés se trouvant déjà en Italie et en Grèce.
Tous concentrent leurs efforts sur le renforcement des contrôles aux frontières. La frontière sud de la Hongrie marque l’extrémité de la zone Schengen, à l'intérieur de laquelle les déplacements sans passeport sont permis. Le gouvernement hongrois y construit une clôture massive le long de sa frontière avec la Serbie. Cette semaine, un porte-parole du premier ministre a déclaré que la barrière serait «défendue» par des milliers de policiers contre les migrants «de plus en plus agressifs».
De nouvelles clôtures frontalières, de plusieurs mètres de haut et longues de kilomètres, surgissent en Grèce, en Bulgarie, en Espagne, en Grande-Bretagne à l’entrée du tunnel sous la Manche à Calais, etc.
Alors que l'économie mondiale est plus étroitement interconnectée et plus complexe que jamais auparavant dans l'histoire, le système capitaliste, fondé sur la division démodée de la planète en Etats-nations antagonistes et la propriété privée des moyens de production, crée l’enfer sur la Terre.
Dans le programme fondateur de la Quatrième Internationale, le grand révolutionnaire Léon Trotsky écrivait à la veille de la Seconde Guerre mondiale, «Avant d'étouffer ou de noyer dans le sang l'humanité, le capitalisme empoisonne l'atmosphère mondiale par les vapeurs délétères de la haine nationale et raciale ».
Ces mots sont aussi pertinents aujourd'hui qu'ils l'étaient alors.
Comme avec tous les grands problèmes de l'humanité, la seule solution rationnelle qui peut empêcher des dizaines et des centaines de millions d'autres personnes de devenir des réfugiés est celle de l'unification de la classe ouvrière internationale dans la lutte pour une réorganisation socialiste de la vie économique. Le socialisme, une société fondée sur la satisfaction des besoins humains, pas le profit, saurait utiliser rationnellement et développer les ressources abondantes de la Terre pour offrir une vie digne d'être vécue pour tout le monde.
Avec toute sa force collective, la classe ouvrière doit défendre fermement les droits démocratiques à l'asile des réfugiés et des migrants et leur droit de vivre où qu’ils le souhaitent.
La classe ouvrière internationale, la seule force révolutionnaire de la planète, doit être mobilisée afin de mettre fin aux horreurs de l'impérialisme et du système capitaliste. Cette tâche requiert la construction du Comité international de la Quatrième Internationale, le mouvement trotskyste mondial.
(Article paru en anglais le 21 août 2015)