Home » Perspectives » Asie » Asie de l'Est » Japon

Les troupes américaines et japonaises s'entraînent à la guerre contre la Chine

Par Peter Symonds
1 mars 2014

Un article important du New York Times du week-end dernier ne laisse aucun doute sur les préparatifs de guerre américano-japonais ni sur leur cible. Intitulé « Dans les entraînements japonais avec les États-Unis, un message pour Beijing, » cet article couvre l'entraînement de la nouvelle force amphibie japonaise par les marines américains sur « la manière d'envahir et reprendre une île capturée par des forces hostiles. »

Si cet entraînement en commun portant le nom de code Iron Fist est un événement annuel, le lieutenant colonel des marines John O'Neal a déclaré que les troupes japonaises sont venues cette année avec « une nouvelle motivation. » Cette unité de 250 soldats, qui n'étaient que 25 en 2006, est arrivée avec « ses propres 4x4 blindés, matériel et tout l'attirail pour reprendre des îles, ou pour le dire dans le jargon des marines, mener ''un assaut amphibie avec l'intention de prendre les îles de l'objectif.'' » O'Neal explique que cet exercice d'un mois à Camp Pendleton en Californie du Sud est « l'opération la plus importante et la plus intense jusqu'ici. »

Cet exercice conjoint était présenté comme un scénario de défense, une réaction à ce que le Times appelle « la crainte » partagée par les cercles militaires américains et japonais « au sujet des démonstrations de force militaire de la Chine. » Dans un discours antérieur ce mois-ci, le capitaine James Fanell, directeur du renseignement de la marine pour la Flotte du Pacifique, a accusé l'armée chinoise de préparer une « courte guerre intense pour détruire les forces japonaises en Mer de Chine orientale » qui serait suivie de la prise des îles contestées Senkaku/Diaoyu.

Les commentaires de Fanell sont clairement les plus incendiaires d'une série régulière de sorties belliqueuses venant du gouvernement Obama et de l'armée américaine qui accusent la Chine « qui s'affirme » d'aggraver fortement les tensions en Asie. En réalité, sous couvert de préservation de la paix et de la stabilité, l'impérialisme américain, après une décennie de guerres d'agression en Afghanistan, en Irak et en Libye, se prépare à un nouveau conflit encore plus terrible contre la Chine qui dispose de l'arme nucléaire.

Dans le cadre du « pivot vers l'Asie » d'Obama, le Pentagone envoie 60 pour cent de ses moyens navals et aériens vers la région Indo-Pacifique, établissant de nouveaux accords pour des bases dans toute la région, et restructurant les forces existantes au Japon et en Corée du Sud. En encourageant ses alliés militaires comme le Japon à adopter une posture plus agressive envers la Chine, Obama a transformé les conflits territoriaux en Mer de Chine méridionale et orientale qui étaient à peine notables dans la politique mondiale, il y a cinq ans, en de dangereux points chauds qui pourraient déclencher une guerre.

Le « pivot » d'Obama a encouragé les couches militaristes parmi les cercles dirigeants japonais et a directement contribué à la montée au pouvoir du gouvernement le plus à droite depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, dirigé par le Premier ministre Shinzo Abe. En 14 mois de pouvoir, Abe a augmenté le budget militaire du pays pour la première fois depuis une dizaine d'années, mis fin aux limites légales et constitutionnelles imposées à l'armée japonaise et présenté une nouvelle orientation stratégique qui se concentre sur les îles du sud-ouest qui font face à la côte chinoise.

En mars dernier, quelques mois seulement après être arrivé au pouvoir, Abe a donné des signes de posture belliqueuse et sans compromis envers la Chine au sujet de la dispute sur les îles Senkaku en citant la justification donnée par l'ancienne Premier ministre britannique Margaret Thatcher pour lancer la guerre des Malouines contre l'Argentine en 1982. Au nom de la « défense de l'île », Abe a accordé une très haute priorité à la création pour l'armée japonaise d'une force amphibie semblable aux marines américains avec un renforcement de la marine, de l'armée de l'air et des gardes côtes.

La remilitarisation d'Abe va de pair avec le regain des traditions réactionnaires du militarisme japonais des années 1930 et 1940, symbolisé en particulier par sa visite en décembre dernier au sanctuaire Yasukuni qui abrite les morts japonais de la guerre dont les principaux criminels de guerre. Un article du Wall Street Journal cette semaine notait « la montée d'une minorité nationaliste plus affirmée au Japon », y compris de jeunes députés du Parti libéral démocrate (PLD) d'Abe, qui non seulement expriment de l'hostilité envers la Chine et la Corée du Sud, mais aussi envers les États-Unis pour leurs critiques, pourtant légères, de la visite d'Abe au sanctuaire Yasukuni.

Le « pivot » des États-Unis est en train de libérer des forces politiques au Japon et ailleurs en Asie sur lesquelles il n'a aucun contrôle. Sous l'effet d'une récession mondiale qui s'aggrave, Washington se sert de la puissance de l'armée américaine pour maintenir son hégémonie en Asie, qui joue maintenant un rôle central dans l'économie mondiale. Tout en étant un allié des États-Unis, le gouvernement d'Abe est avant tout engagé à poursuivre les intérêts de l'impérialisme japonais, avec ou sans le soutien de Washington. Un membre du parlement particulièrement va-t-en-guerre, Takaya Muto, a déclaré au Wall Street Journal : « Nous devons pouvoir nous protéger, [y compris avec] des armes nucléaires. »

La pression continuelle et croissante des États-Unis et de leurs alliés révèle la faiblesse inhérente de la direction du Parti communiste chinois (PCC) qui, après trois décennies de restauration capitaliste, dirige de manière précaire une société parcourue par une profonde division entre riches et pauvres. Organiquement incapable de lancer un appel à la classe ouvrière de Chine, sans parler de la classe ouvrière internationale, le régime du PCC cherche à apaiser les États-Unis tout en renforçant l'armée chinoise et en attisant le nationalisme réactionnaire chinois pour mieux ancrer sa propre base sociale.

Le gouvernement Obama exploite en retour la posture de Beijing sur les conflits territoriaux avec le Japon et le développement de son armée pour justifier une nouvelle accélération du « pivot », dont ces derniers exercices conjoints américano-japonais ne sont qu'une petite partie. Au cours des cinq dernières années, les États-Unis ont transformé toute la région en une dangereuse poudrière où la moindre erreur de calcul sur l'un ou l'autre des principaux points chauds qui s'y trouvent, risquerait de déclencher un conflit plus intense qui serait une calamité pour l'humanité toute entière.

Cette poussée sans relâche vers la guerre ne peut être arrêtée que par la mobilisation indépendante de la classe ouvrière internationale, l'unique force sociale capable d'abolir la cause fondamentale de la guerre qui se trouve dans le système capitaliste et sa division dépassée du monde en des Etats-nations toujours en compétition. Les travailleurs de Chine, du Japon, des États-Unis et internationalement partagent un intérêt de classe commun à abolir le capitalisme et à restructurer la société de manière socialiste pour répondre aux besoins pressants de l'humanité, et non aux profits des ultra-riches.

(Article original paru le 28 février 2014)