Les routiers entrent en grève contre les ordonnances de Macron
Par Anthony Torres
26 septembre 2017
A l’appel de la Fédération des Transports de la CGT et de FO, une cinquantaine de blocages et d’opérations escargot se déroulent de partout en France pour protester contre les ordonnances de la loi travail. En isolant les routiers en grève, la CGT et FO cherchent à désorganiser les travailleurs pour ensuite bloquer l'émergence d'une opposition révolutionnaire des travailleurs à l'austérité.
Le responsable FO Transport des Alpes Maritime Michel Dey a déclaré qu’ « Il faut qu'on soit entendu, enfin, qu'ils arrêtent d'être sourds, ce sera un gros, gros mouvement ». La CGT incite les automobilistes à « faire le plein assez rapidement » pour anticiper la pénurie de carburant. Face à l’hostilité des travailleurs contre la loi travail, les mêmes syndicats qui ont négocié les ordonnances appellent à des grèves par roulement et notamment la grève reconductible des routiers pour ne pas être débordés par les travailleurs.
Les routiers craignent que les ordonnances permettent aux employeurs d’imposer la baisse des primes mais aussi de faciliter les licenciements avec le plafonnement des dommages intérêts aux prud’hommes pour améliorer la compétitivité des transporteurs des pays de l’est. Enfin, les routiers peuvent arrêter le travail à 57 ans grâce à un dispositif qui sera remis en cause en 2018.
Des opérations escargot en cours dans l'Ouest, le Nord et l'Est de la France créant des bouchons notamment sur les autoroutes en direction de Bruxelles et du Luxembourg. A Gennevilliers, près de Paris, la CGT a tracté près des voitures passant à proximité d'un dépôt Total où se tenaient des CRS.
Le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, a assuré lundi que le dialogue restait ouvert avec les routiers en grève. Castaner a cependant estimé que les Français ne doivent « pas être empêchés d'aller travailler » et qu’il n’exclut pas la possibilité d'une pénurie d'essence.
Pour éviter une pénurie de carburant, le gouvernement a anticipé vendredi avec la publication d’un décret permettant aux transporteurs d'hydrocarbures de déroger temporairement aux règles en matière de temps de conduite et de repos. Selon le site Mon-essence.fr, une quarantaine de stations-service, sur plus de 3.000 répertoriées, seraient actuellement en "rupture totale" de carburant.
Le gouvernement craint que la grève des routiers ne provoque une pénurie des carburants comme en 2010 pendant la réforme des retraites sous Sarkozy ou encore en 2016 avec la loi travail du PS. Les gouvernements UMP et PS avaient dû faire appel aux CRS pour débloquer les dépôts pétroliers et les raffineries, dont les grèves avaient extrêmement fragilisé ces gouvernements. Les syndicats et leurs alliés politiques de pseudo gauche, qui n'avaient organisé aucune riposte à l'envoi par l'Etat des CRS attaquer les grévistes, avaient ainsi étranglé ces mobilisations.
Hier, selon la presse, les CRS ont empêché les blocages de certaines raffineries et dépôts pétroliers en se rendant sur ces sites avant l’arrivée des routiers grévistes. A Caen, dans le Calvados, les forces de l'ordre ont levé le barrage des routiers, indique France Bleu Normandie. A Toulouse, sur l'A62, les CRS ont également levé un barrage plus tôt dans la matinée.
Contrairement aux prétentions affichées par la CGT et FO, il n’y a aucune volonté des syndicats de faire reculer le gouvernement. Les appareils syndicaux n'ont aucune intention de bloquer les secteurs stratégiques de l’économie française, de peur de fragiliser Macron, avec lequel ils préparent la négociation et l'imposition des décrets.
« Ce n'est pas un mouvement catégoriel, on s'inscrit dans une action globale de remise en cause des ordonnances Macron, a déclaré Fabrice Michaud, Secrétaire fédéral de la fédération des transports CGT. Le syndicaliste a affirmé qu’il n’y avait pas de blocage de la raffinerie Total de La Mède de prévu initialement, mais que les circonstances ont fait qu’ils ont fini par bloquer.
Le blocus devait être levé vers 15h devant la raffinerie, et Michaud a conclu en disant : « On va voir comment réagit le gouvernement mais pour le moment, il semble jouer la carte de la fermeté. Rien n'est défini pour l'instant, mais on va essayer d'apporter de la diversité à notre mouvement. ».
La grève a été reconduite, et une rencontre aura lieu entre les syndicats du transport et le patronat organisé par le gouvernement. Le but est de mettre fin à la grève en échange de quelques miettes qui permettront à l'Etat et aux syndicats de maintenir la loi travail et les décrets de Macron.
Les syndicats étaient au courant du calendrier des mesures d’austérités de Macron dès son arrivée au pouvoir. Alors que son gouvernement n’était pas encore stabilisé par les élections législatives, les syndicats ont bloqué la grève des transporteurs de matières dangereuses, ce qui a permis à son mouvement, La République en Marche, d’acquérir une majorité parlementaire. Après la présentation des ordonnances, FO a refusé de se mobiliser avant de changer de position.
Les manifestations ont été validées par des discussions secrètes entre les syndicats qui ont participé à l’élaboration des ordonnances, Macron et Péricaud comme l’a révélé Le Canard enchainé.
Les syndicats n'ont aucune intention d’unifier les travailleurs européens plus largement contre l'austérité. Les syndicats des Transports n’ont ni appelé les travailleurs des raffineries et des dépôts pétroliers à s’unir aux routiers, ni encouragé d'autres sections de travailleurs de se mobiliser contre le gouvernement. C'est que les chefs syndicaux préparent depuis longtemps avec Macron ses ordonnances, dont ils souhaitent la mise en œuvre.
Les syndicats pourront ensuite attaquer les acquis sociaux dans les entreprises d’une manière encore plus brutale et plus importante que ce qu’ils ont pu faire jusqu’à présent, aux côtés du patronat.
Mélenchon a réagi à la grève des routiers sur Twitter : « L'opposition au coup d'État social de Macron ne cesse de s’amplifier ». Mélenchon, qui durant son défilé le 23 septembre avait soutenu le maintien du contrôle des travailleurs par les syndicats, déclarait : « J'essaie de bien doser. Je ne vais pas vous envoyer tous dans le mur. » En permettant aux syndicats de « doser » les mobilisations, en clair de les isoler et de les maintenir sur un plan purement national malgré la montée de l'opposition à travers l'Europe, il bloque l'émergence d'une lutte révolutionnaire et internationale des travailleurs.
Face à la volonté des syndicats et de leurs alliés politiques de diviser les travailleurs et de stabiliser Macron, les travailleurs doivent s’unifier en France et internationalement contre les attaques de l'aristocratie financière. Cela passe par une rupture des travailleurs avec ces organisations, la construction d'une nouvelle avant garde politique et la création de nouvelles organisations de lutte pour remplacer les syndicats corrompus, où les travailleurs pourront discuter de revendications anti-capitalistes, anti-impérialistes et socialistes qui correspondent aux besoins des masses.