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Macron prépare une explosion du militarisme français

Par Francis Dubois
20 septembre 2017

Depuis sa prise de fonctions en mai et en particulier ces dernières semaines, Macron a lancé une pléthore d‘initiatives et d’annonces laissant entrevoir une augmentation explosive des interventions militaires de Paris dans les foyers de crise d‘Afrique et du Moyen-Orient. Paris attend de toute évidence la fin de l‘élection en Allemagne, pour l'heure son allié désigné, pour passer à l’acte.

Face à la plus grave crise économique depuis les années 1930 et mis sur la touche par l‘Allemagne en Europe, l‘impérialisme français réagit par une projection diplomatique et militaire agressive à l‘extérieur. Il entend profiter du Brexit en utilisant et développant sa force militaire relative pour compenser son infériorité économique sur le continent, et créer des faits accomplis avant que Berlin n’opère son réarmement.

Il est en même temps tributaire de la nouvelle alliance militaire scellée avec l‘Allemagne dans le cadre de l‘UE pour subsister face aux Etats-Unis. Le gouvernement souligne qu'il faut intensifier la recherche d'une « autonomie stratégique européenne » en alliance avec Berlin, commencée sous Hollande. Mais il insiste aussi nettement sur la défense des intérêts français, ce qui intensifiera le conflit avec Berlin.

« Mon ambition est que, en qualité, en capacité de déploiement, en réactivité, nos armées s’affirment… parmi les toutes premières au monde, la première en Europe, qui protège la France, mais aussi notre continent », a dit Macron, le 29 août devant les ambassadeurs à l’Élysée. « Nous avions oublié que 70 ans de paix sur le continent européen était une aberration de notre Histoire collective... Mais la menace est à nos portes et la guerre est sur notre continent ».

Dans ce discours, Macron a nommé la « lutte contre le terrorisme » comme l‘axe de sa politique extérieure et intérieure. Ce slogan a permis aux Etats-Unis, et d’autres pays impérialistes, dont la France, de justifier des guerres catastrophiques entraînant des millions de morts et conduisant en fait à une explosion du terrorisme. Pour Paris, il s‘agit par là de mener des interventions militaires dans les régions qui correspondent aux intérêts stratégiques traditionnels de l‘impérialisme français, l‘Afrique et le Moyen-Orient.

Son premier chantier est l‘Afrique occidentale. Paris développe depuis des semaines une activité frénétique au Sahel. Le renforcement de l‘opération Barkhane avait déjà été décidée en mai. Celle-ci couvre, compte tenu des bases permanentes au Sénégal, en Côte d‘Ivoire et au Gabon, en gros les territoires de l‘ex-Afrique occidentale française coloniale. Jean-Yves Le Drian, alors ministre de la Défense, avait évoqué début mai une force « de 4 000 à 5 000 hommes » (au lieu de trois mille) pour des « opérations longues, quinze à vingt ans » selon le chef d’état-major.

Le premier déplacement du nouveau président hors d‘Europe, en mai, avait été pour les troupes au Nord Mali où, flanqué du président malien, il avait déclaré : « Parmi les forces vives de la nation j‘ai voulu donner le premier rang aux armées françaises ». Paris a organisé un Sommet de la sécurité à Bamako en juillet appelant à la création d‘une « force régionale de contre terrorisme » des 5 pays du Sahel, Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso et Tchad.

Il a annoncé depuis des efforts de « développement » au Sahel, et une offensive pour l‘ « assèchement » du financement du terrorisme, dont la tenue à Paris d'une conférence internationale sur ce point.

Dans son discours, Macron a annoncé la création d‘un Conseil présidentiel d‘Afrique (CPA), qui le conseillera personnellement. Il se rendra bientôt à Ouagadougou, au Burkina Faso, pour lancer un « Axe intégré entre l‘Afrique la Méditerranée et l‘Europe ».

Un centre d’activité intense de Paris est la Libye où, de son propre aveu, il fait opérer des forces spéciales. Macron a réuni en juillet deux des principales factions rivales libyennes à La Celle-St-Cloud, leur faisant signer un accord. Il assure que son initiative « s‘inscrit dans une dynamique collective », mais aucune autre puissance européenne ni les Etats-Unis n‘y sont associés.

Le second grand chantier est le Moyen-Orient, où la France est une ex-puissance coloniale. Elle y participe depuis 2014 avec l’ « opération Chammal » (1.200 militaires, officiellement) dans la « coalition contre l‘Etat Islamique », aux guerres d‘Irak et de Syrie.

Écarté depuis l‘intervention russe, Paris essaie de reprendre la main en Syrie. Macron a abandonné la position de Hollande en faveur d‘une intervention militaire ouverte pour renverser Bachar Al-Assad. Sur fond de crise majeure entre la Turquie, l‘Allemagne et l’OTAN, le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, s’est rendu la semaine dernière à Ankara. Il a demandé à participer aux négociations d‘Astana sur la Syrie, parrainées par la Russie et l‘Iran, auxquelles participe aussi la Turquie et où sont discutées des « zones sécurisées ».

Alors que Berlin s‘oppose à l’entrée de la Turquie dans l‘UE, Macron a appelé la Turquie « un partenaire essentiel dans de nombreuses crises que nous affrontons ensemble ». Il veut aussi lancer son propre processus de négociation, tout en assurant soutenir les négociations de l‘ONU à Genève.

Paris n’accepte pas les dernières sanctions américaines contre l‘Iran au moment où le capital français se rue sur ce pays à la suite de l‘accord sur son programme nucléaire. Paris tente aussi actuellement de se poser en arbitre entre l‘Arabie Saoudite et le Qatar dans le conflit qui les oppose sur fond de guerre au Yémen, où les Etats-Unis soutiennent l’Arabie Saoudite. L‘Iran et la Turquie soutiennent le Qatar dans son conflit avec Ryad.

Le gouvernement Macron a aussi annoncé une intervention politique majeure au Liban, pays limitrophe de la Syrie et ancien protectorat français, afin de reprendre pied dans le conflit syrien.

Le principal moyen de devenir « la première armée d‘Europe » doit selon toute apparence être l‘établissement de vastes zones d‘influence militaire là ou étaient ses anciennes colonies. Selon Macron, « La France ne saurait être ce pays post-colonial hésitant entre un magistère politique affaibli et une repentance malsaine ».

Le gouvernement veut faire une diplomatie agressive d‘alliances « multiples » et d‘ « arbitrages » dans lesquels il essaiera de profiter des conflits opposant des pouvoirs régionaux pour imposer ses intérêts, face aux Etats-Unis, à la Chine et à la Russie, mais aussi à l‘Allemagne. « Si la sécurité s’impose comme une priorité c’est parce qu’elle est le socle du deuxième axe que j’assigne à notre diplomatie, celui de l’indépendance. Par ce terme je n’entends nullement un splendide isolement, je tire simplement les leçons de ce monde multipolaire et instable, où nous devons, chaque jour, manœuvrer par nous-mêmes selon nos intérêts » a expliqué Macron à ses ambassadeurs.

La diplomatie n‘est ici que le prélude à de vastes opérations militaires dans les zones de l‘ancien empire colonial et au-delà. Une telle politique ne peut être financée que par l‘attaque brutale contre le niveau de vie de la classe ouvrière. Macron tentera d’imposer cette politique à une population travailleuse hostile à la guerre par le développement d’un militarisme répressif en France même.

Macron a annoncé la création sans précédent d‘un « état major permanent des opérations de sécurité intérieure de renseignement et de lutte contre le terrorisme » rattaché à l’Élysée. Il associe les « services et états majors des ministères de l‘intérieur et de la Défense », mais aussi ceux « des transports, de la santé et de l‘industrie. »