Le FN se sépare de l’allié souverainiste anti-euro Philippot
Par Francis Dubois
25 septembre 2017
Après des semaines de conflit au sein du Front national néofasciste, son vice-président Florian Philippot a finalement claqué la porte jeudi dernier après que la présidente du parti Marine Le Pen l‘a démis de ses fonctions de chef de la stratégie et de la communication.
Philippot n‘a pas été suivi par d‘autres dirigeants de premier plan du FN. Toutefois, un nombre non négligeable d‘élus proches de lui a quitté l’organisation, certains créant des sections locales de la structure établie par Philippot au FN après l‘élection présidentielle, Les Patriotes, dont Le Pen lui avait demandé de quitter la présidence. Philippot avait averti début mai qu’il quitterait le FN si celui-ci remettait en cause la sortie de l’euro.
Les forces sortant du FN représentent en gros la tendance souverainiste venue à l‘origine du chevènementisme et à laquelle le FN s‘était allié il y a une dizaine d‘années. Jean-Pierre Chevènement, dirigeant de longue date du PS et ministre sous François Mitterrand avait conduit une liste souverainiste en 2002.
La scission s‘est produite après des semaines d‘agitation des opposants d’un « Franxit » (sortie de la France de l‘euro et de l‘UE) la ligne défendue par Philippot et adoptée par Le Pen. Des figures dirigeantes avaient demandé le départ du vice-président, rendant sa politique responsable de l‘échec face à Macron au 2e tour de la présidentielle et de résultats moins bons qu’attendus à l‘élection législative en juin.
Un revirement en faveur d‘un maintien dans la zone euro et dans l‘UE, était déjà en route au FN avant la campagne présidentielle, les banques étant clairement opposées à une sortie de l‘euro et de l‘UE et à un retour au franc. Cette politique a néanmoins été prééminente dans la campagne électorale néofasciste.
Selon le site internet slate.fr « En février 2016, un séminaire interne devait permettre, dans l'esprit de nombreux cadres frontistes, de remettre du libéralisme dans le FN et d'en finir avec l'obsession monétaire. Jean-Lin Lacapelle, en charge des fédérations, avait expliqué à l'hebdomadaire Minute qu'il s'agissait de ‘réfléchir pour voir si l'on peut préserver l'euro et le faire évoluer’, résumant l'une des questions centrales. »
Dans un article du site Easybourse, le chef économiste de la banque Natixis, Patrick Artus, écrit en avril 2017 qu’une sortie de l‘euro signifiait que comme plus de la moitié de la dette francaise [2.200 milliards d'euros] étaitt détenue par des banques, compagnies ou fonds étrangers, l' « Etat français n'était pas en mesure d'imposer à ses créanciers une restructuration unilatérale de sa dette ».
Il ajoute : « Si un emprunteur convertit de façon unilatérale sa dette dans une autre devise, c'est un défaut. Et à partir du moment où un Etat est déclaré en défaut toutes ses dettes sont exigibles. Les détenteurs de dette sont en droit de demander réparations en justice. Les biens de la France à l'étranger pourraient être saisis. C'est ce qui s'est passé en Argentine. »
Une bonne partie du FN opposé au « Franxit » est pour la politique économique capitaliste ultra-libérale d’austérité poursuivie par l‘Union européenne et les gouvernements de la zone euro, avec une composante xénophobe. La perspective du Franxit n’est devenue la politique du FN qu’après 2005. Lorsque Jean-Marie Le Pen dirigeait le FN, il était pour la politique de déréglementation et d‘attaques des acquis sociaux mise en œuvre par Margaret Thatcher et Donald Reagan.
L‘actuel secrétaire national et opposant de Philipot, Nicolas Bay, écrit dans un article en mai 2017 qu‘au lieu de « centrer son discours sur la sortie de l’euro et de l’Europe », Marine Le Pen aurait dû « préconiser un programme économique fondé sur la baisse de la fiscalité, des charges et des réglementations » ou encore « prôner l’émergence d’un pôle de puissance européen capable de préserver notre identité, nos intérêts et notre indépendance collective ».
Une critique faite à Le Pen par son camp est que l‘insistance sur la sortie de l‘UE l’a empêché de récupérer des électeurs conservateurs et du PS, alors que la politique de l‘ex-président Nicolas Sarkozy (LR) et celle de François Hollande (PS) avaient légitimé sa politique xénophobe, anti-musulmane et liberticide et avait mis ses thèmes au centre du discours politique.
Toujours selon slate.fr citant un sondage de l‘UE, l'idée d'un référendum sur un « Franxit » est soutenue par 46 pour cent des sondés et rejetée par 54 pour cent . « Si le référendum se tenait néanmoins, 53 pour cent des sondés disent qu'ils choisiraient de voter pour le maintien, contre 26 pour cent pour la sortie. » Le site ajoute, « En revanche, l'électorat de droite craint massivement le programme économique interventionniste frontiste et la sortie de l'euro. »
Un « Franxit » signifierait aussi l‘effondrement de l‘axe Paris-Berlin, essentiel au maintien de l‘UE en tant que bloc économique et militaire face aux USA, à la Chine et à la Russie.
Un autre élément jouant en faveur d‘un maintien dans l’UE est une collaboration avec le parti d’extrême-droite AfD (Alternative pour l‘Allemagne), entré au Bundestag hier avec 13 pour cent en tant que 3e plus grand parti. Un tel parti établi en Allemagne est un élément vital de la collaboration des impérialismes allemand et français pour réprimer et empêcher une lutte commune de la classe ouvrière des deux pays.
Le FN s‘est allié à des souverainistes droitiers, ex-chevènementistes, se réclamant du gaullisme, parce que cela lui permettait en particulier, dans le cadre de son opération « dédiabolisation », d‘oblitérer ses véritables racines historiques : le régime de Vichy et la collaboration avec l’hitlérisme durant la Seconde Guerre mondiale.
Le conflit opposant Philippot à une bonne partie du FN tourne aussi autour de questions de mode de vie. Ces dernières années, le FN avait cessé de vouloir abolir la loi Veil dépénalisant l‘avortement. Marine Le Pen et Florian Philippot n’ont pas soutenu la Manif pour tous en opposition au mariage homosexuel, contrairement à de nombreux cadres du parti, comme l‘ex-députée Marion Maréchal Le Pen qui y avait pris la parole.
Contrairement aux médias prêts à voir dans cette scission une crise qui l‘écarterait à jamais du pouvoir et le ferait redevenir un parti de protestation, le FN reste plus que jamais pour la bourgeoisie française une option lui permettant d’imposer une dictature à la population travailleuse et la forcer dans la guerre.
Quels que soient l‘alignement géostratégique, la forme prise ou les alliances contractées après la « refondation » mise en marche suite à l‘élection présidentielle et dans le contexte de décomposition des principaux partis de la bourgeoisie française des dernières 50 années, il restera un parti de l’oligarchie financière impérialiste et l‘ennemi mortel de la classe ouvrière.