Fillon restera candidat présidentiel malgré l'annonce de sa mise en examen
Par Alex Lantier
2 mars 2017
François Fillon, candidat présidentiel de Les Républicains (LR), a organisé d'urgence une conférence de presse hier midi, afin d'annoncer son intention de continuer sa campagne malgré sa mise en examen dans l'affaire des emplois présumés fictifs de sa femme Penelope.
En août, Fillon avait critiqué les multiples affaires judiciaires de l'homme qui était à l'époque son rival aux primaires présidentielles de LR, Nicolas Sarkozy, en déclarant :« Moi, si j'étais mis en examen, je ne serais pas candidat à l'élection présidentielle, question de morale ».
À présent, le candidat LR annonce qu'il continuera avec sa campagne malgré une mise en examen imminente dans le dossier de la rémunération de Penelope Fillon, à la hauteur de plus de €900.000 en tant qu'assistante parlementaire et employée de la Revue des deux mondes. Toutefois, l'affaire menace la survie même de sa candidature et l'unité de son parti, voire même le déroulement prévu de l'élection présidentielle.
« Mon avocat a été informé que je serai convoqué le 15 mars afin d'être mis en examen », a déclaré Fillon depuis son QG de campagne hier. « Oui, je serai candidat à la présidentielle et nous tirerons de ces épreuves ... le surcroît de force pour l'emporter et pour renforcer notre pays ». Il a également fait savoir qu'il se rendrait aux convocations des juges.
Cette mise en examen met en lumière l'extraordinaire intensité des luttes fractionnelles au sein de l'élite dirigeante, en France tant qu'à l'échelle mondiale, à l'approche des élections présidentielles.
Lors de sa conférence de presse, Fillon a mis en cause l'impartialité de la justice et le rôle du gouvernement PS, qui exerce vraisemblablement une pression considérable sur la justice en coulisse, dans sa mise en examen. Il a dit que « seul le suffrage universel, et non pas une procédure menée à charge, peut décider qui sera le prochain président de la République ... J'irai jusqu'au bout, parce qu'au-delà de ma personne, c'est la démocratie qui est défiée ».
Ceci a provoqué une réaction de Hollande, qui a protesté « toute mise en cause des magistrats ». Le président de la République a ajouté : « Une candidature à l'élection présidentielle n'autorise pas à jeter la suspicion sur le travail des policiers et des juges, à créer un climat de défiance incompatible avec l'esprit de responsabilité, et pire encore, à lancer des accusations extrêmement graves contre la justice et plus largement contre nos institutions ».
Les éléments contre Fillon dans ce dossier sont accablants. En 2007, alors que son mari devenait Premier ministre sous Sarkozy, Penelope Fillon a déclaré au Daily Telegraph britannique que « Je n'ai jamais été assistante ». Elle a ajouté : « Je ne me suis pas occupée de sa communication non plus ». Dans l'absence de preuve concrète démontrant un quelconque travail de Penelope, plus d'un mois après les premières accusations, les soupçons les plus lourds planent au-dessus de Fillon.
Toutefois, ce n'est pas la corruption indubitable de la classe politique française ni encore moins la colère et la désillusion populaire face à l'austérité voulue par Fillon, qui ont provoqué la suspension de la traditionnelle « trêve républicaine » judiciaire lors des élections. Ce sont les profonds conflits au sein des bourgeoisies impérialistes de l'OTAN, mise en lumière par l'élection de Trump aux États-Unis, qui a impulsé la crise de la campagne de Fillon.
Les sommes engrangées par Penelope Fillon sont modestes comparées aux celles pillées par les réseaux africains de l'impérialisme français, qui ont irrigué tant les partis de la droite française que le PS, comme l'a révélé l'affaire Elf dans les années 1990 et 2000. Ces partis s'étaient partagé de vastes sommes ponctionnées sur les milliards en profits réalisés par les sociétés pétrolières françaises en Afrique, le tout derrière le dos des électeurs.
À présent que l'OTAN est même plus profondément divisée sur la stratégie à suivre, surtout sur le danger d'une guerre avec la Russie, la justice menace de faire sauter la candidature LR sur le dossier « Penelopegate », avec le soutien du PS et de ses alliés internationaux.
Selon l'article du 25 janvier par lequel le Canard enchaîné a lancé l'affaire, les journalistes sont tombés sur l'affaire en enquêtant en novembre sur d'éventuels liens russes du cabinet de conseil 2F hautement lucratif monté par Fillon. À l'époque, l'élection d'une administration d'extrême-droite aux États-Unis provoquait de violentes luttes intestines à Washington et dans la bourgeoisie européenne. Liés aux gouvernements en place à Berlin et à Paris, le parti démocrate et les renseignements américains, dénonçaient Trump pour ses réticences à déclencher un conflit avec Moscou.
Le Canard a publié son article quelques jours à peine après un voyage de Fillon à Berlin, lors duquel il a proposé une alliance entre Berlin, Paris, et Moscou afin de contrecarrer la nouvelle administration américaine. C'est après cette proposition d'un alignement géopolitique inacceptable pour Washington, ainsi que pour de puissantes sections de la classe dirigeante européenne, que la campagne médiatique et judiciaire contre Fillon a commencé.
Après sa conférence de presse, de nombreux soutiens de Fillon ont fait savoir qu'ils comptaient lui retirer leur soutien. L'Union des démocrates et indépendants (UDI) a fait savoir qu'après avoir fait campagne avec Fillon, elle suspendrait sa participation et se mettrait « en position d'attente », avant une réunion extraordinaire du Bureau politique de l'UDI qui tranchera la question la semaine prochaine.
Alors que la classe politique française s'inquiète de plus en plus de la montée de Marine Le Pen dans les sondages, et même d'une éventuelle victoire de la candidate frontiste au second tour, de nombreux soutiens de Fillon ont exigé qu'il remplisse sa promesse du mois d'août et qu'il se retire.
Malgré le fait que LR n'a avancé aucune stratégie claire en cas d'abandon par Fillon de sa candidature, le représentant pour les affaires européennes et internationales de la campagne de Fillon, situé à l'extrême droite du parti, Bruno Le Maire, a exigé son retrait. Le Maire a dit que c'était « indispensable » à la crédibilité « de la politique ».
Les députés LR, Sébastien Huyghe, Laure de la Raudière, et Pierre Lellouche ont aussi fait appel à Fillon pour qu'il retire sa candidature. Lellouche a même annoncé qu'ils comptaient également saisir le Conseil constitutionnel, en vue d'un report de l'élection présidentielle, afin que LR puisse désigner un candidat pour remplacer Fillon.
Un conseiller LR de Paris, Jérôme Dubus, a fait savoir qu'il lâchait Fillon pour le candidat indépendant Emmanuel Macron, l'ex-ministre de l'Économie de Hollande.