A la veille du second tour des présidentielles
Par Alexandre Lantier
6 mai 2017
Demain, des dizaines de millions de personnes iront voter aux second tour des présidentielles françaises dans le contexte d'une crise politique sans précédent et de l'état d'urgence, qui suspend les droits démocratiques. Les candidats des deux partis discrédités qui ont gouverné la France depuis les années 1970, le PS et Les Républicains (LR), sont éliminés. Mais le choix auquel les électeurs sont confronté constitue une mise en accusation effroyable de l'élite dirigeante française.
D'un côté, il y a Marine Le Pen du Front national, le descendant du régime collaborationniste français pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle a applaudi l'élection de Donald Trump et son programme belliciste et protectionniste de « l'Amérique d'abord », et appelé la France à quitter l'Union européenne et l'euro afin de provoquer la maximum de dégâts économiques en Allemagne, le premier partenaire commercial de la France. En France, elle utiliserait l'état d'urgence et l'appareil d'espionnage électronique de masse mis en place par le PS pour construire une dictature policière fascisante, stopper l'immigration, lancer des rafles, et faire payer l'école aux enfants étrangers.
L'opposant de Le Pen, le banquier Emmanuel Macron qui est favori pour gagner l'élection, ne représente pas un alternative au FN. Cet allié de Berlin et des Démocrates à Washington approuve les menaces de l'Otan contre la Syrie, la Corée du nord, et la Russie, qui pourraient déclencher des guerres entre puissances nucléaires, et veut rétablir le service militaire. En France, il veut maintenir l'état d'urgence et l'utiliser, ainsi que la loi travail du PS, pour casser les conventions collectives et détruire les droits sociaux, dont la santé et les retraites, acquis par les travailleurs européens sur des générations de lutte au 20e siècle.
Quelle que soit l'identité du gagnant demain, le gouvernement français représentera les intérêts du capital financier, pour mener une guerre de classe en France et des guerres impérialistes au-delà de ses frontières. Sept électeurs sur dix sont en colère contre le choix des candidats, et des conflits de classe d'envergure révolutionnaire se préparent en France et à travers l'Europe.
Après un quart de siècle de guerre et d'austérité dictée par l'UE suite à la dissolution stalinienne de l'Union soviétique, deux-tiers des Français disent que la lutte des classes est une réalité quotidienne pour eux. Parmi les jeunes, qui n'ont rien connu sauf l'effondrement social et économique qui s'est développé après le krach de Wall Street en 2008, une humeur révolutionnaire se déclare.
Selon l'enquête « Génération What » menée par l'Union européenne sur la jeunesse, 61 pour cent des Français ayant moins de 34 ans disent qu'ils accepteraient de participer à un « soulèvement à grande échelle » contre le régime en place. Plus de 60 pour cent des jeunes ont donné la même réponse au Royaume-Uni, en Suède, en Norvège, en Finlande, en Italie, en Espagne, en Grèce, au Portugal, en Hongrie, en Bulgarie et en Roumanie.
Le Parti de l'égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), appelle à un boycott actif du second tour dimanche. Cette position est très différente d'un appel à une abstention individuelle.
L'appel du PES aux travailleurs et aux jeunes pour s'opposer aux deux candidats est fondé sur des principes politiques fondamentaux. Toute l'expérience internationale de la lutte des classes, sur plus d'un siècle, a démontré les conséquences fatales des alliances électorales avec les partis bourgeois. La subordination des travailleurs à un parti réactionnaire du capital financier afin d'empêcher la victoire d'un autre parti bourgeois prétendument plus réactionnaire a toujours produit des désastres. Il y a une logique politique à cette stratégie, qui aujourd'hui produirait encore un désastre. Si Macron remporte l'élection, on dira aux travailleurs qu'ils ne doivent pas lutter pour faire battre et pour renverser son gouvernement, afin d'empêcher l'arrivée au pouvoir du FN.
Aucune tactique électorale ingénieuse ne résoudra la crise politique actuelle. L'appel au boycott est juste, parce qu'il vise à élever la conscience politique de la classe ouvrière et à la préparer aux luttes à venir.
La question clé est de fournir une perspective marxiste et internationaliste aux travailleurs, ainsi que l'avant-garde révolutionnaire dont la classe ouvrière aura besoin dans ces luttes.
De nombreux travailleurs ont tiré des conclusions de la dernière fois que la classe politique, y compris les partis « d'extrême gauche » alignés sur le PS, s'est unifiée derrière un homme politique de droite pour « faire barrage » au FN. C'était le second tour en 2002 entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac. Cela a produit une intensification des attaques sociales, un virage à droite des partis de gouvernement, et la montée de l'influence des néo-fascistes.
Il faut rejeter cette élection réactionnaire ainsi que le système politique qui l'a produite. La classe ouvrière doit avancer son alternative indépendente, à commencer par un boycott actif dimanche.
Dans la mesure où la France insoumise (FI) de Jean-Luc Mélenchon ou le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) s'adaptent à l'argument que Macron est un « moindre mal » et bloquent une opposition révolutionnaire à Macron sur sa gauche, ceci ne fera que renforcer le FN. Si Macron est élu et provoque une opposition sociale de masse avec ses politiques anti-ouvrières, la position de ces forces de pseudo gauche ne fera que renforcer les tentatives du FN de se présenter en seul parti « anti-système ».
La position de Mélenchon est une lâche abdication de ses responsabilités politiques. Il a reçu 20 pour cent des voix. Mais s'il n'a pas voulu explicitement soutenir Macron, craignant que cela le discréditerait auprès de ses électeurs, il faut tout son possible pour empêcher une mobilisation des travailleurs contre Macron et Le Pen. Il a proposé à la FI de se présenter aux législatives en juin, puis déclaré qu'il voudrait devenir le premier ministre de Macron.
Cette déclaration, selon laquelle Mélenchon accepterait de diriger un gouvernement dans le contexte d'un réarmement massif et d'une politique étrangère belliciste menée par Macron, démontre que la FI représente une impasse pour ceux qui voudraient la paix et l'égalité sociale.
Alors que s'effondre l'ancien régime politique autour du PS et de LR, la seule voie pour aller de l'avant est une rupture consciente avec le PS et ses satellites, et un retour à la lutte révolutionnaire. La faillite achevée de la classe politique française découle d'une crise mortelle du capitalisme mondial, qui s'enfonce dans l'abîme de la guerre et de la dictature.
Pour mener une contre-offensive révolutionnaire contre le PS, Macron, et le FN, la classe ouvrière a besoin de son propre parti. Pour le centenaire de la révolution d'octobre, le PES se met en avant en tant que représentant du programme socialiste et internationaliste intransigeant du Parti bolchévik de Lénine et de Trotsky en 1917, et de l'héritage du trotskysme défendu par le CIQI. Il fait appel aux travailleurs et aux jeunes qui sont d'accord avec son analyse des élections pour accorder leur soutien au PES, étudier son programme, et rejoindre la lutte pour le construire en tant qu'avant-garde politique de la classe ouvrière en France.