Home » Nouvelles internationales » France

Allégations de truquage dans la primaire présidentielle du Parti socialiste

Par Alex Lantier
25 janvier 2017

Alors que les candidats à la présidentielle du Parti socialiste (PS), Benoît Hamon et Manuel Valls, ont commencé à faire campagne pour le second tour pour obtenir la nomination du PS après le premier tour du dimanche dernier, la compétition a été entaché d’allégations de truquage. Cela porte un coup supplémentaire au PS qui est confronté à un effondrement électoral et à une possible désintégration après l’élection présidentielle d’avril-mai 2017, en raison de l’impopularité profonde du bilan d’austérité et de guerre du président du PS, François Hollande.

Lundi matin, le taux de participation électorale à la primaire selon les autorités PS avait bondit de 350 000 par rapport à la nuit précédente, pour atteindre 1,6 million. Les responsables du PS avaient déclaré qu’ils espéraient annoncer que 2 millions d’électeurs avaient participé à la primaire, afin de ne pas trop souffrir de la comparaison avec les plus de 4 millions d’électeurs qui ont participé à la primaire de droite des Républicains (LR). Inexplicablement, les pourcentages des différents candidats PS n’ont pas changé malgré le nombre de voix exprimées supplémentaires, bien que 161 voix supplémentaires aient été mystérieusement attribués à une candidate, Sylvia Pinel.

L’organisateur de la primaire, Christophe Borgel, a donné une explication absurde et peu convaincante, en attribuant l’erreur à un problème informatique et puis avouant que son équipe a publié des résultats inexacts et non confirmés sur le site web de la primaire. L’objectif était apparemment de mettre en évidence un accroissement du taux de participation, avant que l’on sache pour qui les différents électeurs avaient en fait voté.

Borgel a déclaré, « Il y a eu un bug, rien de plus. Et c’est un peu de ma faute. Il y avait beaucoup de pression autour du niveau de participation, j’ai demandé à ce que les résultats soient actualisés au plus vite. Et effectivement, on a appliqué au nouveau total de votants les pourcentages de la veille. »

En fin de soirée, Borgel a imputé les fausses données à « une erreur du permanent qui a mis en ligne ce chiffre […] c’est plus une erreur humaine qu’un bug informatique. »

Interrogé sur l’attribution inexpliquée de 161 voix à Pinel, Borgel a déclaré : « Un bug aussi. Il y a eu bug sur bug. Je ne sais pas si c’est la société prestataire (qui gère les remontées des bureaux) ou le service informatique en interne qui est responsable, et je ne vais pas jeter la pierre à des gens qui travaillent comme des fous sur cette énorme machine qu’est la primaire. »

Un proche de Hamon a dit à L’Internaute.com qu’il craignait qu’un membre de l’équipe de Valls ayant vu ce dernier « aux abois » n’ait décidé de truquer les chiffres pour que Valls « ne perde pas la face. »

Vers 19h hier, les responsables PS de la primaire ont publié des résultats officiels qui, selon eux, avaient été vérifiés. Ceux-ci ont donné 35,86 pour cent à Hamon, 31,22 pour cent à Valls, l’ancien Premier ministre, et 17,30 pour cent à l’ancien ministre de l’Industrie Arnaud Montebourg.

Les accusations de truquage n’ont fait que mettre en évidence le désespoir du PS et le conflit de factions toujours plus vif dans ses rangs en raison d’un désastre qui se profile lors de l’élection présidentielle. Ni Hamon ni Valls ne sont susceptibles d’obtenir plus de 10 % des voix, les laissant à la traîne de l’ancien conseiller de Hollande et banquier de Rothschild, Emmanuel Macron, et de l’ancien chef du Parti de gauche et ministre du PS, Jean-Luc Mélenchon. Tous ces candidats seraient éliminés, selon les sondages récents, donnant lieu au tour décisif entre le candidat de droite François Fillon et la néo-fasciste Marine Le Pen.

Pour Valls et Hollande, le résultat est un autre revers humiliant. Après que Hollande a décidé en raison de son impopularité profonde de ne pas se représenter, la première fois qu’un président français sortant n’a pas rempilé depuis la création de la présidence en 1958, Valls, le supposé ministre le plus populaire de Hollande avant de démissionner pour se présenter, a été vaincu. Alors que Montebourg a donné consigne à ses électeurs de voter pour Hamon, et que Peillon qui ne s’est encore rallié à aucun des deux, les sondages montrent que Hamon est sur le point de vaincre Valls au deuxième tour dimanche prochain. Il devrait l’emporter avec 52 pour cent des voix.

Hier, Valls a annulé une réunion électorale à Cenon près de Bordeaux. Pendant l’émission de télévision de TF1 hier soir, il a attaqué la proposition clé de Hamon pour un revenu minimum universel payé par l’État à toute la population comme « la ruine de notre budget », et a dénoncé Hamon comme « le chantre de la fin du travail. »

La campagne de Valls est rapidement minée par des appels de plus en plus pressants de la part de sections du PS, notamment celles autour du maire de Lyon, Gérard Collomb, pour que les responsables du PS abandonnent le processus de la primaire avant que Hamon ne soit gagnant et transfèrent leur soutien à Macron pour qu’il soit président.

Le PS, un socle du pouvoir bourgeois en France depuis sa fondation il y a près d’un demi-siècle après la grève générale de mai-juin 1968, est confronté à l’effondrement. Alors que l’Union européenne et les partis sociaux-démocrates à travers l’Europe sont discréditées par leurs décennies de poursuite des politiques d’austérité et de guerre, le PS pourrait bien emboîter le pas du parti Pasok en Grèce qui s’est désintégré en un petit parti parlementaire.

La victoire surprise de Hamon, qui est monté dans les sondages au cours des dernières semaines, a conduit certaines couches du PS à essayer de relancer leurs perspectives par une façade de politique de « gauche », en utilisant l’appel de Hamon pour un revenu universel. Dans la mesure où cela a trouvé un écho chez certains électeurs PS, dont 55 pour cent soutiennent la mesure, ils ont voté pour Hamon pour exprimer leur colère et l’opposition à Hollande.

Il est impossible, cependant, de s’opposer au programme de Hollande par un soutien pour une faction du PS ou l’autre, ce parti fut dès sa fondation en 1969 un parti bourgeois réactionnaire. Hamon lui-même a fait campagne sur la base d’appels anti-Russie et pour renforcer les pouvoirs policiers, et ses politiques ont peu d’écho favorable. Sa proposition pour un revenu minimum universel est largement impopulaire, avec 61 pour cent de la population opposée, bien que 63 pour cent appuient l’abrogation de la loi travail de Hollande prônée par Hamon.

Hamon a reçu les soutiens de plusieurs personnalités PS de premier plan, dont la maire de Lille Martine Aubry et l’ancienne ministre de la Justice de Hollande, Christiane Taubira.

Comme Hamon et Montebourg, qui étaient des ministres dans les gouvernements de Hollande et affiliés à la faction des « frondeurs » du PS à l’Assemblée nationale, Aubry et Taubira ont publiquement critiqué plusieurs initiatives clés de l’administration Hollande. Aubry a critiqué la loi travail régressive de Hollande, qui permet au gouvernement et aux syndicats de supprimer les protections du Code du travail, et Taubira s’est opposée à l’appel de Hollande à inscrire dans la constitution la capacité de l’État à priver les individus de leur nationalité française.

Néanmoins, comme les « frondeurs » du PS qui n’ont pas cherché à faire tomber le gouvernement de Hollande à l’Assemblée nationale sur ses plans réactionnaires, Aubry et Taubira ont continué à soutenir Hollande malgré leurs critiques.

(Article paru en anglais le 24 janvier 2017)