L’ex-président Sarkozy mis en examen dans l’affaire du financement de sa campagne électorale de 2012
Par Stéphane Hughes
11 février 2017
L’ancien président de droite Nicolas Sarkozy a été mis en examen pour « financement illégal de campagne électorale » dans le cadre de sa tentative échouée d’être réélu en 2012.
Les accusations ont été portées sur la base de l’enquête sur le scandale dit « Bygmalion ». Cette entreprise du même nom, qui avait été engagée pour organiser les réunions publiques de la campagne de Sarkozy, a facturé au parti UMP de Sarkozy (maintenant appelé Les Républicains, LR) quelque 20 millions d’euros pendant les derniers mois de la campagne.
La facturation a commencé juste après que la campagne électorale de Sarkozy ait atteint et dépassé sa limite légale de 22,5 millions d’euros. En facturant à l’UMP des réunions fictives sur différents sujets qui étaient en fait des réunions électorales pour la campagne de Sarkozy, sa campagne pouvait effacer 20 millions d’euros de dépenses des comptes de campagne de Sarkozy.
Mardi, l’avocat de Sarkozy, Thierry Herzog, a annoncé que Sarkozy ferait appel de la décision de mise en examen, ce qui lance des procédures juridiques susceptibles de durer des mois sinon des années.
La mise en examen de Sarkozy fait partie de la vague croissante de scandales et de batailles juridiques internes qui entourent la campagne électorale de LR pour les élections présidentielles françaises de mai 2017. En novembre, François Fillon a battu les deux autres candidats LR, Sarkozy et l’ancien Premier ministre Alain Juppé, lors des primaires LR et est devenu le candidat LR.
Il y a trois semaines, cependant, les révélations dans l’hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné, que Fillon avait employé sa femme et ses enfants à des postes de complaisance, a fait l’effet d’une bombe. En particulier, la femme de Fillon a été officiellement employée pendant plus d’une décennie, touchant près d’un million d’euros brutes. Les sondages pour la présidentielle indiquent que Fillon a reculé de 35 % à 22 % des intentions de vote, et il fait l’objet d’une enquête judiciaire qui pourrait aboutir à un mise en examen pour avoir fraudé le Parlement français des salaires versés.
Tout comme le cas de Sarkozy et la vague d’autres scandales de corruption de plusieurs millions d’euros impliquant LR, l’affaire Fillon a révélé l’abîme de classe qui sépare les politiciens bourgeois de la grande majorité de la population active qui lutte pour survivre.
Actuellement, Fillon tente de surmonter le scandale, mais sa position est très affaiblie : chaque jour, quand il fait campagne, il est confronté à des chahuteurs et des protestations. S’il reste à son niveau actuel dans les sondages, il sera éliminé au premier tour. En outre, Fillon a déjà dit que s’il est mis en examen – toujours une possibilité distincte – il se retirera de la course à la présidentielle.
Avec les LR en difficulté pour maintenir leur position dans la campagne électorale, il y a eu des rumeurs de discussions désespérées à huis clos parmi les politiciens LR pour formuler un « plan B ». Alain Juppé, qui occupait la deuxième place dans les primaires LR, a déclaré à plusieurs reprises qu’il refuserait de servir de remplaçant pour Fillon. La raison en est presque certainement que Juppé a déjà été reconnu coupable en 2003 d’avoir crée des emplois fictifs à l’Hôtel de Ville de Paris lorsque Jacques Chirac en était le maire dans les années 1980 et 1990.
Avec la menace d’inculpation de Sarkozy, une autre figure majeure de LR et possible substitut à Fillon, si ce dernier abandonne, est maintenant mis hors-jeu par la justice pour un long moment.
La bataille juridique pour savoir si le procès devrait avoir lieu pourrait prendre de 4 à 14 mois. Si la décision de mise en examen est confirmée, Herzog pourrait fait appel, et cela pourrait prendre encore 4 à 6 mois. La deuxième procédure de recours serait entendue devant la Cour de cassation, ce qui peut prendre de 6 à 8 mois. Si cette dernière devait confirme également l’acte d’accusation, alors c’est seulement à ce moment-là que Sarkozy sera jugé.
Il ne fait guère de doute que le gouvernement du président François Hollande est impliqué dans la procédure contre Sarkozy. Dans un pays où il est largement reconnu que l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport à l’exécutif est au mieux précaire, on peut supposer que le Parti socialiste de François Hollande ne soit pas déçu qu’un politicien de premier plan et une alternative potentielle à Fillon soit en butte à une bataille juridique harassante.
Le dossier présenté contre Sarkozy par la justice est loin d’être inattaquable. Un seul des trois juges d’instruction, Serge Tournaire, a signé l’acte d’accusation de Sarkozy dans une affaire où treize personnes ont déjà été inculpées, y compris des cadres de Bygmalion et des dirigeants comme l’ancien directeur général Éric Cesari de l’UMP et Jérôme Lavrilleux, directeur-adjoint de la campagne de Sarkozy.
Dans son acte d’accusation, Tournaire admet que l’enquête n’a pas établi que Sarkozy avait ordonné à des représentants de LR d’établir de faux comptes pour cacher les vraies finances de la campagne ou qu’il y participait, ou même qu’il était informé des manœuvres frauduleuses. En revanche, Tournaire soutient que Sarkozy a bénéficié des activités criminelles alléguées d’autres responsables de LR et de Bygmalion. Il en porte donc également la responsabilité juridique, selon Tournaire.
Les juges étaient divisés sur l’opportunité d’envoyer l’affaire devant les tribunaux. Les deux autres juges de l’affaire, Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, n’ont pas signé l’acte d’accusation. L’appel de Herzog, lancé mardi, est fondé sur la loi qui dispose qu’un acte d’accusation peut être contesté s’il n’est pas signé par tous les juges concernés.
Herzog avait déclaré dès le début que Sarkozy allait contester toute mise en examen sur ses finances de campagne 2012. Il a ajouté que c’était une bonne nouvelle que le parquet avait reconnu par écrit qu’ils n’avaient aucune preuve que Sarkozy avait consciemment l’intention de dépasser sa limite de dépenses de campagne.
Pour LR, cependant, cette crise et l’effet d’une mise en examen de Sarkozy vont bien au-delà des élections de 2017.
Les élections présidentielles sont suivies immédiatement par des élections législatives et, dans le passé, le positionnement des candidats aux élections présidentielles a eu une énorme influence sur le nombre de députés que chaque parti a été en mesure de faire élire à l’élection suivante. En outre, le scandale de Bygmalion a chargé LR de dettes et l’obligera à contracter d’autres prêts pour financer la campagne législative du parti.
(Article paru en anglais le 10 février 2017)