La pseudo-gauche fonde un Parti de gauche italien
Par Marianne Arens
27 février 2017
Plusieurs centaines de représentants de la pseudo-gauche italienne se sont rassemblés à Rimini du 17 au 19 février pour fonder Sinistra Italiana (Gauche italienne, SI). Son rôle est de défendre le régime bourgeois, l’Union européenne et l’euro qui connaissent leur plus profonde crise à ce jour.
Nichi Vendola, un ancien membre dirigeant du Parti communiste italien (PCI), est à l’origine de ce nouveau parti. En 1991, il avait cofondé Rifondazione Comunista et en 2009 l’alliance de partis SEL, Sinistra, Ecologia, Libertà (Gauche, Écologie et Liberté). À Rimini, il a rassemblé autour de lui quelque 650 politiciens, syndicalistes et fonctionnaires, issus principalement du SEL et de Rifondazione Comunista, ainsi que plusieurs renégats du Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi et du Mouvement Cinq étoiles (M5S) de Beppe Grillo.
Le programme du nouveau parti est extrêmement vague et se base sur le plus petit dénominateur commun, comme le prouve le nom du parti, « Gauche italienne ». La seule chose dont cette « gauche » est sûre est son engagement envers l’Italie. Dans les statuts du parti il est dit par exemple que la SI est une « union d’hommes et de femmes qui se sont réunis pour représenter le travail, tel qu’il se constitue dans l’Italie d’aujourd’hui. »
SI n’est pas une organisation totalement nouvelle : elle existe depuis deux ans sous la forme d’une liste parlementaire. Nichi Vendola l’avait mise en place en juillet 2015 pour masquer la trahison d’Alexis Tsipras en Grèce et établir un pendant italien de ce qu’est Syriza en Grèce, de Podemos en Espagne et du parti Die Linke en Allemagne. Son prédécesseur était la Lista con Tsipras (Liste avec Tsipras), une alliance électorale qui s’était présentée il y a trois ans aux élections européennes de 2014.
En août 2015, le World Socialist Web Site écrivait [en anglais] : « Le soutien que Vendola apporte à la politique d’austérité de Tsipras souligne que, comme Tsipras en Grèce, il est prêt à sacrifier tous les droits sociaux de la classe ouvrière italienne au profit de la défense des intérêts du capitalisme européen. Compte tenu de la crise grandissante du gouvernement Renzi, il tient à cette fin à créer un nouveau véhicule politique. »
C’est ce qui a été au cœur du congrès de Rimini. Ce nouveau parti de pseudo-gauche a pour tâche de canaliser l’opposition au gouvernement de centre gauche en crise de Paolo Gentiloni, un proche de Renzi. Son rôle est de devancer un mouvement indépendant de la classe ouvrière par tous ceux qui se tournent vers une perspective socialiste internationale.
Le nouveau parti a élu Nicola Fratoianni comme secrétaire. Cet homme de 45 ans a débuté sa carrière comme un responsable de la jeunesse de Rifondazione Comunista, le successeur du PCI, qu’il a dirigé pendant des années dans la région des Pouilles avant de former le SEL avec Nichi Vendola. Il devint de plus en plus le bras droit de Vendola qui fut pendant dix ans de 2005 à 2015 le président de cette région désespérément pauvre des Pouilles.
À Rimini, Fratoianni a souligné que le nouveau parti représenterait « un vaste projet politique ». Il a promis de coopérer avec le PD pour autant que ceci empêche la réélection de Renzi. Même Vendola a souligné, « Sinistra Italiana est prêt à s’associer à d’autres. » Il escomptait obtenir 10 pour cent des votes lors des prochaines élections
Artur Scotto, le président du groupe parlementaire du SEL, s’est également déclaré disposé en principe à coopérer avec le PD. Scotto est un rival de Fratoianni dans la lutte pour la nouvelle direction du parti, mais se retira avant la fondation du SI. Avant le congrès, Scotto a dit : « Nous devons nous jeter dans la mêlée et ne pas rester spectateur en marge. Pour moi, le camp de centre-gauche est la perspective. Je tourne mon regard vers l’ère post-Renzi. »
Le PD se trouve dans une crise profonde en menaçant d’éclater après l’échec manifeste du référendum du 4 décembre 2016 sur la réforme constitutionnelle présenté par Matteo Renzi. Le rejet évident par près de 60 pour cent de l’électorat a exprimé l’opposition sociale aux mesures d’austérité du gouvernement Renzi et de l’Union européenne. Dans la foulée, Renzi a démissionné du poste de premier ministre italien en le laissant à son homme de confiance, Paolo Gentiloni.
En fait, pour Renzi sa démission était une manœuvre lui permettant de se représenter au poste de premier ministre lors d’élections anticipées. Mais, pendant ce temps la crise du PD s’est intensifiée. Le 19 février, le week-end même de la fondation du SI, Renzi démissionna de son poste de chef du parti.
Parallèlement, il annonce vouloir se présenter aux élections primaires du PD le 9 avril. « Vous pouvez me forcer à démissionner, mais vous ne pouvez pas m’empêcher d’être de nouveau candidat », a-t-il déclaré à ses adversaires internes au parti avant de se rendre en Californie.
Depuis, il envoie tous les jours des tweets, en commentant la crise du parti dans les termes suivants : « Alors que les politiciens se querellent, je pense à l’avenir » et « C’est agréable d’être un patriote – Vive l’Italie. » Le journal Il Fatto Quotidiano présume que Renzi veut transformer le PD en un « parti de la nation » ou un « parti pour tous. »
Ses adversaires se rallient autour de l’ancien chef du parti, Pier Luigi Bersani, qui craint que le parti au pouvoir ne monte de cette manière la classe ouvrière contre lui. Lors de l’émission télévisée « Martedì », Bersani a dit qu’il espérait que les gens ne conçoivent pas toute cette affaire comme une querelle autour de la personne de Renzi.
Bersani, Massimo D’Alema et d’autres gros bonnets du PD ont exigé que Renzi renonce à réclamer de rapides élections anticipées en laissant Paolo Gentiloni en fonction jusqu’à la fin de la période législative de février 2018. Ils craignent que des élections anticipées ne bénéficient à l’adversaire de l’UE, Beppe Grillo, et à la Ligue du Nord d’extrême droite. Ce que Renzi a cependant refusé.
Bersani, D’Alema et d’autres politiciens de la première heure du Parti démocrate veulent maintenant quitter le PD. Ils ont annoncé ne pas vouloir participer au prochain congrès du parti. « L’entreprise n’existe plus », a déclaré Bersani. Même l’ex-gouverneur de l’Émilie-Romagne, Vasco Errani, veut quitter Renzi, qui l’avait récemment nommé commissaire extraordinaire à la reconstruction suite aux tremblements de terre.
Romano Prodi, ancien premier ministre, commissaire européen, représentant des banques et qui avait participé à la fondation du PD, a déclaré récemment que le parti était en train de commettre un « suicide politique ». Le parti perd de plus en plus de soutien au sein de la population. La raison en est la situation sociale désespérée, le taux de chômage des jeunes de 40 pour cent, la pauvreté galopante qui frappe les personnes âgées, une vague de faillites dans les petites et moyennes entreprises et la crise bancaire non résolue.
Les renégats du PD et le nouveau parti SI n’ont aucune réponse progressiste à apporter à cela. Ils essaient simplement d’empêcher l’éclatement rapide du parti au pouvoir. À l’instar du nouveau président du Parti social-démocrate Martin Schulz en Allemagne, qui prétend vouloir annuler certaines parties des « réformes » [Hartz] de l’Agenda 2010 du gouvernement Schröder, ils veulent appuyer un référendum organisé par la Confédération Générale italienne du Travail (CGIL) afin de revenir sur la réforme du marché du travail de Renzi, dite Loi sur l’emploi. C’est là une manœuvre transparente pour garder la main sur une population de plus en plus en colère.
La fondation de Sinistra Italiana sert à dissimuler ces manœuvres et à prévenir le déclenchement de luttes de classe ouvertes. Tout comme Syriza en Grèce, ces politiciens bourgeois chevronnés sont tout à fait prêts à rejoindre le gouvernement afin de perpétrer eux-mêmes les attaques contre la classe ouvrière. Dans le même temps, ils poussent les électeurs vers les populistes de droite et leurs politiques nationalistes et pro-UE.
Leur programme ne diffère pas fondamentalement de celui du Mouvement cinq étoiles de Grillo (M5S). C’est ce qui a déjà été démontré par le fait que plusieurs politiciens M5S ont abandonné Grillo pour rejoindre le nouveau SI, tels les sénateurs Francesco Campanella et Fabrizio Bocchino, ainsi que les députés Adriano Zaccagnini, Leandro Bracco et consorts.
Grillo essaie d’exploiter l’arrivée au pouvoir de Donald Trump pour sa propre ascension et réclame vigoureusement que des élections aient lieu rapidement. Il prétend que son parti est le seul à pouvoir atteindre les 40 pour cent requis pour un gouvernement à parti unique. Le M5S se situe actuellement légèrement en dessous de 30 pour cent dans les sondages.
(Article original paru le 25 février 2017)