France : incertitudes sur les élections présidentielles
Par Alex Lantier
8 février 2017
Après un week-end où plusieurs candidats de premier plan ont prononcé des discours importants pour lancer leurs campagnes, il y a une énorme incertitude sur ce que sera le résultat de l’élection présidentielle française.
Ces élections sont fortement influencées par l’élection de Donald Trump aux États-Unis et l’impopularité profonde du président François Hollande du PS (Parti socialiste). Les partis de gouvernement traditionnels français font face à une crise historique. Le PS est divisé entre un candidat indépendant, le banquier Emmanuel Macron, et le candidat du parti, Benoît Hamon, tandis que le candidat de droite des Républicains (LR), François Fillon, fait face à un scandale suite à des accusations selon lesquelles il aurait fait payer à sa femme d’énormes sommes d’argent pour des emplois fictifs.
Le champ des candidats qui ont émergé témoigne de l’effondrement de la démocratie française et de la faillite de l’élite dirigeante. Malgré les souffrances économiques et la colère sociale sans précédent, aucun candidat ne propose un programme représentant les intérêts des travailleurs. Cela produit une situation explosive et incertaine. Du fait que tous les candidats soutiennent la guerre et l’austérité, et que l’électorat est désabusé de l’élite politique, il y a beaucoup d’incertitude sur qui deviendra le bénéficiaire, indigne, de la colère populaire et des envies de changement.
Le dernier sondage de Les Échos a donné Marine Le Pen du Front national néo-fasciste (FN) en tête au premier tour avec 26 pour cent des voix. Macron recevrait 23 pour cent et Fillon 20 pour cent. Hamon a récemment dépassé Jean-Luc Mélenchon, ancien chef de file du Front de Gauche qui se présente comme le candidat du mouvement La France insoumise ; Les deux sont à 14 et 11 pour cent, respectivement.
Bien que son appel à une alliance avec Trump, malgré son impopularité massive dans la population française, soit sujette à une forte désapprobation des deux tiers de l’électorat, Le Pen pourrait encore gagner l’élection. Cela pourrait conduire au retrait de la France de l’Union européenne (UE) et de l’euro, à l’effondrement probable de ces institutions fondamentales du capitalisme européen et à une confrontation aiguë entre Paris et Berlin.
Le Pen a organisé son rassemblement de lancement de campagne dimanche à Lyon, la troisième plus grande ville de France, une métropole prospère et traditionnellement de droite, près de la frontière suisse. Saluant l’élection de Trump et la sortie britannique de l’UE, elle a prononcé une diatribe populiste accusant la mondialisation de créer une société où les gens font « fabriquer par des esclaves pour vendre à des chômeurs ».
Elle a lancé l’appel traditionnel du FN au sentiment nationaliste et anti-musulmans, dans un langage recyclé du PS et de ses alliés, dénonçant « deux totalitarismes », économique et religieux, comme les dangers pesant sur la France. Ensuite, sa nièce Marion Maréchal-Le Pen, membre du FN, a approuvé l’interdiction d’entrée des immigrés musulmans décidée par Trump, qui a provoqué des manifestations de masse aux États-Unis et à l’étranger, Le Pen a attaqué l’islamisme et l’islam radicalisés comme des dangers pour la France.
Elle a annoncé deux projets de referendum, le premier sur la renégociation de l’indépendance « monétaire, législative, territoriale et économique » de la France par rapport à l’Union européenne, dans la droite ligne de ses précédents appels à quitter l’UE et l’euro. Elle a également l’intention d’organiser un référendum sur l’inscription dans la Constitution de la préférence nationale, c’est-à-dire la discrimination ethnique en faveur des Français.
Il est significatif qu’il y a des signes croissants que les marchés financiers commencent à faire baisser la valeur de la dette souveraine française, en anticipant peut-être une victoire de Le Pen et un conflit au sein de l’UE par rapport à l’euro. Le Financial Times de Londres a décrit « un signe de changement de préférence des investisseurs, ou même de prudence », dans des conditions où « de nombreux investisseurs sont naturellement concentrés sur les risques d’une populiste qui a promis de sortir la France de l’euro ».
Le même jour que Le Pen, Mélenchon lançait sa campagne à Lyon, apparaissant simultanément par hologramme à un meeting à Paris. Il a appelé à l’unité avec Hamon, dans le but de permettre au candidat officiel du PS, soutenu par les alliés traditionnels du PS, les Verts et le Front de gauche, d’atteindre le deuxième tour. Lors de son meeting, il a attaqué les deux candidats actuellement en tête des sondages, Le Pen et Macron, comme « l’ignorante » et « le banquier qui a pourri la vie de milliers de gens avec sa participation à la loi El Khomri », l’impopulaire loi travail imposée par le PS face à des manifestations massives l’année dernière.