Travailleurs et jeunes manifestent en France contre la réforme du droit du travail
Par Alex Lantier
15 mars 2016
Mercredi dernier, entre 250.000 à 450.000 travailleurs et jeunes ont défilé dans toute la France contre la réforme du droit du travail du Parti socialiste (PS) lors d’actions de protestation appelées par les syndicats industriels, étudiants et lycéens. Ils brandissaient des pancartes dénonçant un projet de réforme du travail qui allongerait la semaine de travail et détruirait les protections de base sur le lieu de travail. Ils dénonçaient aussi la persécution des réfugiés par l'UE et l'état d'urgence imposé par le PS après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris.
Le même jour faisaient grève les travailleurs de la SNCF (chemins de fer) et de la RATP (transports parisiens).
Le gouvernement PS devait se réunir avec les syndicats lundi pour tenter d'apporter des modifications mineures à la loi afin d’obtenir leur soutien et imposer son adoption de force face à une opposition de masse.
A Paris, des dizaines de milliers de personnes ont participé à plusieurs marches de protestation dans différentes parties de la ville. « On ne savait pas qu'on allait venir ce matin. Mais c'est notre avenir qui est attaqué. On n'a même pas commencé à travailler et on nous dit qu'on va pouvoir nous virer facilement » ont déclaré des lycéens, Alexandre et Mathilde.
« Les conditions de travail actuelles sont déjà compliquées et il n'est pas facile de parler avec son employeur. Avec cette loi, on ne va faire que rajouter au problème. Et puis on va demander aux gens de faire plus d'heures, jusqu'au burnout, au lieu d'en embaucher d'autres. Ce n'est pas logique! Quand Valls nous dit que cela va créer de l'emploi, il nous ment !», dit Flavie, qui n'a pas pu trouver un emploi dans son secteur, la gestion touristique.
Le gouvernement PS et la police ont réprimé violemment la manifestation de Lyon, à laquelle participaient 20.000 personnes. Ils ont fait usage de pouvoirs de police conférés par l'état d'urgence pour attaquer les manifestants et imposer des peines de prison exorbitantes. Plusieurs lycées de Lyon ont été bloqués ce jour-là, et des affrontements ont éclaté lorsque la police a soudainement essayé de bloquer le chemin de la manifestation. Au moins deux manifestants ont été hospitalisés après que la police anti-émeute a tiré des flashballs et ouvert le crâne d'un manifestant avec une matraque.
Les accusations portées contre trois manifestants arrêtés lors d’affrontements montrent clairement que le PS, s’il n'ose pas encore invoquer l'état d'urgence pour interdire les manifestations n’agit pas moins pour criminaliser la protestation publique. « La démocratie est exprimée dans les urnes et non dans la rue », a déclaré le procureur Jean Ailhaud alors qu’il infligeait des peines non seulement pour « violences aggravées contre une personne dépositaire de l'autorité publique », mais encore pour « rébellion ».
Ces accusations, qui impliquent que des gens exerçant leur droit protégé par la Constitution à protester et qui se défendent contre les attaques de la police, organisent une insurrection armée, sont des provocations absurdes. Face à une large opposition populaire à son programme réactionnaire, le PS déclare qu'il a décidé que toute expression d'opposition menaçait la survie de l'Etat et devait être écrasée.
C’est là un avertissement sérieux quant à la nature de l'état d'urgence et à la politique de la déchéance de nationalité pour ceux considérés comme des ennemis de l'État. Bien que présenté comme ciblant des groupes terroristes islamistes, qui servent en fait d'outils de la politique de changement de régime du PS en Syrie, l'état d'urgence est en fait pleinement destiné aux travailleurs et aux jeunes qui protestent contre le programme d'austérité et de guerre à l'intérieur impopulaire du PS.
Jusqu’à avant-hier, un lycéen avait été mis en examen et en liberté surveillée, un chômeur condamné à six mois de prison et une amende de €1000 pour avoir plaqué un policier après l'attaque de la police, et un étudiant risquait une amende de €800 et une peine de prison de six mois avec sursis. La police devrait faire appel pour tenter d'obtenir des peines plus sévères.
Alors qu’ils entrent en opposition à la politique sociale réactionnaire du PS, les travailleurs et les jeunes font face à un grand défi politique. Toute vraie lutte contre le PS exige également de se mobiliser en opposition à la politique de guerre impérialiste, de chauvinisme anti-immigrés et d'attaques contre les droits démocratiques, que le PS partage avec ses homologues en Europe et dans le monde.
L'allié naturel des travailleurs et des jeunes en France, comme l'explique le CIQI dans sa déclaration « Le socialisme et la lutte contre la guerre », est une classe ouvrière internationale qui développe une lutte mondiale pour le socialisme contre l'austérité et la guerre impérialiste.
Cette lutte ne peut être réalisée dans le cadre du carcan politique imposé par les alliés politiques du PS comme le Front de gauche, le Nouveau parti anti-capitaliste et les syndicats industriels, étudiants et lycéens. La fraude qui veut que ces organisations soient « socialistes » ou représentent en quoi que ce soit une opposition au capitalisme a été complètement démasquée.
Depuis que le PS est arrivé au pouvoir avec l'élection de François Hollande en 2012, ils ont supprimé l'opposition montante de la classe ouvrière au gouvernement français le plus impopulaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Leur soutien à la guerre des puissances de l'OTAN en Syrie est l'indication la plus claire de leur alignement sur la politique réactionnaire du PS. Pour se développer, le mouvement doit être mené dans une indépendance politique totale vis-à-vis des alliés du PS et retiré des mains des différentes bureaucraties syndicales. L'opposition ouverte de syndicats alignés sur le PS comme la CFDT à l'élargissement de mouvements de grève afin de stopper la réforme du travail, comme le refus des syndicats étudiants et lycéens d'approuver le blocus des lycées et des universités, témoignent du rôle de toute cette couche sociale.
Si Hollande déclare maintenant qu'il y a des « corrections à établir » dans la réforme du droit du travail et le premier ministre Manuel Valls appelle à « bâtir un compromis dynamique et ambitieux », c'est parce qu'ils espèrent se servir des syndicats pour faire passer une version à peine modifiée de leur réforme. Ils savent que les syndicats cherchent à organiser le minimum de protestations nécessaires pour gérer la colère sociale montante des travailleurs et des jeunes, tout en obtenant un accord également acceptable au PS et à ses soutiens de la grande entreprise et du Medef.
Ce qui est nécessaire avant tout, c’est la construction d'un nouveau parti qui offre une perspective politique et une alternative socialiste aux politiques pro-capitalistes réactionnaires du PS et de ses alliés.
La mobilisation du vaste mécontentement et de l’opposition de la classe ouvrière au PS ne peut se faire que sur la base d’une opposition aux partis et syndicats à la périphérie du PS.
Le WSWS encourage ses lecteurs en France à lire et à discuter son matériel avec leurs amis et collègues, à contacter le WSWS et à rejoindre sa lutte pour construire une alternative politique pour la classe ouvrière, en France et au plan international.
(Article paru en anglais le 14 mars 2016)