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La France attaque les réfugiés et commence la destruction du camp de Calais

Par Francis Dubois et Stéphane Hugues
3 mars 2016

Les forces de sécurité françaises ont violemment attaqué des réfugiés avec des gaz lacrymogènes lundi alors qu’elles commençaient leur démolition du camp de Calais. L’assaut, lancé au moment où la police macédonienne agressait des réfugiés à la frontière grecque pour couper la route des Balkans menant à l’Allemagne, témoigne de la persécution croissante des réfugiés dans toute l’Europe.

Le tribunal administratif de Lille avait confirmé le 25 février la mesure de démantèlement de la moitié sud du camp du gouvernement PS du président François Hollande. Les ONG travaillant dans le camp avaient recensé environ 3.500 réfugiés vivant dans cette zone. L’ultimatum lancé par la préfète du département du Pas-de-Calais Fabienne Buccio aux réfugiés vivant dans cette partie du camp, de la quitter avant le 23 février, avait été brièvement suspendu en raison d’un référé déposé par un certain nombre d’ONG humanitaires.

La préfecture du Pas-de-Calais avait déjà fait raser il y a deux semaines sur une largeur de 100 mètres la partie du camp qui longe la rocade menant au port de Calais

Lundi, une police antiémeute lourdement armée a pénétré de force dans le camp pour escorter des bulldozers qui ont détruit au moins une centaine de constructions. Les policiers ont ensuite lancé des gaz lacrymogènes et attaqué des centaines de réfugiés ainsi que des membres de l’organisation humanitaire No Borders alors que brûlaient en même temps une dizaine de bâtiments du camp.

Les habitants du camp et les ONG humanitaires qui travaillent avec eux ont nié les accusations officielles que les réfugiés avaient mis eux-mêmes le feu aux bâtiments et ont insisté sur le fait que les incendies ont commencé à cause de projectiles lancés par les forces de sécurité. Quatre membres de No Borders ont été arrêtés.

L’expulsion par le PS de réfugiés fuyant des pays ravagés par la guerre comme l’Irak, l’Afghanistan, la Syrie et le Pakistan, y compris les femmes et les enfants, au milieu de l’hiver durant lequel il est illégal en France d’expulser les gens de leurs logements, est un acte d’incroyable brutalité. La destruction du camp de Calais est une revendication de longue date du Front national néo-fasciste (FN).

Pendant plusieurs jours, le gouvernement a mené une écœurante campagne de propagande essayant de présenter son opération de destruction du camp comme un geste « humanitaire ». Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve l’a hypocritement présentée comme une action de « protection des migrants. » Il a insisté que ce serait fait, « bien entendu en procédant de façon progressive et en privilégiant à chaque instant le dialogue, la persuasion et l'information des migrants. »

Mais l’objectif déclaré du PS est d’utiliser tous les moyens nécessaires pour dissuader les migrants qui cherchent à atteindre le Royaume-Uni de venir à Calais. La démolition du camp fait partie d’une stratégie plus large menée par tous les gouvernements de l’UE pour décourager les gens du Moyen-Orient et d’Afrique de fuir les guerres impérialistes qui ont dévasté leur pays.

Le gouvernement belge a réagi à la perspective d’une fermeture du camp en rétablissant unilatéralement les contrôles aux frontières avec la France et de suspendre « temporairement » les accords de Schengen sur la libre circulation à l’intérieur de l’Europe, pour empêcher les réfugiés fuyant Calais d’aller en Belgique. Cazeneuve a appelé cette décision « étrange », affirmant que le gouvernement belge ne l’en avait pas informé.

C’est l’ensemble de l’établissement politique français qui soutient la politique xénophobe et anti-immigrés du PS, souvent sous la couverture cynique d’un soutien moral aux réfugiés.

Réagissant à l’annonce de l’évacuation par la préfète du Pas-de Calais, le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, a attaqué Londres qui refuse de laisser les réfugiés de Calais traverser la Manche et entrer en Grande-Bretagne.

Il a conseillé au gouvernement français d’envoyer les réfugiés en Grande-Bretagne le plus tôt possible, sachant très bien que même s’ils ont quitté la France dans ces conditions, ils ne seront pas autorisés à entrer en Grande-Bretagne et immédiatement expulsés.

Mélenchon en a également profité pour préconiser une sortie britannique de l’Europe, se faisant l’écho de la propagande droitière et nationaliste en faveur d’un « Brexit » faite par des figures réactionnaires comme le maire conservateur de Londres Boris Johnson et l’ex-député travailliste George Galloway.

« Pourquoi jouons nous aux garde frontières » de la Grande-Bretagne tandis que Cameron « fait monter les enchères à Bruxelles » a-t-il dit. « Pourquoi l’Angleterre ne devrait-elle pas prendre sa juste part, de quel droit?... Londres ne témoigne d’aucune solidarité avec l’Europe, bien au contraire, pourquoi chercher à tout prix à l’y maintenir ? »

Dans une lettre du 25 février publiée dans le quotidien Humanité, Michelle Demessine, une sénatrice du PCF stalinien du département du Nord, conseille au gouvernement de ne pas procéder à une « évacuation trop rapide. » Elle lui demande en même temps de faire pression sur Londres pour qu’il permette aux migrants de faire venir leur famille en Grande-Bretagne, un principe que le gouvernement français a lui-même refusé d’approuver.

La stratégie cynique du PS vise à décourager les réfugiés jusqu’à ce qu’ils acceptent de quitter la France sans aller en Grande-Bretagne. L’État français applique essentiellement la même politique que celle appliquée aux Roms qu’il expulsait avant vers la Roumanie. Maintenant que les Roms roumains sont citoyens de l’UE, le PS ordonne la destruction de dizaines de leurs camps chaque année, espérant les dégoûter et les faire retourner d’eux-mêmes en Roumanie.

La France a créé une situation pratiquement impossible pour les migrants. Les demandeurs d’asile en France ne peuvent travailler qu’une fois leur demande validée, ce qui prend en moyenne neuf mois. S’ils veulent travailler pendant ce temps, ils doivent le faire sans papiers. Même s’ils sont finalement acceptés comme réfugiés ou immigrés, avec un taux de chômage de 10,5 pour cent en France ils sont souvent obligés de prendre du travail dans les pires conditions.

Même en termes d’immigration légale, l’OCDE n’a compté en 2011 que 211.300 immigrés en France, soit 0,33 pour cent de la population. C’était moins que l’Espagne (349.300), la Grande-Bretagne (321.200), l’Italie (312.200) et l’Allemagne (290.800). En pourcentage de la population, la France se classe 15e sur 16 pays européens pour le nombre d’immigrants admis, seule la République tchèque en a admis moins.

La France refuse la plupart des demandes d’asile. L’an dernier, sur 79.100 demandes de toutes origines, seules 26.700 (31,5 pour cent) furent acceptées. Les autres demandeurs d’asile ont reçu l’ordre de sortir du pays.

C’est là le résultat de décennies durant lesquelles la classe dirigeante française a répandu le poison de l’islamophobie, se servant souvent de la montée du FN comme d’un prétexte pour porter atteinte aux droits démocratiques et attaquer les réfugiés.

Lors de la conférence de Munich sur la sécurité, le premier ministre français Manuel Valls a récemment insisté sur le fait que la France n’accepterait plus que 30.000 réfugiés syriens. En fait, la France a seulement accepté 10.000 réfugiés syriens depuis que la guerre civile syrienne a commencé en 2011. Sur les 30.000 du quota de Valls, moins d'un millier sont arrivés jusque là.

(Article paru d’abord en anglais le 2 mars 2016)

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