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Le PS menace d’interdire les manifestations contre la loi travail

Par V. Gnana et Alex Lantier
17 juin 2016

Mercredi, suite à la large mobilisation des travailleurs mardi contre la loi travail du Parti socialiste (PS), le président François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls ont menacé d’interdire purement et simplement de nouvelles manifestations contre la loi.

Le matin, sur France Inter, Valls a appelé à mettre fin aux manifestations telles que celles à Paris la veille, qui avaient mobilisé au moins 75 000 travailleurs, selon des estimations de la police. Se référant à la Confédération générale du travail stalinien (CGT), Valls a déclaré : « Je leur demande de ne plus organiser de manifestation à Paris ».

Les commentaires de Valls indiquent que le PS prévoit d’imposer la loi, désapprouvée par 75 pour cent des Français, sans la moindre modification. « Le gouvernement ne changera pas un texte qui est déjà le résultat d’un compromis avec les syndicats réformistes il y a plusieurs mois », a-t-il dit.

Affirmant que les manifestations ne pouvaient plus se dérouler en sécurité, il a déclaré : « Il y avait 700 à 800 casseurs hier… Quand on n’est pas capable d’organiser des manifestations, on n’organise pas ce type de manifestation qui peut dégénérer ».

Il a conclu que le PS pourrait interdire de nouvelles manifestations contre la loi travail. Si la CGT demandait l’autorisation pour de nouvelles manifestations : « Au cas par cas, nous assumerons nos responsabilités ».

La menace de Valls d’interdire les manifestations contre la loi travail a été réitérée par Hollande en personne lors d’une réunion du cabinet mercredi, selon son porte-parole Stéphane Le Foll. Hollande a dit : « À un moment où la France accueille l’Euro, où elle fait face au terrorisme, il ne pourra plus y avoir d’autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens et des personnes et des biens publics ne sont pas garanties ».

Dans une récente interview sur Europe1, Hollande a indiqué que le PS imposerait la loi sans aucune modification substantielle. « Trop de gouvernements ont cédé » dans des circonstances semblables, a-t-il dit. « Cette loi, qui est en débat, y compris dans la rue, elle va passer ».

Le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a fait écho à ces remarques, appelant à « une pause dans les manifestations, parce qu’elles dégénèrent en violence ». Il a dit que la CGT était « instrumentalisée par les casseurs ».

Les politiciens de droite ont soit fait écho aux propositions du PS d’interdire les manifestations, soit indiqué leur accord. « On ne peut plus accepter que des manifestations se déroulent à répétition dans les grandes villes de France », a déclaré l’ancien Premier ministre François Fillon, alors que Marion Maréchal-Le Pen (FN) a déclaré que la question de la « légitimité » des manifestations était posée.

L’idée que l’interdiction de manifester est nécessaire pour empêcher la violence est un prétexte frauduleux pour fouler aux pieds les droits démocratiques de la classe ouvrière. Valls et Hollande parlent comme si quelques centaines de casseurs non identifiés avaient pu écraser les dizaines de milliers de policiers déployés à Paris, et dans d’autres villes de France, puis saccager et piller une grande partie de la ville.

La réalité est tout autre. Depuis des mois, les jeunes et les travailleurs participent massivement à des manifestations pacifiques et subissent de violentes agressions des forces de l’ordre. Quand des affrontements ont éclaté, les manifestants ont été rapidement nassés et attaqués. Néanmoins, l’opposition de la classe ouvrière monte et se révèle de plus en plus déterminée.

Ébranle par l’opposition croissante des travailleurs, le PS et toute la classe dirigeante française signalent qu’ils sont prêts à détruire les droits démocratiques et criminaliser toute expression d’opposition par la classe ouvrière. La logique de cette politique est la mise en place d’un régime d’état policier afin d’imposer la politique d’austérité de la classe capitaliste européenne.

L’appel du PS à interdire des manifestations a une signification politique et historique capitale. Sa mise en œuvre provoquera l’opposition politique profondément enracinée dans la classe ouvrière. Une telle politique revient à la destruction des droits démocratiques gagnés par la classe ouvrière en lutte contre le fascisme européen et contre les régimes bourgeois soutenus par Washington fondés immédiatement après la Seconde Guerre mondiale.

Les classes dirigeantes européennes ont évité une révolution sociale, malgré leurs crimes historiques sous les régimes fascistes, surtout grâce aux partis staliniens, qui ont bloqué une lutte de la classe ouvrière pour le pouvoir. Néanmoins, elles faisaient face à un sentiment anticapitaliste explosif, à l’influence croissante du mouvement trotskyste dans de nombreux pays européens, dont la France, et au danger de la révolution socialiste incarnée par l’existence de l’URSS. Elles ont été forcées à faire de vastes concessions sur les droits sociaux et démocratiques.

L’article 7 du préambule de la Constitution française de 1946, garantit formellement le droit de grève, qui avait été aboli sous le régime collaborationniste de Vichy.

L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme, rédigée en 1950 et signée par la France et de nombreux autres pays européens, garantissait formellement le droit de manifester.

Ce qui est révélé aujourd’hui, ce sont les implications politiques de la dissolution de l’URSS il y a un quart de siècle et l’imposition de l’austérité par les banques et les gouvernements européens depuis lors, en particulier depuis la crise économique de 2008. Les droits garantis par la Constitution française et la Convention européenne des droits de l’homme sont incompatibles avec l’assaut d’austérité contre la classe ouvrière à travers toute l’Europe. La classe dirigeante s’apprête à détruire ces droits et à répondre à l’opposition sociale par la seule répression, en s’appuyant sur un vaste appareil policier et de surveillance électronique en expansion constante.

Cela révèle le contenu de classe de l’état d’urgence imposé en France par le PS après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris. Le World Socialist Web Site a averti que la cible principale de l’état d’urgence n’était pas les réseaux terroristes islamistes – que les puissances de l’OTAN tolèrent dans la mesure où ils sont utiles comme pions dans leur guerre par procuration en Syrie – mais la classe ouvrière. Seulement quelques mois plus tard, le PS s’apprête à interdire l’opposition de la classe ouvrière à son programme d’austérité.

La lutte pour défendre les droits démocratiques pose surtout la question de la formation d’une nouvelle direction révolutionnaire dans la classe ouvrière. La CGT, ainsi que les diverses organisations de pseudo-gauche qui y sont alliées, dont le Front de gauche, se révélera impuissante et hostile à une lutte pour mobiliser l’opposition au PS dans la classe ouvrière.

Les déclarations de Valls et Hollande montrent que la réunion de secrétaire général de la CGT Philippe Martinez avec le ministre du Travail Myriam El Khomri aujourd’hui ne peut rien préparer sauf une trahison des luttes. Martinez a dit à la presse que le gouvernement a tort de refuser de négocier et de dicter les préalables à une discussion qu'il voulait voir avancer.

À présent, il est évident que le PS ne changera pas la loi et qu’il n’a pas l’intention de négocier quoi que ce soit avec Martinez, sauf sa capitulation.

Plus il devient évident que la seule façon d’avancer est une lutte politique intransigeante contre le PS, plus la CGT et le Front de gauche s’opposeront à une telle lutte. Le Front de gauche se compose d’alliés politiques de longue date du PS. Il a voté l’état d’urgence à l’Assemblée nationale. Il a même envoyé un membre dirigeant, Eric Coquerel, participer à une manifestation pro-flic néo-fasciste le mois passé. Il se révélera âprement hostile à la défense des droits démocratiques contre le PS.

La question critique pour les travailleurs en France est la mobilisation du soutien dans la classe ouvrière internationale. Le PS a élaboré la loi travail, modelée sur les lois Hartz allemandes, avec les hauts dirigeants européens. Quand il a rencontré la première vague de protestations de masse en mars, le PS a tenu une réunion avec des dirigeants sociaux-démocrates allemands, italiens, et portugais. Il existe parmi les travailleurs dans tous ces pays un mécontentement social explosif, et c’est là que les travailleurs en France trouveront leurs meilleurs alliés.

(Article paru en anglais le 16 juin 2016)