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Les forces spéciales américaines déployées au Mali après l’attaque d’un hôtel à Bamako

Par Thomas Gaist
23 novembre 2015

Des hommes non identifiés armés de grenades et de fusils d’assaut ont investi, le vendredi 20 novembre, l’hôtel de luxe Radisson Blu dans la capitale malienne Bamako, tuant au moins 27 personnes et capturant jusqu’à 170 otages.

Alors que des avions de guerre français survolaient l’hôtel, des troupes françaises, américaines, onusiennes et maliennes le cernaient et donnait l’assaut; ils finirent par sécuriser l’établissement haut de gamme après un siège qui dura une bonne partie de la journée.

Des forces spéciales américaines ont participé à l’opération et évacué une douzaine de ressortissants américains se trouvant à l’intérieur durant l’attaque, selon les médias américains. Les forces américaines ont également fourni des renseignements et au moins un drone « Reaper » en soutien à l’opération de sauvetage.

Des dizaines de soldats des forces spéciales américaines et françaises, en plus des substantielles forces de commandos déjà maintenues par les deux pays dans la région, ont été déployés à Bamako en réponse à l’attaque. Au moins 25 soldats américains étaient déjà présents à Bamako et ont coordonné leur action avec celle du gouvernement.

Un Américain au moins a été tué dans l’attaque a rapporté CNN le 20 novembre au soir. Jusqu’à cinq membres du Département américain de la Défense se trouvaient dans l’hôtel au moment de l’attaque ont dit des responsables anonymes du Pentagone au Los Angeles Times.

Le gouvernement du Mali a déclaré l’état d’urgence nationale pour 10 jours à partir de vendredi minuit en réponse aux attaques.

La milice islamiste Al Mourabitoun, une scission d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, formée par le terroriste international notoire Mokhtar Bel Mokhtar, a revendiqué l’attaque dans un message Twitter et un enregistrement immédiatement après l’attaque. Dans sa déclaration audio, Al Mourabitoun a affirmé que l’attaque avait été lancée en représailles d’atrocités commises par les forces gouvernementales maliennes et françaises contre la population dans le nord.

Venant à la suite des attentats terroristes politiquement chargés de Paris et celui visant un avion de ligne russe au-dessus du Sinaï, l’attaque de l’hôtel très en vue Radisson Blu, fréquenté par une clientèle internationale et de classe supérieure a des implications inquiétantes.

Washington et Paris se sont déjà saisis des attentats de Paris pour amplifier leurs guerres en Irak et en Syrie et imposer des mesures autoritaires à leurs propres populations. Dans la semaine écoulée depuis les attentats, les avions français ont intensifié massivement leurs bombardements en Syrie et les villes françaises ont été placées sous la loi martiale.

La France entretient déjà une garnison transsahélienne substantielle de plus de 3.000 soldats, chargés d’opérations « antiterroristes » illimitées au Mali, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad dans le cadre de l’opération Barkhane.

S’exprimant vendredi, les dirigeants français ont comparé les événements de Bamako avec les attentats de Paris et promis d’organiser une réponse « nationale et internationale. »

Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a dénoncé sur un ton belliqueux l’« idéologie meurtrière » des assaillants islamistes présumés et annoncé que les diplomates français rédigeaient une résolution onusienne appelant à de nouvelles initiatives antiterroristes transnationales.

« Il n'est pas possible de négocier avec eux car tout ce qu'ils veulent, c'est tuer quiconque n'accepte pas leur domination. Nous devons donc les combattre… au niveau national et au niveau international » a dit Fabius.

« Une fois encore les terroristes veulent marquer de leur présence barbare tous les lieux où ils peuvent tuer, où ils peuvent impressionner et massacrer, » a dit le président français François Hollande

Les responsables américains ont eux aussi signalé que Washington allait intensifier son intervention au Mali. Le gouvernement américain allait « rester un partenaire indéfectible du gouvernement du Mali et d’autres dans la région de la lutte contre les groupes terroristes, » a déclaré vendredi le porte-parole de la Maison-Blanche pour la sécurité nationale, Ned Price.

« Nous sommes prêts à aider le gouvernement malien dans les prochains jours », a-t-il dit.

Les experts militaires cités par les médias américains appellent de plus en plus à une présence militaire accrue dans la région. Le déploiement français Barkhane est actuellement « trop ​​éparpillé », selon des experts cités par le Los Angeles Times.

« Il y a tellement de groupes différents qui essayent de faire un nom. Nous allons continuer à subir ces attaques » a dit au Wall Street Journal un analyste de la sécurité européenne.

Les réseaux islamistes armés se sont développés rapidement dans toute l’Afrique du Nord ces dernières années au fur et à mesure que se déstabilisait rapidement l’ordre régional dû aux retombées de la guerre USA-OTAN de 2011contre la Libye.

La désintégration de l’État libyen sous l’assaut des États-Unis et de l’OTAN a transformé la Libye et les pays voisins en aires de rassemblement pour groupes islamistes et autres milices ethniques, et a inondé d’armes et de combattants la moitié nord du continent.

Les nombreuses milices « rebelles », dont des forces islamistes affiliées à Al-Qaïda, mobilisées contre le régime de Kadhafi par les puissances occidentales comme forces mandataires ont continué à faire la guerre en Libye et dans les pays voisins. Beaucoup de ces forces sont ensuite allées se battre dans la guerre civile fomentée par les Etats-Unis en Syrie, introduites dans le pays grâce à des filières terroristes secrètement gérées par les renseignements américains.

La destruction de la Libye par les États-Unis et l’OTAN a également fourni des forces pour une guerre civile au Mali, y poussant par le sud de la Libye des milices touareg, islamistes et autres armées jusqu’aux dents avec les armes pillées dans les arsenaux libyens ou données par les gouvernements occidentaux.

La saisie des villes du nord du Mali par des combattants tribaux Touareg et des milices islamistes juste sorties de la guerre libyenne a rapidement provoqué une guerre civile et précipité un putsch militaire à Bamako, dirigé par un officier formé aux États-Unis.

La France a répondu en envahissant le pays en janvier 2013, soutenue par les Etats-Unis. Présentée comme une mission antiterroriste, l’intervention française a en réalité été lancée dans le cadre plus large de la campagne des puissances impérialistes pour réimposer une domination politique et militaire directe en Afrique, et massivement accélérée depuis 2008.

Depuis la création officielle en 2008 du Commandement américain en Afrique (AFRICOM), des détachements américains sont engagés dans littéralement chaque pays africain dans des opérations militaires ou couvertes. En plus des forces conventionnelles importantes d’AFRICOM, les forces spéciales américaines ont mis au point de vastes opérations en République centrafricaine, en Somalie, au Mali, en Ouganda et ailleurs. Durant toute l’année 2015, quelque 1.400 soldats des forces spéciales américaines ont été en opération dans au moins 23 pays africains, selon le chef du Commandement des opérations spéciales pour l’Afrique (SOCOM), le général Donald Bolduc.

AFRICOM affirme mener des opérations pour « démanteler » des dizaines de groupes terroristes présumés différents, dans chaque sous-région majeure en Afrique.

Les forces spéciales américaines visaient, outre la Lords Resistance Army d’Ouganda, au moins 43 groupes terroristes et milices dans la seule sous-région d’Afrique centrale, a dit le général Bolduc plus tôt ce mois-ci

Le gouvernement français a fait pression pour que les États-Unis continuent de soutenir ses opérations au Mali et en général au Sahel, a dit au Huffington Post l’ancien ambassadeur français aux États-Unis, Gérard Araud.

L’Impérialisme allemand prépare ses propres missions de combat « indépendantes et robustes » au Mali. Les opérations allemandes seront étroitement coordonnées avec quelque 600 membres des forces néerlandaises déjà stationnées dans le pays et y « déploieront toute la gamme des moyens à sa disposition », selon les directives de l’opération.

Le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a déclaré à propos des événements de vendredi, « l’attaque terroriste d’aujourd’hui montre clairement qu’il y a un long chemin à parcourir avant que le Mali ne soit stabilisé » et, « le terrorisme islamique dans la région n’a pas encore été vaincu ».

Le gouvernement allemand prévoyait des « joint-ventures » et de « l’investissement direct » en Afrique centrale, a déclaré Steinmeier vendredi depuis la Zambie.

Les nouvelles opérations au Mali correspondent aux lignes directrices de la politique adoptée par Berlin l’an dernier et appelant à des interventions militaires et politiques allemandes agressives sur le continent. Celles-ci déclaraient ouvertement que ces efforts visaient un contrôle allemand sur une Afrique « riche en ressources naturelles. »

La dissolution de l’Union soviétique a ouvert de nouvelles perspectives africaines aux Etats-Unis et aux pouvoirs européens, qui y ont réagi par une ruée féroce pour repartager les ressources et les marchés de l’Afrique.

En collaborant à ce projet, les élites bourgeoises nationales de l’Afrique sont devenues riches mais elles se sont par là discréditées aux yeux des masses. Partout sur le continent, les gouvernements chancellent et l’agitation sociale atteint des niveaux historiques. Le gouvernement malien, malgré l’importante aide militaire de l’Occident, ne peut même pas sécuriser les rares enclaves riches de sa capitale.

(Article paru d'abord en anglais le 21 novembre 2015)