Les partis de l’ex-gauche soutiennent la chasse aux Roms en France
Par Anthony Torres
21 août 2012
Les tendances petites bourgeoises que sont le Nouveau Parti Anticapitaliste, Lutte Ouvrière et le Parti de Gauche maintiennent un silence assourdissant sur la décision du gouvernement du président François Hollande de détruire les campements des Roms.
Depuis que la France est dirigée par le Parti Socialiste (PS), ces organisations effectuent un revirement de leur position publique sur la persécution des Roms, qu’ils avaient critiquée lorsqu’elle était menée par le président conservateur, Nicolas Sarkozy.
Un sondage Atlantico-Ifop du 14 août 2012 met en évidence que l’électorat des partis de « gauche » est majoritairement favorable au démantèlement des camps de Roms. Les chiffres s’élèvent à 72 pour cent pour l’électorat NPA/LO, 61 pour cent des sympathisants du Front de Gauche (PG et Parti Communiste Français), et 59 pour cent chez les électeurs d’Europe Ecologie-Les Verts.
Lorsque les maires étiquetés de ces partis sont concernés par la campagne pour l’expulsion des Roms, ils la soutiennent – comme le souligne Le Télégramme : « Il y a actuellement quatre campements, ce qui représente un millier de personnes », précise le maire PCF (Stains en Seine-Saint-Denis), Michel Beaumale. « Cela pose de nombreux problèmes, d'hygiène, de sécurité, etc. », ajoute l'élu, qui a écrit à François Hollande « pour lui signaler le problème ».
Ces partis n’ignoraient pas que Hollande comptait s’attaquer aux Roms. En février 2012, lors de la campagne présidentielle, Hollande proposait comme « solution » à la présence en France de Roms de l’UE « qu’on crée des camps… pour les accueillir ». (Voir : France: Le gouvernement PS procède à des expulsions massives de Roms)
Le NPA et le Front de Gauche ont néanmoins ouvertement soutenu François Hollande au second tour des élections. Quant à LO, elle trouvait respectable que ses électeurs décident de voter pour Hollande.
Le ministre de l’intérieur Manuel Valls a annoncé la décision concernant la destruction des campements de Roms à la station radio Europe 1 le 8 août. Dans un communiqué de quelques lignes du 10 août, intitulé « Valls à la manœuvre, la chasse aux Roms continue », le NPA appelle brièvement « à la mobilisation de toutes les forces sociales et politiques, sous toutes ses formes, pour arrêter cette indignité, pour imposer le respect des droits fondamentaux, notamment le droit au logement ».
Cet appel est totalement cynique et creux. Le NPA projette une mobilisation commune d’organisations politiques et syndicales qui soutiennent Hollande, et qui ont appelé à voter pour lui tout en sachant qu’il mènerait une politique d’expulsion contre les Roms.
Cet appel à la mobilisation n’est qu’une mascarade du NPA. Comme les autres partis de la « gauche » petite-bourgeoise, il n’a aucune intention de s’opposer à la politique réactionnaire de Hollande.
Cela contraste avec la position adoptée, du moins verbalement, en 2010 par le NPA, qui avait critiqué le discours de Sarkozy à Grenoble sur le démantèlement des camps de Roms. Dans l’article « Les Roms privés du droit de survivre », le NPA écrivait : « Mais le combat antiraciste est indivisible. Céder à la campagne anti-Roms, c’est laisser s’installer la gangrène raciste qui divise et exonère les possédants de leurs responsabilités dans la misère grandissante ».
Ces commentaires n’ont pas empêché le NPA d’appeler à voter pour un gouvernement PS qui encourage la même gangrène raciste que Sarkozy. Sur le fond, les tendances petites-bourgeoises ne s’opposaient pas à la chasse aux Roms, mais uniquement à la personne qui allait mettre cette mesure d’extrême droite en place.
Le côté « bling bling » de Sarkozy, sa mise en avant de ses amitiés avec des grosses fortunes françaises, ses origines hongroises, et l’admiration qu’il vouait ouvertement aux Etats-Unis agaçaient la petite bourgeoisie française. Quand Sarkozy persécutait des Roms, la presse comparait ouvertement sa politique de nettoyage ethnique à celle du régime collaborationniste de Vichy.
A l’inverse, les médias et le PS, avec le soutien du NPA, de LO et du Front de Gauche, ont présenté Hollande comme « normal », c’est-à-dire dans la tradition française de l’homme politique bourgeois plus discret sur sa vie privée. A présent, le PS peut continuer la politique raciste de Sarkozy, sûr de garder pour lui le soutien de la « gauche » petite-bourgeoise.
Les questions de la libre circulation des Roms et plus largement des droits démocratiques dans un contexte social et politique en ébullition en France sont dissimulées par le NPA et les autres partis de la « gauche » petite-bourgeoise. Le PS veut s’appuyer sur les forces les plus réactionnaires de la société pour renforcer les forces de l’ordre et diviser la classe ouvrière alors qu’il prépare davantage de mesures d’austérité.
C’est un phénomène international, notamment avec les évènements récents en Grèce. La bourgeoisie grecque s’en prend aux immigrés, ayant organisé une rafle pour déporter 1.400 personnes, promouvant le groupe néo-fasciste Aube Dorée et visant à limiter l’expression de l’opposition ouvrière aux mesures d’austérité qui dévastent le pays.
Les critiques émises par le NPA, LO et le Front de Gauche sont peu convaincantes, vu qu’ils ont déjà soutenu des mesures du même genre contre les immigrés sous Sarkozy. Besancenot le 2 mai 2010 avait expliqué son soutien au principe d’une amende pour le port de la burqa : « le problème n’était pas l’amende, mais l’utilisation politique qui en est faite ». Il faisait ainsi une objection tactique, mais au fond était d’accord sur le principe d’une loi néo fasciste.
En avril 2010, LO et le NPA avaient défendu la reprise par la CGT, avec l’aide des CRS, de la bourse du travail de Paris, qui était occupée par les sans-papiers qui voulaient être régularisés. (Voir France : Des nervis de la CGT et la police expulsent des sans papiers de la bourse du travail)
Cet exemple infirme l’idée que la « gauche » petite bourgeoise a une position de longue date hostile à l’oppression des immigrés par la bourgeoisie.
La défense des droits démocratiques passe par la défense des Roms, obligation qui retombe à la classe ouvrière qui devra s’organiser indépendamment de la « gauche » petite-bourgeoise.