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Le Japon étend ses opérations militaires en Asie

Par Peter Symonds
16 mars 2017

Alors que l’administration Trump intensifie sa confrontation avec la Corée du Nord et accentue les tensions, en particulier avec la Chine, dans toute la région, le gouvernement japonais étend considérablement les activités de son armée. Tout en collaborant dans le cadre de son alliance stratégique avec les États-Unis, Tokyo exploite l’opportunité de se réarmer militairement afin de poursuivre ses propres ambitions impérialistes.

Dans un autre avertissement menaçant à Pyongyang, un destroyer japonais lanceur de missiles guidés a commencé hier deux jours d’exercices conjoints avec des navires similaires de la Corée du Sud et des États-Unis. Les navires de guerre, tous équipés de systèmes antimissiles balistiques Aegis, opèrent dans la zone où quatre missiles d’essai nord-coréens ont atterri la semaine dernière.

L’administration Trump passe en revue la stratégie américaine à l’égard de la Corée du Nord et, selon les fuites des médias, envisage le « changement de régime » et des frappes militaires pour traiter le régime de Pyongyang. La Corée du Sud et les États-Unis sont actuellement engagés dans d’énormes jeux de guerre annuels qui incluent l’entraînement à des « raids de décapitation » par les unités des forces spéciales pour assassiner les dirigeants nord-coréens.

Les exercices en mer conjoints du Japon, des États-Unis et de la Corée du Sud font partie des préparatifs de la guerre, non seulement avec la Corée du Nord, mais aussi avec la Chine. Pékin a condamné la décision du Pentagone la semaine dernière de commencer le déploiement d’une batterie de missiles anti-balistiques (THAAD – systèmes de défense ponctuelle de théâtre à haute altitude) en Corée du Sud. L’installation de THAAD fait partie d’un réseau antimissile plus large, y compris le système Aegis, pour lutter contre la guerre avec des puissances dotées d’armes nucléaires.

Les États-Unis insistent pour qu’il y ait une collaboration militaire plus étroite entre le Japon et la Corée du Sud, en particulier par rapport aux systèmes antimissiles. L’hostilité en Corée du Sud envers le Japon, son ancien colonisateur, a abouti à ce qu’un accord de partage du renseignement de 2012 entre Tokyo et Séoul soit reporté à 2014. La marine américaine a noté que les exercices actuels « emploieraient des systèmes tactiques de liaison de données afin d’échanger des informations, des renseignement et d’autres données entre les navires. »

Le ministère chinois des Affaires étrangères a appelé toutes les parties à mettre un terme à « un cercle vicieux qui pourrait devenir incontrôlable », ajoutant : « La Corée du Nord a violé les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies interdisant ses lancements de missiles balistiques ; d’autre part, la Corée du Sud, les États-Unis – et maintenant le Japon – insistent pour mener des exercices militaires de très grande envergure ».

Pyongyang a accusé les États-Unis d’avoir préparé une « attaque préventive » et a menacé de « frappes impitoyables ultra-précises du sol, de l’air, de la mer et sous-marines » si son territoire était attaqué. Une telle rhétorique imprudente, avec l’expansion de son arsenal nucléaire et de ses capacités de missiles, fait précisément le jeu des États-Unis et de leurs alliés et fournit un prétexte à la guerre.

En plus de collaborer avec les marines américaine et sud-coréenne, l’armée japonaise envisage d’expédier son plus grand navire de guerre, le JS Izumo, pour trois mois d’opérations, y compris dans une autre poudrière – les eaux contestées de la mer de Chine méridionale, où il participera à des exercices conjoints avec la marine américaine.

La présence d’un navire de guerre japonais dans la mer de Chine méridionale renforcera certainement les tensions avec la Chine. Les deux pays sont déjà impliqués dans une confrontation dangereuse dans la mer de Chine orientale au sujet des îlots disputés Senkaku, connu sous le nom de Diaoyu en Chine. Le secrétaire d’État américain Rex Tillerson, qui devrait arriver aujourd’hui au Japon, a menacé de bloquer l’accès de la Chine à ses îlots dans la mer de Chine méridionale – un acte imprudent qui pourrait provoquer la guerre.

Le Izumo, qui est considéré comme un porte-hélicoptère conçu pour la guerre anti-sous-marins, est cependant également capable de transporter l’avion Osprey américain (à rotors basculants). Ainsi, en réalité, c’est un porte-avions, plus grand que ceux opérés par de nombreux autres pays. Tokyo, délibérément, n’a pas qualifié ce navire de guerre de porte-avions. Le fait de reconnaître le transporteur comme une arme offensive violerait davantage l’article 9 de la constitution japonaise, qui « renonce à la guerre » comme moyen de régler les différends internationaux et jure de ne jamais maintenir des forces militaires.

L’armée japonaise est désignée comme étant des forces d’autodéfense pour maintenir l’illusion que ses opérations ne sont pas en violation de la constitution. L’actuel gouvernement de droite du Premier ministre Shinzo Abe, cependant, est déterminé à réarmer le Japon et à supprimer toutes les contraintes légales et constitutionnelles sur son armée. Il veut faire du Japon une nation « normale » dotée d’une armée forte, pour s’assurer que l’impérialisme japonais puisse utiliser la puissance militaire dans la poursuite de ses intérêts économiques et stratégiques.

En 2015, en défiant des manifestations de masse, le gouvernement Abe a enfreint la législation pour permettre aux forces armées japonaises de se livrer à « l’autodéfense collective », c’est-à-dire aux guerres d’agression menées par les États-Unis. Aujourd’hui, des hauts responsables du gouvernement exploitent la prétendue menace posée par Pyongyang pour soutenir que l’armée japonaise doive être capable de mener des frappes « préventives » contre la Corée du Nord, c’est-à-dire d’avoir des armes offensives comme des missiles balistiques et / ou des bombardiers de longue portée.

S’exprimant la semaine dernière après les essais de missiles nord-coréens, le ministre japonais de la Défense Tomomi a refusé d’exclure l’acquisition de la capacité de frappes militaires préventives. « Je n’exclus aucune méthode et nous envisagerons diverses options, compatibles avec le droit international et la constitution de notre pays. »

Ses commentaires font partie d’une discussion plus large qui a lieu dans l’establishment politique japonais. Le Nikkei Asian Weekly a rapporté le mois dernier que le « panel de sécurité nationale du Parti libéral démocrate (PLD) au pouvoir planifiait de recommander au pays d’acquérir la capacité de frapper des bases ennemies en cas de menace imminente ». Le vice-président du PLD Masahiko Komura a prétendu qu’« une telle capacité “ne violerait pas la constitution” ». En fait, le PLD préconise une révision complète de la constitution qui modifierait substantiellement l’article 9 ou le supprimerait complètement.

L’envoi de l’Izumo est entièrement conforme à la planification stratégique américaine pour la guerre avec la Chine – pour renforcer les liens militaires et la collaboration entre alliés et partenaires stratégiques en Asie, ainsi qu’avec les États-Unis. Le navire de guerre japonais fera des escales à Singapour, en Indonésie, aux Philippines et au Sri Lanka avant de se joindre à l’opération navale conjointe Malabar avec des navires indiens et américains dans l’océan Indien en juillet.

Tout en respectant les plans américains actuellement, le gouvernement Abe entend étendre l’influence et les intérêts japonais en Asie et surmonter les souvenirs des crimes du militarisme japonais des années 1930 et 1940.

Au milieu d’une aggravation de la crise économique mondiale et de la montée des tensions géopolitiques, une confrontation entre les États-Unis et le Japon pourrait également émerger puisque les deux puissances impérialistes se disputent la domination en Asie, comme cela s’est passé dans les années 1930 menant à une guerre abominable dans le Pacifique où des millions de personnes sont mortes.

(Article paru en anglais le 15 mars 2017)