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En visite en Australie, le vice-président américain lance un défi belliqueux à la Chine

Par Mike Head
21 juillet 2016

Lors d'une conférence de presse à Sydney le 18 juillet, le vice-président américain Joe Biden a mis l’accent sur l'importance de l'alliance militaire américano-australienne, l'histoire de la participation commune des deux pays dans les guerres et leur engagement commun pour bloquer les activités chinoises en mer de Chine méridionale.

Biden s’est rendu en Australie, un allié clé de Washington dans la région Asie-Pacifique, suite à la décision de la Cour d'arbitrage de La Haye, le 12 juillet, déclarant illégales les activités de la Chine sur les îlots qu'elle contrôle en mer de Chine méridionale; une décision que les Etats-Unis ont l'intention d’exploiter pour défier Beijing.

La visite du vice-président américain s’est faite aussi moins de deux semaines après le retour de justesse de Malcolm Turnbull à la tête d’un gouvernement australien que l’administration Obama presse de rejoindre les opérations militaires américaines provocatrices de « liberté de navigation » en mer de Chine du Sud, pour contester les revendications territoriales chinoises.

Les remarques de Biden, faites lors d'une apparition avec Turnbull devant les médias après des entretiens à Sydney, étaient bellicistes. « L'Australie et les Etats-Unis se soutiennent mutuellement depuis longtemps. Nous continuons de nous appuyer mutuellement. Et je vous assure que les États-Unis ne partiront pas. Les États-Unis sont dans le Pacifique pour y rester. Nous sommes une nation du Pacifique. Nous sommes une puissance du Pacifique. Et nous jouerons notre rôle pour maintenir la paix et la stabilité dans la région ».

Bien que parlant de paix et de stabilité, le message était belliqueux. Biden a déclaré que lui et Turnbull avaient « discuté des mesures que l'Australie et les États-Unis [étaient] en train de prendre pour que nos troupes puissent s'entraîner davantage ensemble et accroître notre interopérabilité afin d’être tout à fait prêts à répondre, en présentant un front uni, à tous les défis dans le Pacifique. Il est important que nous soyons unis. »

Ce langage signale une escalade des préparatifs de guerre. Depuis 2011 où le président Barack Obama avait visité l'Australie pour annoncer, devant le parlement du pays, le « pivot » stratégique des États-Unis pour contrer l'influence croissante de la Chine, l'Australie est devenue une base avancée pour le développement des capacités militaires américaines en Asie. De plus en plus de Marines effectuent des rotations à Darwin, les bombardiers de l'US Air Force et les navires de guerre utilisent de plus en plus les bases et les ports australiens.

Avant de rencontrer Turnbull, Biden s’est rendu à la principale base navale de Sydney. Sur le pont de l’HMAS Adelaide, l'un de deux nouveaux grands navires de débarquement australiens, il a dit à l'équipage rassemblé que les troupes américaines avaient un grand respect pour les Australiens, en raison de leur « Aussie grit » [cran australien] et « le fait que vous n'abandonnez jamais personne ».

Dans sa conférence de presse avec Turnbull, Biden a réitéré les « déclarations fortes » des Etats-Unis et de l'Australie la semaine dernière, exhortant la Chine et les Philippines à « respecter » le verdict rendu à La Haye. Il a dit que lui et Turnbull ont « réaffirmé [leur] engagement » à « maintenir la libre circulation du commerce dans les airs et sur mer, assurant que les voies maritimes soient ouvertes et le ciel libre à la circulation ».

Bien que la Chine n'ait pas été mentionnée, Biden a spécifiquement mentionné le président chinois Xi Jinping: « On me demande souvent, si je suis avec le président Xi à Beijing ou si je suis avec Tokyo ou n'importe où dans cette région: nous sommes une puissance du Pacifique. Les États-Unis sont une puissance du Pacifique. Nous ne partirons pas. Nous ne partirons nulle part ».

Ces déclarations sont particulièrement belliqueuses vu le rejet par Pékin de la décision de La Haye, sa déclaration de vouloir poursuivre ses activités dans la mer de Chine méridionale et son annonce d'exercices militaires dans la région.

La conférence de presse toute entière était formulée en termes destinés à souligner une alliance militaire en temps de guerre. Turnbull a commencé ainsi: « Nous avons parlé de cent ans de service partagé de nos militaires, hommes et femmes, dans le combat côte à côte pour la cause de la liberté. L'Australie n’avait « pas d’alliance plus forte, » a-t-il déclaré.

Turnbull n’a fait aucune promesse publique d'envoyer des avions et des navires de guerre australiens dans les zones de 12 milles nautiques autour des îlots et récifs contrôlés par la Chine, mais il n’y a aucun doute que Biden a insisté pour que cela soit fait. Biden était accompagné lors des pourparlers par son conseiller pour la mer de Chine méridionale, Dr. Ely Ratner, et par le secrétaire adjoint du Département d'Etat pour l'Asie orientale, Danny Russell.

Avec le Japon, l'Australie est le principal point d'ancrage de Washington pour une confrontation avec la Chine et les Etats-Unis ont particulièrement besoin de la participation australienne en mer de Chine méridionale pour que le conflit ne soit pas considéré comme une affaire purement américaine.

Laura Tingle, de l'Australian Financial Review, a fourni une indication de ce qui s’est discuté dans les coulisses; elle cite des sources relatant qu'il y avait « beaucoup de conversations laissées en suspens » depuis la visite de Turnbull à Washington en janvier, où on l’avait pressé sur la question.

Tingle rapporte que les deux gouvernements travaillaient sur les moyens de « calibrer la stratégie de la corde raide » dans les eaux contestées. Cela signifierait la mise en œuvre de « modèles de comportement » qui se traduiraient par « une escalade du nombre de patrouilles dans la région à des niveaux peut-être pas vu depuis la guerre du Vietnam. »

Bien que l'Australie n'ait pas encore rejoint les Etats-Unis dans une contestation directe des zones de 12 milles nautiques de la Chine, le chef de l'armée de l'air australienne a souligné hier que l'Australie menait déjà de fréquentes opérations aériennes et navales en mer de Chine méridionale. Le général de corps aérien Leo Davies a déclaré que ses forces avaient effectué 32 vols dans le cadre de l’« Operation Gateway » cette année. Ces « contributions » continueraient à se développer « en étroite collaboration avec nos alliés. » « Nous devons envoyer des 3P et des pétroliers et des Hornets, les navires de guerre. » a-t-il dit.

Lors de la conférence de presse, Turnbull a annoncé une extension de la participation australienne à la guerre américaine en Irak et en Syrie. Les troupes australiennes formeraient la police, la gendarmerie et d'autres agences de sécurité du régime soutenu par les USA en Irak, ainsi que l'armée irakienne. L'Australie a déjà 300 instructeurs militaires en Irak, 80 soldats des forces spéciales, un contingent de 400 personnels de l’armée de l’air et équipes au sol, effectuant des frappes aériennes.

Biden a salué l'engagement de Turnbull. « Vos gars sont les meilleurs entraîneurs du monde. Vos forces d'opérations spéciales sont arrivées, ont pris la responsabilité de former le cœur et les tripes de la Force de sécurité nationale irakienne, leur force de lutte anti-terroriste ».

En même temps, M. Biden a repris un thème qu'il a répété tout au long de sa visite: que l'Australie bénéficiait de l'investissement et du commerce des États-Unis, en plus de l'alliance militaire. Il a parlé d’un commerce bilatéral entre les deux pays ayant atteint 60 milliards dollars l'an dernier et fr la nécessité de « renforcer nos liens économiques solides ». Au cours de ses trois jours en Australie, Biden s’est adressé aux dirigeants d'entreprises et a parlé au siège australien de Boeing pour souligner la dépendance considérable de l'Australie de l'investissement américain.

Comme il l’a déjà fait, Biden a transmis un message clair aux sections de l'élite patronale et de l’establishment politique australiens qui craignent le coût militaire et économique dévastateur de toute confrontation avec une Chine qui est le plus grand marché d'exportation de l'Australie. Quelles que soient les conséquences, Washington n’exige rien moins qu'un alignement sans équivoque de l'Australie sur des opérations américaines irresponsables en mer de Chine méridionale, qui risquent un conflit avec Beijing.

(Article paru en anglais le 20 juillet 2016)