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Après l’obtention d’un accord avec l’UE, un référendum se tiendra sur un ‘Brexit’ au Royaume-Uni

Par Robert Stevens et Chris Marsden
22 février 2016

Après l’obtention par le premier ministre britannique David Cameron d’un accord à l’unanimité au sommet de l’UE vendredi soir et qui satisfait la plupart de ses demandes, un référendum aura lieu sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE.

L'accord a été annoncé, après des retards répétés, à 22h30 heure locale. Il comprend:

* Un soi-disant « frein de secours », d’une durée de sept ans, à l’accès aux prestations sociales des ressortissants de l'UE travaillant au Royaume-Uni.

* Des restrictions aux allocations familiales des nouveaux migrants originaires de l'UE qui seront désormais indexés sur le taux du pays d'origine; les migrants actuels de l'UE seront payés au taux plus faible à partir de 2020.

* Une exemption spécifique pour le Royaume-Uni de l'engagement de l'UE à forger une « union sans cesse plus étroite. »

* Le droit d'un pays d’obtenir une pause temporaire à l'imposition de réglementations financières controversées devant être discuté lors d'une réunion des dirigeants de l'UE au Conseil européen.

Cameron a immédiatement écrit sur twitter, « J’ai négocié un accord pour donner un statut spécial au Royaume-Uni dans l'UE. Je vais le recommander au Cabinet demain. » Lors d'une conférence de presse, il n’a pas confirmé que le référendum aurait lieu le 23 juin, comme on l’avait largement prédit.

La pression sur les vingt-huit chefs d'Etat de l'UE était énorme pour empêcher un Brexit (sortie britannique) en raison de son impact déstabilisateur sur l'ensemble du continent. Malgré cela, il y eut des conflits entre les pouvoirs européens tout au long de la journée et les discussions sur la crise des réfugiés, autre thème du sommet, n'ont jamais démarré.

Les pourparlers et l’accord révèlent le caractère totalement réactionnaire de l'UE, un bastion des intérêts des banques et des grandes entreprises.

Il n'y avait pas une once de principe animant les vingt-huit chefs d'Etat au sommet, rien que des intérêts nationaux.

Ce fut entre la France et le Royaume-Uni que les divisions furent les plus sérieuses à propos de l’exigence de Cameron que les banques et institutions financières de la City londonienne soient exemptées de la règlementation financière de la zone euro. Le président français François Hollande a expliqué ainsi la position française: « les mêmes règles s'appliquent partout en Europe et continueront de s'appliquer. Il n'y a pas de dérogation, il n'y a pas de spécificité » -- position reprise plus tard par la chancelière allemande Angela Merkel.

Edouard Tétreau écrit même dans Le Figaro que la France pourrait bénéficier d'un Brexit – d’abord comme une occasion unique de consolider un noyau européen d’environ 10 Etats sous une direction franco-allemande plus ferme, et deuxièmement parce que ce serait « une aubaine historique pour la ville de Paris » qui remplacerait Londres comme « centre financier de l'Europe. »

Tous les intéressés étaient bien plus disposés à s’aligner sur la demande de Cameron de s’attaquer aux prestations sociales.

Il s’agit d’un montant dérisoire – quelques dizaines de millions de livres sur un budget total de 171 milliards de dépenses sociales. Mais son importance pour Cameron est qu’il sert de sujet controversé pour exciter le sentiment anti-immigrant. Il cherche ainsi à apaiser l'aile droite de son parti et les médias et à faire des migrants le bouc émissaire de l'impact des mesures d’austérité imposées aux travailleurs par son gouvernement et celui de son prédécesseur travailliste.

La position de Cameron a obtenu, en plus de l'accord du « Groupe de Visegrad » (Pologne, République tchèque, Slovaquie et Hongrie), le soutien enthousiaste de la chancelière allemande Merkel, qui a commencé le sommet en déclarant: « Il n'y a pas de points de désaccord entre le Royaume-Uni et l’Allemagne quant aux systèmes sociaux. » Son propre gouvernement envisage de faire voter la fin des prestations sociales des migrants de l'UE en Allemagne.

L’Allemagne avait jugé impossible que les citoyens non-allemands demandent des prestations parce que, comme de nombreux pays européens, elle a un système de sécurité sociale basé sur les cotisations. Mais quand un tribunal allemand a jugé que les citoyens européens avaient le droit à un « minimum vital » de soutien pendant six mois, le gouvernement a annoncé une restriction sévère. Andrea Nahles, une dirigeante du Parti social-démocrate et ministre du Travail dans la grande coalition de Merkel, a déclaré: « Nous devons protéger les collectivités locales contre l’obligation de fournir des prestations illimitées aux étrangers démunis de l'UE. »

Malgré tous les discours pieux sur les droits des travailleurs à la libre circulation en Europe ayant accompagné la discussion sur le « frein de secours », la réalité est qu'on se rue sur tout le continent pour ériger de nouvelles barrières aux frontières et pour imposer plus de restrictions à l'entrée de réfugiés désespérés. Une majorité des pays de l'UE est désormais opposée à prendre plus de réfugiés en provenance de Syrie et d'autres pays dévastés par la guerre et les intrigues impérialistes. Mercredi, un commissaire européen s’est senti obligé de commenter: «Vous ne pouvez pas avoir 20 pays [de l'UE] refusant d'accueillir des réfugiés. »

Au début du sommet jeudi, la Hongrie avait annoncé qu'elle fermerait pendant 30 jours trois passages ferroviaires avec la Croatie. Vendredi est entré en vigueur le plafond quotidien du nombre de migrants et de réfugiés admis dans le pays et annoncé par l'Autriche. Seules 80 demandes d'asile seront acceptées chaque jour à la frontière sud de l'Autriche, après quoi, elle sera refermée.

Vendredi également, la Serbie a fermé sa frontière avec la Macédoine pour les réfugiés non enregistrés. Peu de temps après, la Slovaquie déclarait qu'elle avait l'intention de fermer sa frontière avec l'Autriche suite à la décision de Vienne.

La question du Brexit et la crise des migrants furent liées au moment de l'intervention dramatique vendredi du premier ministre grec Alexis Tsipras du parti Syriza. Selon une dépêche de l'AFP, Tsipras avait menacé de rejeter tout accord final, qui doit être unanime, avec le Royaume-Uni. Il réagissait aux demandes du groupe de Visegrad et d'autres, que l’UE force la Macédoine, non membre de l’UE, à fermer sa frontière terrestre avec la Grèce pour endiguer le flot des réfugiés du Moyen-Orient.

La Commission européenne avait auparavant donné trois mois à la Grèce pour rétablir le contrôle de ses frontières, la menaçant d'expulsion de l’espace Schengen de libre circulation. Selon des documents du gouvernement allemand publiés par Der Spiegel, cela provoquerait en quelques jours une urgence sécuritaire et humanitaire, la Grèce ayant déjà été instruite de construire de vastes camps de concentration pour abriter les réfugiés avant leur expulsion vers la Turquie.

A son retour, Cameron était toujours confronté à un parti profondément divisé; un certain nombre de membres de premier plan de son cabinet étaient prêts à faire campagne pour un Brexit. Même avant que Cameron ne rentre, la BBC rapportait que le ministre de la Justice Michael Gove s’était déclaré en faveur d’une sortie britannique de l'UE.

Cela donne une grande responsabilité au Parti travailliste à plaider en faveur d'un maintien dans l'UE au référendum, qui reste la préférence de la majorité de l'élite dirigeante britannique. Le dirigeant travailliste Jeremy Corbyn a répondu à cet appel en inversant son opposition précédente à l'UE. Parlant jeudi à une réunion du bloc parlementaire du Parti des socialistes européens à Bruxelles, à laquelle Hollande assistait aussi, Corbyn a dit qu'il souscrivait à l'UE parce qu'elle apportait prétendument « l'investissement, l'emploi et la protection des travailleurs et consommateurs britanniques. »

Son affirmation n’ignore pas seulement tout à fait le bilan réel de l’UE qui est d’imposer une brutale austérité en Grèce, en Espagne, au Portugal et ailleurs, c’est encore une farce puisque l'UE vient d’approuver toutes les demandes de Cameron.

Afin de bien souligner sa volonté de s'adapter à la base xénophobe droitière sur laquelle le bien-fondé ou non d'une adhésion à l'UE est débattue, Corbyn s’est opposé au « frein de secours » de Cameron en le décrivant comme « sans grand intérêt pour les problèmes qu'il est censé résoudre ». Autrement dit, a-t-il expliqué, « il n'y a aucune preuve qu'il agira comme un frein à l’immigration interne. »

(Article paru en anglais le 20 février 2016)