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Sous pression chinoise, l'Inde annule un visa pour le séparatiste ouïghour Dolkun Isa

Par Kumaran Ira
29 avril 2016

Une querelle diplomatique entre l'Inde et la Chine a éclaté après que New Delhi a accordé un visa au leader ouïghour exilé, Dolkun Isa, un séparatiste de la région autonome chinoise du Xinjiang.

La décision a provoqué la colère de Beijing. Jeudi dernier, le ministère des Affaires étrangères chinois a déclaré que Isa était « un terroriste et le sujet d’une notice rouge d’Interpol et de la police chinoise ... L’amener à la justice est l'obligation des pays concernés ».

Lundi, sous la pression de Pékin, l’Inde a annulé le visa qu’elle avait accordé à Isa, le président exécutif du Congrès ouïghour mondial (WUC), basé à Munich. Isa devait assister à une conférence du 30 avril au 1er mai d’oppositionels chinois à Dharamsala, le siège du gouvernement tibétain en exil et du dalaï-lama, le leader bouddhiste tibétain. Les autorités indiennes ont dit à The Hindu, toutefois, que le visa ne permettait pas à Isa de prendre la parole publiquement, et qu'un nouveau visa pouvait lui être délivré s'il faisait demande pour la bonne catégorie.

La décision de New Delhi de soutenir des séparatistes chinois souligne les tensions internationales qu'attise le « pivot vers l’Asie » de Washington, qui prépare une guerre contre la Chine. Ce « pivot » téméraire s'emmêle à présent avec d’autres conflits, dont la guerre par procuration de l’OTAN en Syrie et le conflit indo-pakistanais.

Après avoir soutenu des forces terroristes islamistes liées à Al-Qaïda dans des guerres en Libye et en Syrie, l’impérialisme américain et ses alliés débattent l'opportunité d’utiliser de telles méthodes contre la Chine, une puissance nucléaire qui est la deuxième puissance économique mondiale. Washington est bien conscient des divisions ethniques et régionales en Chine, un pays avec 55 minorités ethniques officiellement reconnues.

Pékin s'inquiète de la participation de musulmans ouïghours aux milices islamistes soutenues par l’OTAN en Syrie. Le 25 avril, Al Jazeera a rapporté qu' « En Syrie, les Ouïgours ont formé leurs propres unités et ont également rejoint d’autres unités d’Asie centrale composée d’Ouzbeks, de Tadjiks, de Kirghizes et d’autres. Ils se battent surtout pour le Front Al Nusra lié à Al Qaeda. »

Après la fin de la guerre en Syrie, ils pourraient rentrer fomenter des guerres dans leur pays d’origine. En septembre, Christina Lin, une ex-responsable et du Département d’État et du Pentagone, a écrit que si la Syrie tombe aux mains des islamistes, les « combattants de Tchétchénie en Russie, du Xinjiang en Chine et de Cachemire en Inde tourneront les yeux vers leurs pays pour continuer le djihad, soutenu par une base opérationnelle syrienne implantée au cœur du Moyen-Orient. »

Cette politique est téméraire. Beijing a fait savoir qu’il réagirait par la force à l’encouragement explicite par les puissances impérialistes du séparatisme en Chine. Lors de l'assemblée populaire nationale (APN) de 2005, le régime a adopté une « loi anti-sécession » engageant Beijing à réagir par la force à une déclaration d’indépendance du Taïwan. Beijing craint que ceci serait le signal pour la promotion internationale de séparatistes à travers toute la Chine.

En accordant un visa à Isa, l'Inde indique l’alignement croissant de sa politique étrangère sur les intrigues réactionnaires de l’impérialisme américain, notamment le « pivot » vers l’Asie,pour essayer de tirer parti de ses relations avec les USA pour devenir une puissance mondiale. New Delhi réfléchit déjà sur la possibilité d'accueillir des forces américaines sur son sol, et l'Inde s'immisce à présent dans les conflits ethniques qui minent la région.

Le Xinjiang, au nord-ouest de la Chine, abrite une minorité ethnique ouïghoure à prédominance musulmane, qui parle une langue turque. Xinjiang a connu des troubles ethniques importants qui ont tué des centaines de personnes. Les séparatistes ouïghours du WUC affirment qu’ils sont opprimés depuis la formation du régime dirigé par le Parti communiste chinois, après la révolution de 1949.

Le gouvernement chinois, qui a compté de plus en plus sur l'incitation du nationalisme chinois Han depuis la restauration du capitalisme en Chine aux années 1980, accuse le WUC de fomenter des troubles et des activités terroristes dans le Xinjiang.

Le WUC est un outil réactionnaire de l’impérialisme américain et européen. Il reçoit des fonds directement de la « National Endowment for Democracy » (NED) financé par le gouvernement américain. Selon son site Web, la NED a donné au WUC à lui seul 215.000 dollars en 2015 pour « des recherches sur les droits de l’homme. »

Le WUC a été formé en 2004 lors d’une conférence à Munich, en Allemagne, réunissant divers groupes d’ouïghours en exil, dont le Congrès ouïghour mondial de la jeunesse (WUYC) et le Congrès national du Turkestan oriental (ETNC). La plupart des dirigeants du WUC vivent à l’étranger, y compris son président, Rebiya Kadeer, aux États-Unis, Isa en Allemagne et d’autres en Australie, en Belgique, au Danemark, en France, au Japon, la Grande-Bretagne et de la Suède.

Kadeer, une femme d’affaires, est devenu millionnaire aux années 1980 grâce à ses avoirs immobiliers et à sa participation à une multinationale. En juin 2007, lors d’une conférence sur la démocratie et la sécurité tenue à Prague, elle a rencontré en privé le président américain, George W. Bush, qui a dit que des gens comme elle sont « bien plus précieux que les armes de leur armée ou que le pétrole sous le sol. »

Quant à Isa, il a reçu une récompense de la part de la Fondation commémorative des Victimes de communisme à Washington le mois dernier.

Washington considère que le Xinjiang — qui est riche en pétrole, en gaz et en métaux des terres rares, et est stratégiquement situé au centre de l’Eurasie — est stratégiquement essentiel. Le Xinjiang est limitrophe de la Russie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Tadjikistan, de l’Afghanistan, de la Mongolie et de l’État indien du Jammu-et-Cachemire.

La région est une plaque tournante pour le commerce et le transport, les exportations chinoises la traversant pour atteindre le port pakistanais de Karachi, puis l'Asie du Sud. C’est une route critique pour le projet d’infrastructure chinois « New Silk Road » qui relierait l’Asie à l’Europe, de la Chine à la Méditerranée. Quelque 53 entreprises de l’État chinois — d’énergie à la construction et des entreprises de technologie — ont investi 300 milliards de dollars dans 685 projets au Xinjiang.

L’intervention de l’impérialisme américain et européen dans la région est tout à fait réactionnaire, mais la réaction de l’oligarchie capitaliste chinoise n’est en rien progressive non plus. Beijing encourage aussi le nationalisme et le militarisme, tout en renforçant la répression policière dans le Xinjiang et en offrant un soutien politique à des groupes terroristes dans le cadre de sa diplomatie.

Selon la presse indienne, la décision de New Delhi d’accorder un visa à Isa était en partie une représaille contre la décision de la Chine d'aider à protéger le groupe militant pakistanais, Jaish-e-Mohammad (JeM), au Cachemire. Ce mois, l’Inde a réagi avec colère à la décision de la Chine de bloquer une procédure lancée par New Delhi, visant à ajouter le chef du JeM, Masood Azhar, à la liste noire de l’ONU pour Al-Qaïda et l’État islamique.

Se félicitant de la décision indienne de refuser un visa à Isa, la Chine a proposé que l’Inde et le Pakistan discutent directement des leurs différences relatives à Azhar. Mardi, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinois Hua Chunying a dit : « Nous encourageons toutes les parties liées à question de Masood Azhar de communiquer directement entre elles et de trouver une solution grâce à des consultations sérieuses. La Chine est prête à poursuivre sa communication avec toutes les parties concernées. »

Azhar est soupçonné d'avoir organisé une série d’attaques meurtrières contre des cibles indiennes, y compris l’attaque contre le parlement indien en décembre 2001, qui a presque déclenché une guerre entre l'Inde et le Pakistan.

(Article paru d’abord en anglais le 28 avril 2016)