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Le secrétaire à la Défense des États-Unis ouvre la voie à une confrontation avec la Chine

Par Peter Symonds
29 mai 2015

Dans le cadre des préparatifs du Shangri-La Dialogue de ce week-end à Singapour, le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a déclaré mercredi que les États-Unis continueraient de poursuivre leurs provocations militaires contre la Chine dans la mer de Chine méridionale.

Le Pentagone a délibérément attisé les tensions avec Pékin la semaine dernière en laissant monter des journalistes de CNN à bord d'un vol de reconnaissance américain au-dessus des atolls contrôlés par la Chine. Le reportage de CNN visait à mettre en évidence les activités chinoises de récupération des terres. Il a également rapporté les mises en garde des autorités chinoises tandis que l'avion approchait des territoires revendiqués par la Chine.

La Chine a publié lundi une déclaration officielle s’opposant aux gestes des États-Unis. Son porte-parole a condamné les actions américaines comme «totalement irresponsables et dangereuses» et «hautement susceptibles de provoquer une erreur de calcul et des incidents fâcheux dans les eaux et l'espace aérien».

À Hawaii mercredi, Carter a de nouveau appelé à un arrêt immédiat de la récupération des îlots par la Chine (les États-Unis soutiennent que ces projets sont destinés à des fins militaires). Il a précisé que les États-Unis poursuivraient leurs opérations de «liberté de navigation» pour contester les prétentions territoriales de la Chine.

«Sachez-le bien», a déclaré Carter, «les États-Unis navigueront, voleront et mèneront des opérations là où la loi internationale le permet, comme nous le faisons dans le monde entier».

Ainsi, sous prétexte de «liberté de navigation», les États-Unis continueront à envoyer des navires de guerre et des avions de combat près des îlots administrés par la Chine, au risque d’un affrontement qui pourrait rapidement dégénérer en un conflit entre deux puissances nucléaires. Le Pentagone prévoit même des missions de «liberté de navigation» qui pénétreraient à l'intérieur de la limite territoriale de 19 km autour des îlots chinois.

Carter a accusé la Chine d'être «en décalage avec les normes internationales qui régissent la sécurité de l'Asie-Pacifique et le consensus régional en faveur d'une approche non coercitive, sur cette question et sur d'autres différends de longue date».

Le cynisme des remarques de Carter est à couper le souffle. Depuis 2010, l'administration Obama exploite systématiquement les différends maritimes en mer de Chine méridionale pour monter les pays d'Asie du Sud-Est contre la Chine. Les références de Carter aux «normes internationales» sont particulièrement hypocrites. Contrairement à la Chine, les États-Unis n'ont pas ratifié la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS).

Après avoir encouragé le Vietnam et les Philippines à poursuivre agressivement leurs revendications contre la Chine, les États-Unis effectuent maintenant des vols militaires à des milliers de kilomètres de tout territoire américain dans le but de provoquer une réaction de la Chine et une crise internationale majeure pour forcer Pékin à reculer.

L'intervention de l'armée américaine dans la mer de Chine méridionale fait partie du «pivot vers l'Asie»: une stratégie diplomatique, économique et militaire dirigée contre la Chine qui vise à assurer l'hégémonie américaine partout dans la région. Carter a déclaré mercredi que «Nous allons rester le principal acteur de la sécurité dans la région Asie-Pacifique pour les décennies à venir.»

Les remarques de Carter sont un prélude à une épreuve de force avec les responsables chinois à la rencontre annuelle du Shangri-La Dialogue qui commence vendredi. À la rencontre de l'an dernier, le prédécesseur de Carter, Chuck Hagel, avait attaqué la Chine pour ses «actions unilatérales et déstabilisantes» en mer de Chine méridionale et avait averti que les États-Unis n’allaient «pas fermer les yeux».

Au cours de l'année écoulée, les États-Unis ont intensifié la pression. Ils ont obtenu un accord pour baser leurs troupes aux Philippines, exhorté le Japon à envoyer ses propres patrouilles dans la région tendue et renforcé son accès à des bases militaires dans le nord de l'Australie. Le vol de surveillance de la marine de la semaine dernière s’est effectué depuis la base aérienne Clark aux Philippines.

Les milieux militaires et diplomatiques à Washington sont bien conscients que les actions des États-Unis dans la mer de Chine méridionale pourraient déclencher une guerre.

Dans un article publié cette semaine sur le site web du Daily Beast, Gordon Chang a écrit que la mer de Chine méridionale serait «la prochaine grande zone de guerre de l’histoire». En décrivant la Chine comme une menace agressive à la paix, il a conclu: «Le défi de la Chine aux États-Unis dans la mer de Chine méridionale établit une confrontation classique à somme nulle.»

«Pékin a déclaré que ses prétentions en mer de Chine méridionale sont d’un “intérêt essentiel” qui ne peut être négocié. Washington, qui a sillonné les mers dès ses premiers jours en tant que nation, ne peut pas compromettre sa défense des libertés mondiales. Chaque partie peut faire des reculs tactiques, mais ni l’une ni l’autre ne peut abandonner sa position pour longtemps.»

Chang a souligné: «Il y a deux visions concurrentes du monde, et une seule peut l'emporter.»

En réalité, le choix d’une «confrontation à somme nulle» revient à Washington. L'administration Obama exige le «droit» de l'accès sans entraves pour l'armée américaine à travers la mer de Chine méridionale, y compris dans le territoire contrôlé par les Chinois, et dicte également les termes des activités de la Chine dans ces eaux stratégiques. Les États-Unis considéreraient des actions similaires de la Chine dans les eaux près d’Hawaï ou de la Californie comme un acte de guerre.

La Chine a déjà indiqué qu'elle pourrait réagir aux provocations des États-Unis en déclarant une zone d'identification de défense aérienne (ADIZ) en mer de Chine méridionale. Ouyang Yujing, directeur des frontières et des affaires océaniques pour le ministère des Affaires étrangères en Chine, a déclaré: «La Chine a le droit d'établir des zones d'identification de défense aérienne.»

Tout en minimisant la probabilité immédiate, il a déclaré: «Que la Chine établisse ou non une zone d’identification en mer de Chine méridionale dépendra de certains facteurs, à savoir si la sécurité aérienne de la Chine est menacée et la gravité de la menace.»

Une telle démarche intensifierait considérablement la confrontation en mer de Chine méridionale. En novembre 2013, lorsque la Chine a annoncé une ADIZ couvrant la mer de Chine orientale, y compris les îles contestées administrées par le Japon, les États-Unis ont réagi en envoyant des bombardiers B-52, pouvant être équipés d’armes nucléaires, vers la zone.

Même si la responsabilité de la crise grandissante revient à Washington, il n'y a rien de progressiste dans la réaction du régime chinois. Incapable de faire le moindre appel à la classe ouvrière en Chine ou à l'étranger, le Parti communiste chinois développe son propre appareil militaire, jouant ainsi le jeu de l'impérialisme américain. Cela ne fait qu'augmenter le danger que l'humanité soit entraînée dans une guerre mondiale dévastatrice.

(Article original publié le 28 mai 2015)