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La guerre impérialiste, la “guerre contre la terreur” et la fin de la démocratie

Par Chris Marsden
15 janvier 2015

Ceux qui sont horrifiés par l'assassinat de la rédaction de Charlie Hebdo et les meurtres ultérieurs d'otages ne doivent pas permettre que l’énorme couverture médiatique consacrée à l'événement et les dénonciations hypocrites du « mal dénué de sens » diminue l'acuité de leurs facultés critiques.

Depuis l'attentat terroriste du 7 janvier, le gouvernement du président français François Hollande a utilisé la confusion et la désorientation causées par la tuerie pour déployer 10.000 militaires et des milliers de policiers. Le Premier Ministre Manuel Valls a déclaré que la France est en guerre « contre le terrorisme, contre le djihadisme et l'Islam radical ». Le Monde du 9 janvier avait pour titre « Le 11-septembre français ».

Le fait que les attentats terroristes de Paris sont utilisés pour étendre les guerres néo-coloniales à l'étranger et la répression à l'intérieur a été démontré par le vote de mardi à l'Assemblée nationale, par 488 contre 1, en faveur d’une extension des frappes aériennes françaises contre les forces de l'Etat islamique en Irak.

A l'autre côté de la Manche, en Grande Bretagne, le gouvernement du premier ministre David Cameron a promis d'accroître encore la surveillance d'Etat et d’appliquer de nouvelles mesures pour diminuer la liberté de la parole et le droit à la vie privée, y compris l'interdiction du cryptage sur l'Internet. Des demandes similaires, y compris le rétablissement de contrôles aux frontières, sont soulevées par des gouvernements sur tout le continent.

Il n'est pas crédible d'affirmer que de telles mesures extensives sont appliquées uniquement en réaction à l'assassinat de dix-sept personnes voilà une semaine. On les prépare depuis bien avant le 7 janvier. Elles s'ajoutent à une vaste gamme d'actions antidémocratiques prises antérieurement au nom de la « guerre contre la terreur ».

L'objectif de cette « guerre » dans ses manifestations internationales comme domestiques, est de fournir une justification politique pour la nouvelle répartition du monde entre les grandes puissances impérialistes. Après plus de 13 ans, il est clair que « la guerre contre la terreur » est le prétexte et le cadre politique pour le rétablissement d’une domination et d’une subordination de type colonial des peuples du monde aux diktats du capital financier.

Les interventions militaires en Afghanistan, en Irak, en Libye, en Syrie et ailleurs ont été lancées pour installer des régimes pantins afin d’assurer le contrôle de ressources comme le pétrole, le gaz et d'autres ressources géostratégiques, au prix de millions de vie et d’une souffrance humaine incalculable. Au cours de ces conflits sanglants et inégaux, les Etats-Unis, la France et d'autres puissances impérialistes ont fait pleuvoir des bombes sur des civils sans défense, pratiqué la torture et les assassinats, et commis des crimes de guerre. Des pays entiers ont été ravagés.

Personne ne peut croire sérieusement que de telles actions n'ont pas un impact profond sur la vie à l'intérieur. Dans une économie mondialisée où les populations sont devenues de plus en plus diverses nationalement et ethniquement, l'indignation suscitée par les crimes de l'impérialisme ne connaît pas de frontières. Ceci est surtout vrai dans les communautés des minorités et des immigrés qui ont subi de plein fouet les attaques contre les conditions de vie des travailleurs, qui laissent des millions de gens sans travail et les confrontent à des conditions de pauvreté calamiteuses.

S’ajoute à ce mélange toxique le fait que les vieux partis sociaux-démocrates et staliniens sont devenus les instruments au grand jour du grand patronat, pendant que les syndicats fonctionnent comme des agents des directions d’entreprises et que les divers groupes de la pseudo-gauche répudient le socialisme et font la queue pour soutenir les guerres impérialistes.

Ces forces n'ont pas ménagé leurs efforts pour empêcher la classe ouvrière de se mobiliser contre l'élite dominante et pour lui bloquer l’accès à une alternative socialiste. Ceci a créé les conditions où les éléments les plus désorientés et les plus désespérés peuvent être dirigés vers le terrorisme comme moyen de protester contre l'oppression sociale, politique et culturelle qu'ils vivent.

Les appareils d'Etat en France, aux Etats-Unis, en Grande Bretagne et dans d'autres pays ont eux-mêmes été de connivence dans des attentats terroristes afin de justifier le renforcement de leur arsenal répressif et de faire progresser leurs projets de mettre la main sur les ressources du monde.

C'est afin de légitimer cette offensive que l'islamophobie est attisée. Charlie Hebdo joue depuis longtemps un rôle profondément réactionnaire en soutien à cette campagne. Ce journal s’est établi comme une feuille propageant la haine anti-musulmane et se faisant une spécialité de caricatures bêtes et méchantes qui dénigrent les musulmans et le Prophète Mahomet. Il a publié une série de caricatures racistes.

Son numéro le plus tristement célèbre est le « Charia Hebdo » du 3 novembre 2011, ayant supposément Mahomet comme « rédacteur invité » et qui fut publié suite à la participation de la France à l'opération de changement de régime menée par les Etats-Unis en Libye.

La publication hier du numéro commémoratif, qui présente encore une caricature dégradante de Mahomet, est une provocation politique de la part de l'Etat français, qui a financé, avec la somme de €1 million, l'impression de 3 millions d'exemplaires de Charlie Hebdo et sa distribution mondiale en 16 langues. Des millions d'euros de financement supplémentaire ont été contribués par Google, Le Guardian Media Group, Le Monde, Canal Plus, Mail International et d'autres sociétés de médias.

Charlie Hebdo est seulement un des rouages d’un appareil idéologique plus vaste destiné à attiser des sentiments racistes et nationalistes. L’objectif est de fournir le terreau nécessaire à des mouvements d’extrême droite – le Front national en France, Pegida en Allemagne, le parti UKIP en Grande-Bretagne – qui serviront de troupes de choc contre la classe ouvrière.

La conclusion fondamentale à tirer du recours de plus en plus ouvert et fréquent à des mesures militaro-policières et à un assaut permanent contre les droits démocratiques est que les guerres de conquête impérialistes à l'étranger, accompagnées de l'offensive contre la classe ouvrière à l'intérieur, sont incompatibles avec la démocratie. La France n'est que l'une des manifestations les plus développées du virage vers des formes de gouvernement qui sont celles de l’Etat policier.

Ce serait une erreur politique fondamentale de croire que le vaste appareil répressif qui se construit est seulement destiné à être utilisé contre une seule section de la population. Partout, la classe ouvrière est réduite à la pénurie alors que les emplois sont détruits, les salaires décimés, l'exploitation accrue et les services sociaux vitaux détruits. La classe dominante comprend très bien que ceci mène à une éruption de la lutte de classe et s’y prépare en conséquence.

La prochaine étape de la lutte de classe se développera dans des conditions de répression brutale par l'Etat. Les travailleurs doivent organiser leurs luttes basées sur la reconnaissance qu'ils seront confrontés à un conflit révolutionnaire – la lutte pour le pouvoir.

Depuis presque un quart de siècle, l'impérialisme mondial cherche à profiter de la dissolution de l'Union soviétique et de la restauration du capitalisme en Russie et en Chine pour créer ce que le Président George Bush père avait proclamé être « le nouvel ordre mondial ». L'ordre dont Bush parlait était entouré d'un langage de progrès universel. La Guerre du Golfe de 1991, disait-il, annonçait un monde « où diverses nations se rassemblent dans une cause commune pour atteindre les aspirations universelles de l'humanité – la paix et la sécurité, la liberté et l'Etat de droit ».

La réalité est ce que nous voyons aujourd'hui. L'impérialisme a fait rétrograder l'humanité et a plongé le monde entier dans un véritable cauchemar.

La réponse se trouve dans la lutte politique pour le socialisme, sous la direction du Comité international de la Quatrième Internationale. Le fer de lance de la lutte contre le capitalisme est l'opposition au militarisme et à la guerre impérialiste. Le CIQI s'engage à mener cette offensive et à devenir le centre international de l'opposition révolutionnaire à la réapparition de la violence impérialiste et au militarisme.

(Article original publié le 14 janvier 2015)