Les débats officiels sur le référendum de l’Écosse: personne ne parle pour la classe ouvrière
Par Jordan Shilton
13 septembre 2014
Le troisième débat en préparation du vote du 18 septembre sur l’indépendance de l’Écosse a révélé une fois de plus le caractère de droite des deux parties de la campagne officielle.
Les deux parties n’ont rien d’autre à proposer que davantage d’austérité, l’intensification des tensions nationales et régionales, et le danger de guerre.
Trois représentants du «oui» et trois autres du «non» ont pris part au débat, diffusé la semaine dernière sur la chaîne locale STV. Le camp pro-indépendance était mené par la chef adjointe du Parti national écossais (SNP), Nicola Sturgeon, à laquelle s’est joint le codirigeant du Parti vert, Patrick Harvey, et l’actrice et militante de longue date Elaine C. Smith. Le camp du non était mené par le travailliste Douglas Alexander, qui était accompagné du chef des conservateurs écossais, Ruth Davidson, et de la travailliste Kezia Dougdale.
Comme lors des deux derniers débats impliquant le chef du SNP Alex Salmond et Alistair Darling de la campagne Better Together (mieux ensemble), aucun des problèmes que doit affronter la classe ouvrière n’a été sérieusement abordé.
Sturgeon a ouvert le débat avec le refrain habituel du camp du «oui», disant que l’Écosse est l’un des pays les plus riches au monde. Elle a attaqué l’idée que les revenus de l’Écosse devaient être envoyés à Westminster et a affirmé que seule une petite fraction de ces revenus était dépensée en Écosse même.
De telles affirmations sont une caractéristique distincte de toutes les tendances séparatistes de droite qui ont émergé en Europe. Elles s’adressent à une couche de l’élite dirigeante régionale et des classes moyennes qui cherchent à bénéficier des ressources financières soutirées de l’exploitation de la classe ouvrière par l’établissement de leur propre État capitaliste. Le reste du débat a rendu ce point encore plus évident, les trois intervenants du «oui» donnant leur appui à des coupes dans le taux d’imposition aux entreprises, tel que défini dans le livre blanc sur l’indépendance du SNP.
Les affirmations voulant que l’Écosse puisse connaître une prospérité sans précédent pour tous sont en totale contradiction avec la trajectoire de l’économie capitaliste mondiale qui s’enfonce dans une crise toujours plus profonde. Cette réalité a été complètement ignorée lors du débat au profit de l’affirmation nationaliste qu’une Écosse indépendante peut agir comme bastion socialement progressiste contre l’économie mondiale.
En réalité, un tel État serait entièrement dépendant des grandes sociétés et des banques. Le refus des intervenants de répondre sérieusement à une question de l’auditoire demandant quelle quantité des réserves de pétrole près des côtes de l’Écosse appartenait aux grandes entreprises en disait long à ce sujet.
L’hostilité de tous les intervenants envers les travailleurs a été exposée lorsqu’un membre de l’auditoire a demandé si l’indépendance profiterait à la classe ouvrière, et quelles politiques proposeraient chacune des parties pour venir en aide aux travailleurs. Après un silence embarrassant, Smith, qui se présente comme une «socialiste», a demandé au modérateur de ne pas répondre à la question en premier. Elle a ensuite été incapable de nommer une seule mesure qui bénéficierait aux travailleurs.
Pour sa part, Dougdale a défendu le bilan droitiste du Parti travailliste, le maintien du salaire minimum et les réformes dans les prestations comme ayant aidé les travailleurs à retourner sur le marche du travail. Elle a fait la promotion de la campagne pour un «salaire suffisant», soit un misérable 7,65 livres sterling, comme moyen pour sortir les travailleurs de la pauvreté.
Les échanges malhonnêtes sur les questions sociales illustrent le rôle central joué par les organisations de la pseudo-gauche dans leur tentative de vendre le projet réactionnaire du nationalisme écossais aux travailleurs.
La Radical Independance Campaign (Campagne radicale pour l’indépendance, RIC), le Parti socialiste écossais et autres traduisent les politiques de droite de la campagne officielle du oui en une rhétorique de «gauche» afin d’attirer des sections de travailleurs en colère contre l’assaut sur leurs emplois et leurs conditions de vie imposé par tous les partis officiels à Londres et Édimbourg. C’est ce qui explique principalement la montée de l’appui pour l’indépendance, qui selon le dernier sondage UGov est maintenant à 47 pour cent, et non les remèdes de charlatan qui ont dominé le débat de la semaine dernière.
Les nationalistes de la pseudo-gauche ont tous salué la performance de Salmond lors du débat de la semaine dernière comme un «pas à gauche» (Socialist Worker), bien qu’il ait réaffirmé son intention d’entrer dans une union monétaire utilisant la livre, de joindre l’Union européenne (UE) et de s’orienter vers les banques et les investisseurs mondiaux. Jeudi de la semaine dernière, il a dévoilé les pouvoirs qu’il utiliserait afin d’attirer les grandes sociétés en Écosse, y compris la réduction des impôts et les subventions gouvernementales.
Sturgeon et compagnie ont répété la ligne de Salmond à tous les niveaux. Sturgeon et Harvey ont averti qu’un vote pour le non pourrait mener l’Écosse hors de l’UE, parce que le gouvernement conservateur de David Cameron prévoit tenir un référendum en 2017. La seule façon de garantir à l’Écosse une place en Europe, ont-ils dit, est d’appuyer l’indépendance.
La position pro-UE défendue par l’ensemble de la campagne pour le oui révèle combien mensongère est sa position sur toutes les questions de justice sociale et de pauvreté. L’UE a supervisé l’imposition de certaines des mesures d’austérité les plus dévastatrices à travers le continent depuis le déclenchement de la crise financière, ce qui n’a été mentionné par aucun des intervenants. Une Écosse nouvellement indépendante adhérant à l’UE devrait se soumettre à des conditions de rigueur similaires telles qu’établies dans les critères de stabilité; ce qui nécessiterait une intensification de la destruction des services publics et des emplois, ainsi qu’une diminution des salaires.
Une autre complication pourrait survenir dû au plan monétaire du SNP. Olli Rehn, le commissaire des affaires monétaires et économiques de L’UE jusqu’à cette année, déclarait le jour du débat que le plan visant à utiliser la livre sterling et la Banque d’Angleterre comme créanciers de dernier recours ne serait pas conforme aux réglementations de l’UE qui affirme que chaque membre doit avoir sa propre banque centrale.
En plus d’appeler à une adhésion urgente à l’UE, Harvey, qui est présenté par la pseudo-gauche comme un radical et qui parle fréquemment aux réunions du RIC, a défendu la création d’une politique de défense écossaise afin de faire face à la «sécurité humaine» et les «problèmes de sécurité du 21e siècle».
Le facteur clé permettant à la campagne pro-indépendance de dépeindre de telles politiques réactionnaires comme progressistes est l’incapacité totale de la coalition officielle Better Together de faire appel au sentiment populaire sur toutes les grandes questions politiques. Les défenseurs de l’indépendance profitent du fait qu’ils sont opposés aux forces politiques les plus discréditées et détestées des travaillistes, des conservateurs et des libéraux démocrates.
Davidson a défendu l’intégrité des forces armées britanniques, s’opposant à toute discussion sur un désarmement nucléaire unilatéral. L’Ukraine s’est débarrassée unilatéralement de ses armes nucléaires, a-t-elle dit, et le président russe Vladimir Poutine affirme maintenant qu’il peut avancer sur Kiev en moins de deux semaines. De telles provocations font partie d’une campagne de propagande visant à présenter la Russie comme l’agresseur dans un conflit qui a été dès le départ fomenté par les puissances occidentales.
La seule réponse offerte par Alexander et ses collègues à la demande du SNP que les «leviers économiques» du pouvoir soient amenés à Édimbourg afin de servir «nos» besoins a été de promettre plus de décentralisation régionale à l’intérieur du Royaume-Uni. Alexander a soumis des propositions pour permettre au parlement écossais de hausser l’impôt sur le revenu de 10 pour cent, d’emprunter 5 milliards de livres pour des investissements sur les marchés financiers et d’assumer la gestion de l’aide sociale. Cela fait partie d’une stratégie travailliste visant à décentraliser les pouvoirs aux autorités régionales et municipales à travers l’Angleterre.
Ces propositions ne feraient qu’entraîner l’intensification des tensions régionales et nationales à travers la Grande-Bretagne en encourageant une compétition accrue pour les ressources et les investissements. Elles aideraient les partis officiels et les syndicats qui utilisent ces divisions pour empêcher l’émergence d’un mouvement unifié de la classe ouvrière en opposition à l’ensemble de l’ordre capitaliste.
(Article paru d’abord en anglais le 8 septembre 2014)