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Allemagne: La dirigeante de Die Linke attaque la campagne électorale du PSG

Par Ulrich Rippert
4 octobre 2013

Samedi dernier, à la veille des élections législatives, la député parlementaire du parti allemand Die Linke (La Gauche – l’homologue allemand du Parti de Gauche de Jean-Luc Mélenchon en France) et vice-présidente du Bundestag (parlement) Petra Pau a accordé une interview à la chaîne de télévision allemande n-tv. Lors de l’entretien, Pau a critiqué le Parti de l’Egalité sociale (Partei für Soziale Gleichheit, PSG) à qui elle a reproché d’être resté attaché à la « doctrine de la dictature du prolétariat » et de préconiser un « point de vue avant-gardiste » non démocratique.

En répondant à la question de savoir si elle était disposée à parler à d’autres partis de gauche « comme le DKP [Parti communiste allemand], le MLPD [Parti marxiste-léniniste d’Allemagne] et le Parti de l’Egalité sociale (PSG) », Pau a répondu : « Je doute de ce que certains d’entre eux représentent des positions de gauche. Certains de ces groupuscules n’ont toujours pas abandonné la doctrine de la dictature du prolétariat. Ce n’est pas être de gauche que d’affirmer être l’avant-garde et de vouloir dicter aux gens ce qui est bon pour eux. »

Petra Pau, qui a fait des études de Sciences sociales marxistes à l’« Ecole Karl Marx du parti » à Berlin-Est en RDA (ancienne Allemagne de l’Est), sait parfaitement le rôle que joue le terme de la « dictature du prolétariat » dans la théorie marxiste. Néanmoins, elle recourt à une propagande anticommuniste éculée pour insinuer que le PSG poursuit des objectifs antidémocratiques.

Ce n’est pas la première fois que des idéologues bourgeois qualifient la dictature stalinienne en Union soviétique et ses régimes satellites en Europe de l’Est et en RDA de dictature du prolétariat en blâmant Karl Marx et Friedrich Engels pour la répression stalinienne. Le fait que Petra Pau régurgite de manière répétée ce Grand mensonge du 20ème siècle en dit long sur le caractère bourgeois droitier de Die Linke. Pau s’oppose explicitement à un gouvernement ouvrier qui place les intérêts de la population laborieuse au-dessus des intérêts, fixés sur le profit, du patronat.

Commençons par les faits. En développant une théorie scientifique de la société, Marx et Engels ont montré que l’histoire de l’humanité était une histoire de luttes de classe. Après la société tribale primitive durant laquelle l’égalité était fondée sur une pauvreté généralisée, la différenciation de classe s’est développée avec l’accroissement des communautés humaines.

Le développement et les changements de la société de classe ont été déterminés par des conditions ou plutôt des progrès faits dans les méthodes de production. A certains moments, le développement de la production est entré en conflit avec les vieilles relations sociales. C’est ainsi que commence une période de changement social (révolution). Le prolétariat industriel moderne est apparu de façon visible pour la première fois durant la Révolution française, il y a plus de deux cents ans – et plus particulièrement encore durant la Révolution de 1848 – et c’est à cette période que remonte le terme de la « dictature du prolétariat ».

« Dictature » ne signifie ici que « domination de classe. » Mais, parce que dans le passé et encore de nos jours, les classes sociales privilégiées ont toujours été minoritaires, leur règne a toujours été associé à des mesures répressives contre la majorité de la société; contrairement au prolétariat. Issu de l’industrialisation, celui-ci représente une nouvelle étape qualitative du développement social. Si la domination de classe a, dans le passé, été le résultat de l’incapacité de produire suffisamment pour tout le monde, l’industrie moderne a surmonté cette limitation.

Le prolétariat incarne la grande majorité de la population laborieuse. Sa domination n’est pas basée sur la répression de la majorité par une minorité privilégiée, c’est le contraire. Avec la domination du prolétariat, la dictature de la majorité exercée sur la minorité, c’est-à-dire la démocratie réelle commence. C’est pourquoi la « dictature du prolétariat » signifie en fait le dernier stade de la domination de classe et entame la transition à une société socialiste sans classes.

Mais, parce qu’une telle forme de domination par la majorité est liée à l’abolition de la propriété privée des moyens de production et des privilèges qui s’ensuivent de l’élite actuelle, la bourgeoisie non seulement attise la plus grande confusion possible sur ces questions mais a rigoureusement réprimé et combattu dès le départ tout mouvement indépendant des travailleurs visant à prendre le pouvoir politique. En 1871, lorsque les travailleurs de Paris ont tenté pour la première fois d’établir un gouvernement ouvrier, tous les membres de la Commune furent condamnés à mort et exécutés.

Vingt ans plus tard, Engels écrivait: « Le philistin allemand a une fois de plus été saisi d’une terreur salutaire en entendant prononcer le mot de dictature du prolétariat. Eh bien, messieurs, voulez-vous savoir de quoi cette dictature a l’air ? Regardez la Commune de Paris. C’était la dictature du prolétariat. » (Friedrich Engels, introduction à La guerre civile en France de Karl Marx, 18 mars 1891)

Petra Pau indique clairement à quel point ces paroles d’Engels sont pertinentes actuellement. Son rejet d’un gouvernement ouvrier qui subordonne les intérêts et les profits du patronat aux intérêts et aux besoins de la vaste majorité de la population laborieuse va main dans la main avec une défense de la dictature actuelle des banques.

Depuis 2006, Pau est vice-présidente du Bundestag. Elle a joué un rôle clé pour faire adopter par le parlement les soi-disant renflouements bancaires au moyen de procédures accélérées. Sans consultation, sans débat en séance plénière et sans laisser aux membres du parlement le temps de même lire les textes volumineux, des lois ont été adoptées dans les parlements européens, qui ont octroyé plus de 1.600 milliers de milliards d’euros aux banques. Actuellement ces fonds doivent être récupérés au moyen de mesures d’austérité et de coupes faites dans les dépenses sociales.

Quand a-t-on demandé à la population si elle acceptait une telle redistribution fondamentale de la richesse sociale? Si ceci n’est pas une procédure caractéristique d’une dictature de fait du capital financier, alors qu’est-ce?

Dans cette situation, Die Linke joue son double jeu cynique bien connu. Die Linke a accepté des procédures accélérées qui ne pouvaient se faire qu’avec le consentement de tous les partis ; puis, lors du vote parlementaire, lorsqu’une vaste majorité est assurée sans Die Linke, le parti a voté contre. Les dirigeants du parti, Oskar Lafontaine et Gregor Gysi, ont dit par la suite qu’ils considéraient que le « renflouement » était essentiel.

La même méthode s’applique à toutes les autres questions politiques. Il suffit seulement de se rappeler la toute récente campagne électorale pour les législatives durant laquelle tout débat politique sérieux a été évité. Tous les partis parlementaires sont d’accord sur l’ensemble des points essentiels. Indépendamment des partis qui formeront la prochaine coalition gouvernementale, sa politique économique et sociale sera déterminée dans les conseils d’administration des grands groupes et des grandes banques, et dictée par le patronat.

C’est tout particulièrement le cas dans la politique étrangère. Dans le passé aussi, la Bundeswehr (l’armée allemande) a été engagée dans des guerres impérialistes comme en Afghanistan sans consultation de la population. Le prochain gouvernement réagira beaucoup plus fortement à la pression américaine en faveur d’une plus grande participation allemande à la guerre en Syrie et dans d’autres pays. Malgré l’énorme opposition à la guerre de la part de la population, cette politique sera imposée de force.

Mais cela n’est pas encore suffisant. D’importants domaines de la vie sociale sont totalement exclus de la démocratie formelle et ne tolèrent pas le moindre contrôle démocratique ni la moindre participation de la population. Dans les conseils d’administration des grandes entreprises et des grandes banques, des décisions sont prises au quotidien, qui affectent directement ou indirectement la vie de la population travailleuse, et qui ne font l’objet d’aucun contrôle démocratique, voire même d’aucune justification.

En conséquence, le PSG exige la nationalisation des banques et des grands groupes et le placement de l’économie sous le contrôle démocratique de la population. Ce n’est que lorsque la classe ouvrière prendra le pouvoir politique et établira des gouvernements ouvriers que la démocratie pourra être véritablement créée.

Il y a un aspect encore plus sinistre dans l’attaque de Pau contre le PSG. Depuis l’année dernière, Pau représente Die Linke dans la Commission d’enquête parlementaire sur le groupe terroriste clandestin d’extrême-droite national-socialiste (Nationalsozialistischer Untergrund, NSU). Bien que les services de sécurité soient manifestement impliqués dans les meurtres commis par le NSU, Pau a, à maintes reprises, souligné son étroite collaboration avec la direction des services secrets.

Si l’on se souvient que la question de la dictature du prolétariat a joué un rôle majeur dans l’interdiction en 1956 du KPD [Parti communiste allemand], l’interview de Pau se lit comme une dénonciation du PSG aux agences de sécurité.

Die Linke, qui est issu de la dictature stalinienne en RDA, ne se différencie des autres partis que par le fait qu’il dispose d’encore moins de traditions et de principes démocratiques. Il considère que sa principale tâche est la répression de tout mouvement social d’en bas, et en appelle au procureur de l’Etat pour empêcher la construction d’un parti socialiste révolutionnaire.

(Article original paru le 28 septembre 2013)