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Des grèves éclatent dans la province chinoise du Sichuan

Par John Chan
14 janvier 2012

Des milliers de travailleurs de la société Pangang Group Chengdu Steel & Vanadium (connue sous le nom de Chengdu Steel) se sont mis en grève le 4 janvier contre les bas salaires à Chengdu, capitale de la province du Sichuan.

L'organisation des droits de l’homme sis à New York, China Labour Watch, a évalué le nombre de grévistes à 2.000 mais d’autres rapports ont estimé que 10.000 étaient impliqués. Le quotidien de Hong Kong, Ming Pao Daily News, a rapporté qu’un millier de policiers avaient été envoyés pour empêcher les travailleurs de se diriger vers le carrefour de l’autoroute de Chengdu-Mianyang près de l’usine.

China Labour Watch a indiqué que « La confrontation a paralysé durant plusieurs heures le trafic et la police a dispersé la foule au moyen de spray au poivre. Plusieurs travailleurs furent blessés lors des affrontements qui s’ensuivirent. » Cinq travailleurs ont été arrêtés puis relâchés après l’intervention de l’entreprise métallurgique.

Dans des rapports en ligne, des témoins ont écrit que les travailleurs brandissaient des pancartes disant: « Nous exigeons une augmentation de salaire » ou « Nous voulons survivre, nous voulons à manger ». D’autres slogans réclamaient la divulgation des salaires versés à la direction.

China Labour Watch a déclaré: « Les travailleurs disent qu’ils travaillent longtemps et durement pour un salaire extrêmement bas tandis que leurs directeurs récoltent les bénéfices. » Selon les travailleurs, leur salaire mensuel moyen est de seulement 1.200 yuans (190 dollars US) soit 14.400 yuans par an, tandis que leurs directeurs gagnent en moyenne plus de 100.000 yuans par an. Le salaire minimum des travailleurs dans le district de Qingbaijiang, dans la province de Chengdu, s’élevait l’année dernière à tout juste 850 yuans par mois.

Les métallurgistes de Chengdu ont exigé une augmentation de 400 yuans par mois mais la direction ne leur a offert qu’une augmentation de 260 yuans. Les grévistes se sont plaints de ce que leurs salaires ne faisaient que reculer face à une rapide hausse des prix et que leurs contrats de travail ne leur offraient aucune garantie.

Ce débrayage était le deuxième mouvement de grève en l’espace de cinq jours dans le district de Qingbaijiang. Des milliers de travailleurs de l’usine d’Etat Sichuan Chemical Industry avaient débrayé le 30 décembre. Après avoir perdu de l’argent pendant des années, Sichuan Chemical Industry avait gelé les salaires à 1.000 yuans par mois pour une période de quatre ans et la direction projetait de déposer le bilan pour pouvoir vendre les terrains à des promoteurs immobiliers. Les travailleurs ont réagi en descendant dans la rue et en obligeant l’entreprise à augmenter leur salaire de 400 yuans, en plus d’une prime de fin d’année de 3.000 yuans.

Les métallurgistes de Chengdu, manifestement inspirés par les travailleurs de la chimie, ont exigé la même prime de fin d’année. Chengdu Steel, qui compte plus de 14.000 salariés, est une filiale clé de Pangang Group Steel & Vanadium. La société produit des tuyaux en acier de précision sans soudures, des fils et des barres ainsi que d’autres produits métallurgiques destinés principalement aux applications industrielles qui sont utilisées dans plus de 50 pays.

Dans le cadre de la restauration des relations de marché capitaliste en Chine, la plupart des entreprises d’Etat restantes ont été transformées en sociétés anonymes cotées en bourse. Pangang, plus gros producteur d’acier en Chine occidentale, a été intégré au deuxième plus important sidérurgiste du pays, Anshan Iron and Steel Group, comme partie intégrante de la politique de Beijing de consolidation de l’industrie lourde et de création de groupes multinationaux.

La situation difficile des métallurgistes chez Chengdu Steel est typique de tous ceux qui étaient employés dans des industries d’Etat. Lors d’une vaste campagne de privatisation s’étendant de 1998 à 2002, plus de 60 millions de personnes avaient perdu leur emploi, ainsi que les prestations sociales qui y étaient liées, tel le logement et les soins de santé. Pour ceux qui ont gardé leur emploi, les conditions sociales ne sont pas différentes de celles des travailleurs migrants ultra-exploités originaires de la campagne.

Le même jour où les métallurgistes de Chengdu Steel faisaient grève, des centaines de travailleurs migrants prenaient d’assaut le tribunal de la ville de Shuangliu dans la province de Sichuan pour exiger que la cour agisse en leur nom pour l’obtention de salaires non payés par leur employeur. Au lieu d’aider les travailleurs, des centaines de policiers ont été déployés et les représentants des travailleurs emmenés au tribunal et passés à tabac. La brutalité a provoqué des affrontements avec la police lors desquels deux travailleurs ont été blessés.

Les troubles grandissants des travailleurs sont liés à la baisse des exportations vers l’Europe et l’Amérique, à laquelle s’ajoute l’effondrement du marché de l’immobilier chinois. Après une expansion massive au cours de la décennie passée, la consommation d’acier de la Chine n’augmentera que de 4 pour cent en 2012 pour atteindre 700 millions de tonnes. Ceci signifie une chute de profits pour les entreprises sidérurgiques, a mis en garde jeudi dernier, Zhu Jimin, le président de l’Association du Fer et de l’Acier de Chine.

« Les entreprises doivent faire face à davantage de risques opérationnels sous la pression de facteurs tels l’augmentation des coûts, la baisse de la demande et un financement difficile et onéreux, » a déclaré Zhu. Il a dit qu’une série de mesures politiques introduites l’année dernière pour freiner le secteur immobilier avaient réduit la demande d’acier. De plus, une faible demande de l’industrie manufacturière, de la construction ferroviaire, de la construction navale et des entreprises automobiles a également eu des conséquences négatives.

Les grèves à Sichuan, dans le Sud-Ouest de la Chine, montrent que les troubles qui avaient commencé le mois dernier par des débrayages contre la réduction des salaires, les conditions de travail et pour des primes de fin d’année, dans les villes exportatrices de Guangdong sont en train de se propager aux provinces côtières.

Les autorités de Guangdong avaient initialement décidé de suspendre une augmentation prévue de 20 pour cent du salaire minimum. Mais, la menace de protestations plus vastes de la part des travailleurs et des masses rurales a forcé le gouvernement de Guangdong à changer d’avis, et les centres clé de production tel Shenzhen à relever le salaire minimum de 15,9 pour cent en le faisant passer à 1.500 yuans. D’autres villes telles Beijing ont également augmenté le salaire minimum de 8,6 pour cent pour atteindre à 1.260 yuans à partir du 1er février.

Il ne reste au régime chinois que peu de marge de manoeuvre pour faire des concessions à la classe ouvrière vu que les industries telles celle de l’acier opère avec une marge de profit mince d’environ 2,5 pour cent.

Vu l’état désastreux des perspectives économiques mondiales, les employeurs ont fortement fait pression contre toute hausse des salaires minima – le salaire de base habituel de la plupart des travailleurs. Le vice président de la Fédération des industries de Hong Kong, Stanley Lau, a dit à Reuters que toute augmentation se « révèlerait être un sérieux coup porté aux industriels. » Il a dit que tout indiquait que les commandes d’exportation au premier trimestre 2012 subiraient une nette baisse.

Il est significatif de noter que les autorités de Sichuan avaient déjà annoncé dès le 1er janvier, avant donc les dernières grèves, une augmentation de 23 pour cent des salaires minima. Etant donné que de nombreux fabricants quittent les zones de bas salaire des régions côtières pour se réinstaller à Sichuan et dans d’autres provinces métropolitaines, les récents conflits à Sichuan montrent que l’ensemble de la classe ouvrière est poussée vers une confrontation avec l’élite patronale et le régime de Beijing.

(Article original paru le 9 janvier 2011)