Le soutien grandit pour les travailleurs de Maruti Suzuki accusés à tort en Inde
Par Jerry White
22 mars 2017
La colère populaire se développe dans la ceinture industrielle de Manesar-Gurgaon, à la périphérie de Delhi, capitale de l'Inde, après qu'un tribunal a infligé des peines d'emprisonnement à 13 travailleurs qui ont été accusés à tort de meurtre après une confrontation de la direction avec les travailleurs de juillet 2012 à l'usine de montage la plus importante du pays.
Juste quelques heures après la lecture des sentences dans au tribunal du district de Gurgaon District, 30 000 travailleurs des usines Maruti Suzuki et des usines fournisseurs de Manesar et autour de Manesar ont mené une grève d'une heure, malgré les menaces de la direction d'une réduction de salaire de huit jours. L'action a arrêté la production à l'usine de montage de Maruti Suzuki à Manesar, scène de la confrontation de juillet 2012, et aussi à une deuxième usine de montage à Gurgaon, Maruti Suzuki Powertrain, à Suzuki Moto Inde et à deux sociétés de pièces automobiles.
Les six syndicats locaux qui ont appelé la grève de samedi ont annoncé un rassemblement de protestation le 23 mars à Manesar, au mépris d'une interdiction de tous les rassemblements de 5 personnes ou plus que les autorités ont imposée à Gurgaon jusqu'au 25 mars, précisément parce qu'ils craignent l'opposition de masse des travailleurs au coup monté contre les travailleurs Maruti Suzuki.
Le Syndicat des travailleurs de Maruti Suzuki (MSWU), formé par les ouvriers de l'usine de Manesar dans une rébellion contre un syndicat de marionnettes de la compagnie, rapporte également qu'il prépare une journée nationale de protestation le 4 avril.
Le président du MSWU, Ram Meher, et les onze autres membres exécutifs du syndicat figurent parmi les 13 condamnés à la prison à perpétuité.
L'avocat Rajendra Pathak, avocat de la défense pour certains des travailleurs faussement accusés a dénoncé les peines, disant à un journaliste du World Socialist Web Site : « Le pouvoir judiciaire est composé des gens qui ont l'esprit des capitalistes. Les riches ont tous les moyens dans cette société capitaliste, les juges aussi. »
Pathak a déclaré que les travailleurs vont faire appel de leurs sentences et condamnation à la Haute Cour. « Il n'y a aucune preuve dans le dossier pour justifier les accusations de meurtre contre les 13 travailleurs condamnés », a déclaré Pathak. « Mais puisque la lutte est contre la société capitaliste, je ne peux pas dire avec certitude quel sera le résultat d'un tel cas. Il pourrait être prolongé pendant des années [...] et les 13 seront obligés de rester en détention jusqu'au jugement final. »
Exprimant l'opposition croissante des travailleurs, un ouvrier d'une usine fournisseur de Maruti Suzuki a déclaré au Hindustan Times : « Aujourd'hui, c'est Maruti, demain c'est nous qui pourrions être en prison. Nous voulons que nos camarades soient libérés, mais Maruti a déjà unifié plus de travailleurs que n'importe quel syndicat n'aurait pu le faire. »
Outre Ram Meher, les autres qui font face à des peines de prison à perpétuité sont Sandeep Dhillon, Ram Bilas, Sarabjeet Singh, Pawan Kumar, Sohan Kumar, Ajmer Singh, Suresh Kumar, Amarjeet, Dhanraj Bambi, Pradeep Gujjar, Yogesh et Jiyalal.
Les travailleurs sont victimes d'un coup monté impitoyable perpétré par la Suzuki Corporation, la police et les autorités judiciaires, avec la pleine complicité des principaux partis politiques de l'Inde - le Parti du Congrès et le parti suprématiste hindou le Bharatiya Janata Party (BJP).
Le Comité International de la Quatrième Internationale (CIQI) a lancé une campagne de défense internationale pour s'opposer à cette parodie et exiger la libération immédiate des travailleurs de Maruti Suzuki. Une pétition en ligne a déjà été signée par des travailleurs et des défenseurs des droits démocratiques à travers le monde.
Le prétexte pour le coup monté fut la mort du directeur des ressources humaines Awanish Kumar Dev le 18 juillet 2012, suite à une asphyxie lors d'un incendie qui a éclaté mystérieusement au milieu d'une altercation provoquée par la direction en plein atelier de l'usine. Il n'y a absolument aucune preuve qu'un travailleur, et encore moins un membre de l'exécutif du MWSU, ait eu quelque chose à voir avec le décès de Dev, qui était solidaire envers les travailleurs et les avait même aidés à enregistrer officiellement le MSWU le 1er mars 2012.
L'altercation du 18 juillet a commencé quand un contremaître, utilisant des insultes sur les castes, s’est confronté à un ouvrier, Jiyalal, à l'usine. Lorsque d'autres ouvriers se sont précipités à sa défense, des gardes de sécurité privés, déjà très présents dans l'usine, ont provoqué un violent affrontement avec les travailleurs au cours duquel l'incendie a éclaté, détruisant une section de l'usine.
Jiyalal était « l’accusé principal » dans le coup monté contre les travailleurs de Maruti Suzuki et a été condamné avec les douze membres de l'exécutif de MSWU à la prison à perpétuité.
Après l'altercation du 18 juillet, le gouvernement et l'appareil d'État, en collaboration avec le constructeur automobile, ont déclenché une campagne furieuse de répression d'État visant à briser le MWSU et toute résistance des ouvriers. La police est descendue dans les quartiers des travailleurs, passant à tabac et arrêtant des centaines de travailleurs sur la base de listes de « suspects » fournies par la direction de Suzuki. L'entreprise a ensuite imposé un lockout de l'usine et purgé la main-d'œuvre en licenciant et en remplaçant 2300 travailleurs en août 2012.
Cette chasse aux sorcières a eu lieu après plus d'un an de lutte courageuse au cours de laquelle les travailleurs à plusieurs reprises organisaient des débrayages et grèves sur le tas, et s’étaient révolté avec succès contre un syndicat jaune de la compagnie et ont formé le MSWU pour défendre leurs revendications. Au cœur de cette lutte, il y avait la demande pour l'abolition du système détesté du travail en intérim, qui permet à Suzuki d'embaucher et de licencier des milliers de travailleurs intérimaires peu rémunérés avant de se qualifier pour des postes à temps plein. À l'heure actuelle, ces « employés temporaires », qui ont un contrat à durée déterminé de sept mois, et puis sont mis à pied pendant cinq mois, reçoivent 14 000 roupies par mois (214 dollars), moins de la moitié du salaire des travailleurs permanents qui gagnent 35 000 roupies (536 dollars) ou plus.
La direction provisoire du MSWU a publié une déclaration dénonçant les condamnations issues du coup monté et les peines comme « anti-ouvrier » visant à semer « la peur et la terreur parmi les travailleurs industriels dans le pays ». Elle constate que les derniers arguments du procureur « parlaient du besoin de restaurer la “confiance” du capital, et de l'initiative du Premier ministre d'inviter les investisseurs mondiaux à “produire en Inde”. La confiance de ces capitalistes étrangers et nationaux dépend d'une chose : une main-d'œuvre bon marché et docile, donc pas de syndicats ou toutes références à des revendications. »
La société multinationale de l'automobile, quant à elle, réclame littéralement le sang des travailleurs. Vikas Pahwa, l'avocat de Maruti Suzuki, a déclaré à l'Indian Express, que le tribunal « a envoyé un signal fort aux travailleurs et les membres du syndicat qu'ils ne peuvent pas faire justice eux-mêmes. » Mais la société, a-t-il ajouté, va « faire appel à la cour suprême » contre le jugement, à la fois en raison de « l’insuffisance de la peine prononcée contre les condamnés » et de l'acquittement par le tribunal de 117 autres travailleurs.
Vendredi dernier, lors de la prononciation des peines, le ministère public a soutenu que les 13 accusés devraient être pendus. Au lieu de cela, le juge a condamné les travailleurs à des peines d'emprisonnement à perpétuité, ce qui les envoie à un enfer dans le système pénitentiaire brutal de l'Inde.
Parmi les 18 autres travailleurs reconnus coupables d'accusations moins graves, dont la participation à manifestation violente et portant des coups et blessures à autrui, quatre ont été condamnés à cinq ans de prison et les 14 autres à trois ans. Après le paiement des amendes, ce dernier groupe a été libéré en raison du temps qu’ils ont déjà purgé en prison.
Ceux qui ont été libérés, de même que les 117 travailleurs que la cour a dû relaxer dans son jugement du 10 mars, ont subi une incarcération prolongée et brutale de plus de trois ans et, dans bien des cas, de quatre ans. Une enquête menée en septembre 2012 par l’organisation de l'Union populaire pour les droits démocratiques (PUDR) a révélé que les travailleurs arrêtés avaient été battus, soumis à l’étirement des jambes entraînant des blessures et submergés dans de l'eau sale pendant de longues durées.
Le gouvernement Modi et son prédécesseur du Parti du Congrès ont reçu une aide cruciale dans leur effort pour démontrer aux investisseurs qu'ils peuvent étouffer la résistance ouvrière et leurs fournir un approvisionnement sans fin d’une main-d'œuvre à bas coût grâce aux fédérations syndicales de l'Inde. Les syndicats ont systématiquement isolé les travailleurs de Maruti Suzuki, tout en encourageant les illusions qu'ils peuvent obtenir justice dans les tribunaux capitalistes et en faisant du lobbying auprès des politiciens liés aux grandes entreprises.
Aucun des partis parlementaires staliniens n'a exprimé un mot sur les verdicts et les peines imposés aux travailleurs de Maruti Suzuki. De même, la fédération syndicale du All India Trade Union Congress (AITUC), allié du Communist Party India (Parti communiste de l’Inde) n’a pas réagi.
Hier, alors que la colère grandissante contre le coup monté gagnait toute l'Inde, le Centre des syndicats indiens (CITU), la fédération syndicale alignée sur le « Parti communiste de l'Inde (marxiste) » (CPM), a publié une déclaration superficielle dans laquelle le président de la CITU K. Hemalata a exprimé une « détresse et angoisse » quant aux verdicts.
Les partis staliniens et leurs affiliés syndicaux ont minimisé le coup monté et ont effectivement tourné le dos aux travailleurs de Maruti Suzuki, car ils soutiennent les efforts de l'élite dirigeante pour concurrencer la Chine et faire de l'Inde l'atelier de misère à bas salaire du monde.
Au cours de la grève nationale du 2 septembre 2016, qui a réuni quelque 150 millions de travailleurs, le CPM et le CPI staliniens et leurs affiliés syndicaux n'ont jamais soulevé la revendication de la libération des travailleurs Maruti Suzuki. Au lieu de cela, ils ont appelé au développement de la « solidarité » des travailleurs en cherchant une alliance avec les appareils syndicaux affiliés au Parti du Congrès de la grande entreprise des grandes et au BJP.
Comme les dizaines de millions d'autres travailleurs dans toute l'Asie, les travailleurs Maruti Suzuki sont en grande partie issus de régions agricoles appauvries et maintenant soumises à l'exploitation la plus brutale par les sociétés transnationales. Ils ont démontré à maintes reprises une détermination héroïque à se battre face à la violence implacable du gouvernement et de l’entreprise. Les travailleurs du monde entier doivent venir à leur secours et exiger la libération immédiate des travailleurs de Maruti Suzuki incarcérés et la relaxe de toutes les condamnations.
Signez la pétition "Libérez les travailleurs Maruti Suzuki victimes du coup monté!" ici .