Des rebelles syriens massacrent au moins 126 civils dans un attentat suicide
Par Jordan Shilton
19 avril 2017
Un convoi d’autocars qui évacuait les habitants des villes de Foua et Kefraya tenues par le gouvernement dans la province d’Idlib, en Syrie, a été ciblé samedi par un attentat suicide faisant au moins 126 victimes civiles. L’attaque s’est produite à l’ouest d’Alep, les autocars se dirigeaient vers des zones contrôlées par le gouvernement.
L’évacuation des résidents des deux villes avait commencé vendredi matin et faisait partie d’un accord d’échange convenu entre le gouvernement de Bashar al-Assad et les forces rebelles. En échange de l’évacuation des résidents de Foua et Kefraya, les rebelles ont convenu de réinstaller les populations de Madaya et Zabadani, deux villes qu’ils contrôlent près de Damas. Au total, environ 7250 personnes ont été évacuées des quatre villes. Cela faisait partie d’un plan plus vaste négocié par l’Iran et le Qatar pour déplacer jusqu’à 30 000 personnes sur une période de 60 jours.
Selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, qui est lié aux rebelles, 68 enfants ont été tués dans l’explosion. D’autres sources ont indiqué jusqu’à 80 enfants parmi les victimes.
L’Observatoire a confirmé que l’explosion a été causée par un dispositif explosif improvisé transporté dans un véhicule, en soutenant un reportage antérieur de la télévision d’état syrienne, qui a déclaré que les assaillants s’étaient servi d’une camionnette d’aide humanitaire pour accéder à la zone.
Un journaliste d’al-Jazeera sur les lieux a décrit les nombreux autocars complètement détruits et les cadavres jonchant le sol ; les ambulances se précipitant pour emmener les blessées.
Aucun groupe n’a encore revendiqué la responsabilité de cet attentat qui s’est produit dans une zone contrôlée par les rebelles. Ahrar al-Cham, une milice islamiste conservatrice, a condamné le bombardement et a appelé à une enquête internationale pour déterminer qui en est responsable.
En contraste avec l’indignation morale exprimée par les politiciens et les médias à la suite de la prétendue attaque de gaz à Khan Sheikhoun plus tôt ce mois-ci, dont l’Administration Trump s’est emparée pour lancer une frappe de missiles illégale sur une base aérienne syrienne, la mort de plus de 100 Syriens dans un attentat suicide – sensiblement plus que le nombre de victimes dans la prétendue attaque au gaz – n’a déclenché pratiquement aucune condamnation des puissances occidentales.
Le Département d’État des États-Unis a publié un communiqué ambigu qui, tout en condamnant les meurtres, a cherché à créer une attitude d’impartialité et a refusé même d’identifier les milices islamistes rebelles comme responsables. « Nous déplorons tout acte qui soutient ou renforce les extrémistes de tous les côtés, y compris l’attaque d’aujourd’hui », a déclaré Mark Toner, porte-parole du Département d’État.
À une étape comparable dans la foulée de l’incident de Khan Sheikhoun, quelques heures seulement après la prétendue attaque, les responsables du gouvernement américain se comportaient déjà comme juges, jurés et bourreaux, proclamant la culpabilité du régime d’Assad sans présenter de preuves.
Le président Donald Trump, qui a invoqué la mort de « beaux bébés » et la nécessité de défendre le « monde civilisé » pour justifier sa frappe de missiles de croisière du 6 avril, qui a tué neuf civils, n’a même pas commenté le bain de sang effectué par des forces liées à la CIA américaine.
Pour leur part, les médias serviles du monde des affaires n’ont signalé l’incident, quand ils l’ont fait, que d’une manière largement routinière.
Le New York Times a publié un long article en première page se concentrant presque exclusivement sur les crimes commis par Assad pendant la guerre, alléguant que « le plus grand nombre de violations viens, et de loin, du gouvernement syrien. » Il a critiqué l’incapacité à faire comparaître des représentants du gouvernement devant la Cour pénale internationale de La Haye, et a blâmé la Russie pour avoir bloqué toute action du Conseil de sécurité de l’ONU.
L’indifférence générale manifestée par l’establishment politique et médiatique envers les victimes de ce massacre brutal expose encore une fois l’hypocrisie des croisés des « droits de l’Homme » aux États-Unis et dans les puissances impérialistes européennes. Elle démontre le caractère frauduleux de la campagne de propagande à la suite de la prétendue attaque au gaz. Campagne qui est conçue pour cacher les objectifs réels de l’intervention impérialiste américaine en Syrie : le changement de régime à Damas et la consolidation de la position hégémonique de Washington dans un Moyen-Orient riche en énergie contre tout défi de ses rivaux géopolitiques.
La raison de ce manque de réaction n’est pas difficile à trouver. Bien que l’on sache toujours pas précisément quelle faction des rebelles a mené ce massacre, Washington et ses alliés du Golfe portent la responsabilité principale d’avoir armé les milices islamistes de droite qui luttent contre la dictature d’Assad et de leur permettre ainsi de prolonger la guerre civile. L’opposition est maintenant dominée par le Front al-Nosra, qui était naguère affilié à Al-Qaïda.
Tout journaliste assez honnête pour suivre les preuves imputerait aux politiques criminelles et téméraires de l’impérialisme américain une part importante du blâme pour l’attentat à la bombe contre ce convoi de bus. Plus de six ans après avoir poussé à la guerre civile en Syrie, Washington a le sang d’environ 500 000 Syriens sur ses mains.
Et cela sans mentionner plus d’un million de personnes tuées en raison de l’invasion illégale de l’Irak en 2003, les centaines de milliers de décès dus à des guerres menées ou parrainés par Washington en Afghanistan, au Yémen, et en Somalie, et les millions de gens dans la région qui ont été forcés de fuir leurs foyers à la suite d’un conflit et d’une crise sociétale.
La préoccupation hautement sélective montrée pour les « droits de l’Homme » par les représentants de l’impérialisme américain n’a rien de nouveau. L’attentat à la bombe de samedi intervient moins d’un mois après qu’en une seule attaque aérienne lancée dans le cadre de leur offensive implacable contre Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Irak, les États-Unis ont tué 300 civils qui s’étaient réfugiés dans un sous-sol. Ce terrible crime de guerre, qui s’ajoute aux milliers de décès de civils survenus depuis l’ouverture de l’offensive soutenue aux États-Unis en octobre dernier, a été largement noyé dans le flot d’informations par les médias.
La classe dirigeante considère les décès de civils comme des dommages collatéraux – un prix à payer dans leur lutte impitoyable pour défendre les intérêts impérialistes américains au Moyen-Orient et dans le monde entier. À peine 24 heures après l’attentat contre les autocars, le conseiller général de Trump à la sécurité nationale, H. R. McMaster, a promis lors d’un entretien accordé à ABC News que Washington était prêt à augmenter les tensions avec la Russie encore plus, non seulement sur la Syrie, mais aussi sur l’Europe.
McMaster a déclaré au sujet de l’alliance de la Russie avec Assad : « Donc, le soutien de la Russie à ce type de régime horrible, qui est un participant à ce genre de conflit, est quelque chose qui doit être remis en question ainsi que les actions subversives de la Russie en Europe. Je pense qu’il est maintenant temps d’avoir ce type de discussions difficiles avec la Russie. »
(Article paru d’abord en anglais le 17 avril 2017)