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Qu’y a-t-il derrière la panique des marchés boursiers?

Par Barry Grey
19 janvier 2016

Banques, fonds de couverture et gouvernements du monde entier sont entrés plein de crainte et d’appréhension dans la nouvelle semaine boursière. Les marchés américains étaient fermés lundi pour la fête de Martin Luther King Jr, mais on peut être certain que la Réserve fédérale, les grandes banques de Wall Street et l’administration Obama continuent de mener en coulisse des discussions intensives avec leurs homologues internationaux après les deux semaines les plus désastreuses de début de nouvelle année dans l’histoire.

La vente de panique vendredi sur les marchés boursiers, de la Chine à l’Europe et aux États-Unis (le Dow Jones a perdu 391 points, dégringolant sous les 16.000 points) a couronné deux semaines où furent effacés de la valeur des actions 5,7 billions de dollars dans le monde.

Le plongeon actuel qui a forcé officiellement les actions aux États-Unis et en Europe dans une situation de « correction » (une baisse de plus de 10 pour cent par rapport aux sommets récents) et les bourses chinoises dans un mode de « marché en baisse » (une baisse de plus de 20 pour cent), a été alimenté par la multiplication des signes de stagnation et de récession dans l’économie réelle. Cela comprend le net ralentissement en Chine, la chute des prix du pétrole et d’autres matières premières industrielles et les nouveaux signes de ralentissement aux États-Unis.

L’humeur qui se propage dans les milieux financiers a été résumée par l’équipe de crédit de la Royal Bank of Scotland. Celle-ci a envoyé une note avertissant les clients que 2016 pourrait être une « année cataclysmique » et les exhortant à « vendre tout sauf les obligations de haute qualité. »

La note met en garde que « dans une salle bondée, les portes de sortie sont petites » et prédit que les principaux marchés boursiers pourraient chuter de 20 pour cent et le pétrole descendre sous son niveau actuel déjà déprimé de 29 de dollars le baril et atteindre 16 dollars. « La Chine a déclenché une correction majeure et cela va faire boule de neige », ajoute la note.

Ces mauvais pressentiments sont encore aggravés par l’action combinée de la crise économique, de conflits géopolitiques qui s’exacerbent et d’une escalade de la guerre, accompagnés de crises politiques et de tensions sociales montantes dans un pays après l’autre. Le fait aussi que ces éruptions financières ont lieu sur la toile de fond d’une élection présidentielle américaine qui révèle déjà une crise profonde du système bipartite dans ce pays, accentue le sentiment général d’appréhension.

Quelle que soit l’évolution à court terme des marchés, la turbulence qui a marqué la nouvelle année reflète l’intensification des contradictions fondamentales du système capitaliste mondial. Depuis plus de sept ans, les banques centrales et les gouvernements d’Amérique, d’Europe et d’Asie ont distribué des billions en crédits aux banques et aux marchés financiers et pourtant, non seulement l'économie ne s'est pas remise du krach de 2008, mais elle se détériore encore rapidement.

La classe ouvrière a subi des licenciements massifs, des réductions de salaires et l’austérité, alors que les riches et les super-riches se sont gorgés des bénéfices provenant d’activités financières parasitaires et socialement destructrices tels que les rachats d’actions, les fusions et acquisitions.

L’annonce de Wal-Mart vendredi qu’il fermait 269 magasins et détruisait 16.000 emplois, dont154 magasins et 10.000 emplois aux Etats-Unis révèle, derrière les discours officiels de « reprise » économique, l’état réel des conditions économiques et sociales en Amérique. Trois jours avant l’annonce, le président Obama avait fait une description délirante de l’économie américaine dans son discours de « l’Etat de l’Union ». « Toute personne affirmant que l’économie américaine est en déclin colporte une fiction, » s’était-il vanté.

La fermeture de ces magasins – venant juste après l’annonce de la fermeture de plusieurs magasins par Macy et Sears-Kmart – causera de graves difficultés aux communautés où Wal-Mart est le principal employeur et vendeur au détail. L'industrie américaine est en récession, comme le transport de fret. Quelque 40.000 emplois ont été anéantis dans les mines de charbon et la production de charbon a baissé de 15 pour cent depuis 2008.

A présent, des niveaux de dette jamais vus sous forme d’obligations d’entreprises dans les marchés émergents, d’obligations de pacotille dans l’énergie et de paris spéculatifs sur les devises et matières premières, menacent d’imploser ainsi que la valeur gonflée des actions. La crise sous-jacente de l’économie réelle – en manque d’investissement dans les forces productives et l’infrastructure sociale – est en train de miner l’édifice massif des actifs financiers, construit sur la base de la spéculation, de la dette et l’escroquerie pure et simple.

La décision de la Réserve fédérale de commencer à relever, même graduellement, les taux d’intérêt intensifie la crise de la dette et envoie de nouvelles ondes de choc à travers les marchés de change mondiaux, déjà troublés par une hausse de 35 pour cent du dollar depuis 2011.

Plus fondamentalement encore, les taux de profit se compriment. Lundi dernier, Alcoa a annoncé une perte nette de 500 millions de dollars au quatrième trimestre de 2015. On estime que les revenus des 500 sociétés du Standard & Poor’s ont diminué de 4,7 pour cent au cours de ce trimestre, soit une deuxième baisse trimestrielle consécutive. Les entreprises du S & P 500 devraient afficher une croissance nulle de leurs bénéfices pour l’ensemble de 2015.

L’attention se concentre sur le ralentissement et la crise en Chine parce que la deuxième économie et plus grande plate-forme manufacturière de travail à bon marché du monde a joué un rôle surdimensionné dans le soutien du capitalisme mondial, en particulier depuis le krach de 2008. Mais les problèmes de la Chine sont l’expression d’une crise mondiale dont le centre réel est aux États-Unis.

La montée de la Chine comme puissance économique mondiale est liée au déclin abrupt du capitalisme américain, qui est au cœur de la crise capitaliste mondiale. La transformation du pays à direction maoïste en bastion de travail à bon marché et de super-exploitation pour sociétés transnationales est l’autre face du déclin de l’industrie américaine et du rôle de plus en plus prédominant de la spéculation financière dans l’économie américaine.

Pendant des décennies, Wall Street a alimenté une bulle spéculative après l’autre – les « tigres asiatiques », la frénésie des dot.com, l’escroquerie des subprimes – dont chacune a éclaté, cédant la place à la suivante. Pendant ce temps, on a laissé se décomposer l’infrastructure sociale du pays et on a poussé la classe ouvrière toujours plus profondément dans la précarité économique et la pauvreté.

Le facteur sous-jacent le plus important derrière l’effondrement du château de cartes financier actuel est la croissance de la résistance ouvrière. Le régime chinois corrompu jusqu’à l’os a peur des conséquences sociales et politiques entraînées par la politique de privatisation radicale et de destruction d’emplois exigée par le capital international et favorisée par la présente clique dirigeante.

La massive classe ouvrière chinoise s’éveille déjà. L’année dernière, le nombre de grèves et de manifestations de travailleurs a plus que doublé par rapport à l’année précédente, et décembre a vu un nouveau record du nombre de ces luttes.

Aux États-Unis, la classe dirigeante a une conscience aiguë de la croissance de la résistance ouvrière, qui s’est exprimée dans l’opposition de masse de travailleurs de l’automobile aux contrats imposés par le syndicat UAW à la fin de 2015 et ce mois-ci dans les congés maladie de masse organisés par les enseignants de Detroit indépendamment et en opposition au syndicat enseignant. La montée du militantisme de la classe ouvrière et du sentiment anti-capitaliste et l’affaiblissement de l’emprise des syndicats corporatistes droitiers remplissent d’effroi l’élite patronale et financière et ses porte-parole politiques.

Elle les pousse également à préparer de nouvelles attaques plus brutales encore sur les conditions sociales des travailleurs et leurs droits démocratiques. Il faut y répondre par le développement d’un mouvement de la classe ouvrière qui soit une lutte politique pour l’abolition du capitalisme et l’instauration du socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 18 janvier 2016)