Forte chute des actions et crainte d’une nouvelle crise financière
Par Barry Grey
19 janvier 2016
Les marchés boursiers aux États-Unis et dans le monde ont clôturé la semaine dernière sur des chutes massives, secoués par la crainte que le ralentissement en Chine, la chute des prix du pétrole et des matières premières ne déclenchent une nouvelle crise financière de l'ampleur de la catastrophe de 2007-2008.
Une nouvelle chute des marchés chinois (l’indice composite de Shanghai a baissé de 3,55 pour cent), suivie d’une baisse de 6 pour cent du prix du pétrole à 29 dollars le baril, a déclenché des ventes de panique en série. L’ambiance a été résumée ainsi par le stratège en chef de Federated Investors, « Les investisseurs ont affreusement peur, et le fait que cela se passe au début de l’année a une certaine signification historique. »
Un facteur important dans la vente massive chinoise était la crainte que Pékin n’annonce son plus faible chiffre de croissance annuelle en 25 ans cette semaine.
L’annonce la semaine dernière par Walmart de la fermeture de centaines de magasins et de la destruction de 16.000 emplois et la fermeture de magasins par Macy et Sears-Kmart, souligne la détérioration croissante de l’économie réelle, aux États-Unis et dans le monde, qui sous-tend les turbulences sur les marchés boursiers et obligataires. Elle reflète également la réalité de la baisse des salaires et la montée de l’insécurité du revenu touchant de larges couches de la population américaine.
BP a lui aussi annoncé 4.000 licenciements la semaine dernière, montrant l’état de plus en plus déprimé du secteur énergétique.
La vente massive du 15 janvier (l’indice EURO STOXX /50 a baissé de 2,37 pour cent et tous les principaux indices américains de plus de 2 pour cent), couronne la pire ouverture annuelle jamais connue par Wall Street. Le Dow Jones Industrial Average (moins 391 points) est tombé sous le niveau de 16.000 points. Depuis le début de l’année, l’indice Dow a chuté de 8,24 pour cent, l’indice 500 de Standard & Poor’s de plus de 8 pour cent; le Nasdaq a perdu plus de 10 pour cent.
Les trois indices américains sont tous officiellement en situation de « correction » et les indices boursiers chinois ont le statut officiel de « marché en baisse ». Sur les deux premières semaines de l’année, les marchés boursiers mondiaux ont perdu 5,7 billions de dollars en valeur.
Le prix du pétrole, un baromètre de l’activité économique mondiale, a baissé de 20 pour cent depuis le début de l’année. Les deux premières semaines de 2016 ont vu la plus forte baisse en deux semaines pour le pétrole depuis la crise financière de 2008.
A l’entrée d’un week-end de trois jours aux Etats-Unis, il y eut des discussions intensives en coulisse sur la crise en train de s’accélérer entre responsables du Trésor, Réserve fédérale, grandes banques de Wall Street et fonds de couverture. Le 15 janvier, la Maison-Blanche avait pris l’initiative inhabituelle de commenter les mouvements du marché pour tenter de rassurer les investisseurs. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Josh Earnest, avait déclaré que les responsables surveillaient étroitement les mouvements du marché et leur impact potentiel sur l’économie.
Depuis la crise financière de 2008, l’économie capitaliste mondiale a été soutenue par la croissance rapide de la Chine et d’un certain nombre des pays émergents, et par une énorme surenchère dans les cours des actions, effectuée sur la base d’une énorme augmentation de la dette. La Réserve fédérale et les banques centrales d’Europe et d’Asie ont injecté des milliards de dollars dans les marchés financiers, alimentant une nouvelle croissance du parasitisme financier et de la spéculation. Ceci, combiné à une austérité implacable contre la classe ouvrière, a formé la base d’un enrichissement sans précédent des riches et des super-riches dans le monde et d’un nouveau transfert de la richesse du bas vers le haut.
Mais aux États-Unis et dans les autres pays industrialisés plus anciens, il y a eu une forte baisse des investissements des entreprises dans les forces productives. Les énormes profits des banques et des sociétés ont au contraire été largement réalisés dans des activités parasitaires comme le rachat d’actions, l’augmentation des dividendes, et les fusions et acquisitions.
La semaine dernière, Albert Edwards, stratège à la Société Générale, a dit lors d’une conférence d’investissement à Londres que les développements économiques mondiaux « pousseraient les États-Unis dans une nouvelle récession. » Prédisant qu’il y aurait une nouvelle crise financière « tout aussi mauvaise que celle de 2008-2009, » il a dit, « Nous avons vu l’expansion massive du crédit aux États-Unis. Cela ne vient pas de l’activité économique réelle; c’est de l’emprunt pour financer les rachats d’actions. »
Maintenant que la Chine ralentit rapidement, que le Brésil et la Russie sont dans une profonde récession et que les autres économies de marché émergentes sont en train de sombrer sous l’impact de la baisse des prix des produits de base et l’augmentation de la dette, la château de cartes financier, intrinsèquement instable, commence à s’effondrer.
Le fait que depuis 2009 le marché des obligations de pacotille aux États-Unis a augmenté de quelque 80 pour cent, atteignant 1,3 billion de dollars donne la mesure de la croissance de la spéculation. Le marché des obligations à haut risque de l’énergie a augmenté encore plus rapidement, de 180 pour cent, atteignant plus de 200 milliards de dollars. Au cours des dernières semaines, alors que le pétrole et d’autres matières primaires continuaient à baisser et que la Chine continuait à ralentir, le marché des obligations de pacotille a montré des signes d’implosion; ses prix ont chuté brutalement et un certain nombre de fonds communs de placement d’obligations de pacotille de l’énergie sont en train de s’effondrer.
Larry Fink, le PDG de BlackRock, le plus grand fonds d’investissement privé du monde, a déclaré à la chaîne câblée américaine CNBC le 15 janvier que la crise du marché était susceptible d’empirer. « Je crois effectivement qu’il n’y a pas assez de sang dans les rues », a-t-il dit, ajoutant « vous allez commencer à voir plus de licenciements dans la partie médiane du premier trimestre, et certainement au deuxième trimestre... »
De nombreuses données économiques publiées le 15 janvier indiquent que l’économie américaine est en forte décélération. La Réserve fédérale a indiqué que la production industrielle avait diminué de 0,4 pour cent en décembre, principalement en raison des compressions dans les services publics et la production minière, après une baisse de 0,9 pour cent en novembre. La production industrielle a diminué à un taux annuel de 3,4 pour cent au quatrième trimestre de 2015.
La semaine dernière, l’Institute for Supply Management a publié son indice manufacturier, montrant une descente à 48,2 en décembre, niveau le plus bas depuis décembre 2009. Une valeur inférieure à 50 signale une contraction.
La Federal Reserve de New York a publié cette semaine son indice Empire State Manufacturing Survey qui dévoile une baisse atteignant -19,37 en janvier (- 6,21 en décembre). « L’activité commerciale a diminué pour les entreprises manufacturières de New York plus fortement qu’à tout moment depuis la récession de 2007-2009, selon l’enquête de janvier 2016, » a déclaré cette institution.
Ces informations confirment l’existence d’une récession industrielle aux États-Unis. Et la semaine dernière, Michael Ward, directeur de la société de chemins de fer CSX, a déclaré dans une interview télévisée que le pays était en proie à une « récession du fret, » le charbon et d’autres transports de marchandises baissant brusquement.
Le Département du Commerce a rapporté vendredi que les ventes américaines de détail ont reculé de 0,1 pour cent en décembre par rapport au mois précédent. Pour l’ensemble de 2015, les ventes de détail ont augmenté de seulement 2,1 pour cent, leur niveau le plus faible depuis 2009, après avoir progressé de 3,9 pour cent en 2014. La National Retail Federation a estimé elle, que les ventes de maisons ont augmenté de seulement 3 pour cent par rapport à l’année précédente, bien moins que sa projection de croissance de 3,7 pour cent.
Le Département du Commerce a également indiqué que les stocks des entreprises ont diminué de 0,2 pour cent en novembre, la plus forte baisse depuis septembre 2011.
Le Département américain du Travail a publié son indice des prix des producteurs, montrant un déclin de 0,2 pour cent le mois dernier. Montrant les forces déflationnistes dans l’économie américaine, les prix à la production ont baissé de 1,0 pour cent en 2015, le chiffre le plus faible depuis que la série a commencé en 2010.
En raison de la faiblesse des données pour l’économie américaine, JPMorgan Chase a abaissé son estimation de la croissance du produit intérieur brut au quatrième trimestre 2015 d’un taux annuel de 1,0 pour cent à seulement 0,1 pour cent. Barclays a réduit ses prévisions de quatre dixièmes de point de pourcentage à 0,3 pour cent.
L’intensification brutale de la crise économique attisera plus encore les tensions géopolitiques et la marche des États-Unis et d’autres puissances impérialistes à la guerre. Elle attisera aussi les tensions sociales internes qui poussent déjà la classe ouvrière, aux États-Unis et ailleurs, vers une lutte contre l’austérité et l’inégalité sociale.
L’émergence d’une crise économique majeure a lieu alors qu’arrive aux États-Unis une élection présidentielle critique qui montre d’ores et déjà l’aliénation croissante de la population active vis-à-vis de l’ensemble du système politique et le brusque virage à droite des deux partis de la bourgeoisie.
(Article paru d’abord en anglais le 16 janvier 2016)