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Alors que la récession s’aggrave, les tensions géopolitiques et de classe s’intensifient

Par Nick Beams
12 avril 2016

L'Organisation mondiale du commerce (OMC) a rapporté la semaine dernière que 2016 verra la croissance du commerce mondial tomber en dessous de 3 pour cent pour la cinquième année consécutive, son taux le plus faible depuis les années 1980. C’est là une indication de plus que, loin de connaître une « reprise », la stagnation de l'économie mondiale s’aggrave.

Selon l’OMC, le volume du commerce mondial augmentera de seulement 2,8 pour cent cette année, le même taux qu’en 2015. Il est significatif qu’elle n'a pas prévu de rebond du commerce comme ces dernières années.

Cette dernière prévision est conforme à une tendance bien établie au cours des six dernières années. Après la crise financière mondiale de 2008, le commerce mondial a chuté en 2009, tombant à un certain moment plus rapidement encore qu'au début des années 1930. Il y a eu une brusque reprise en 2010-2011 mais depuis, le taux de croissance du commerce mondial est toujours resté inférieur même au maigre taux de croissance de l’économie mondiale. Les économistes de l'OMC ont écrit qu’« une période si longue de croissance faible mais positive du commerce est sans précédent. »

La situation actuelle est en fort contraste avec les années avant 2008 où le commerce avait connu une expansion rapide, du double environ du taux de croissance de l'économie mondiale.

Le rapport de l'OMC a été publié à la veille des réunions de printemps du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale la semaine prochaine, où le FMI devrait suivre la tendance des dernières années et réviser à la baisse ses prévisions de croissance économique mondiale.

Dans un discours à Francfort la semaine dernière, la directrice générale du FMI Christine Lagarde a donné le ton pour ces réunions, déclarant que si la « reprise continue, » elle reste « trop ​​faible, trop fragile, et les risques pour sa durabilité s’amplifient. »

Elle a noté que la croissance du commerce mondial avait ralenti et que les risques pour la stabilité financière avaient augmenté. Les récentes turbulences des marchés « reflétaient la baisse de confiance dans l'efficacité des politiques », une allusion aux craintes que les mesures d'assouplissement quantitatif des banques centrales et les taux d'intérêt négatifs n’aggravent la situation au lieu de l’améliorer. Elle a ajouté que « cette dynamique pourrait s’auto-renforcer. »

La perspective mondiale s’était encore détériorée ces six derniers mois, a-t-elle dit, « aggravée par le ralentissement relatif de la Chine, la baisse des prix des matières premières et la perspective pour de nombreux pays d'un resserrement financier. » Les marchés émergents étaient largement responsables du peu de reprise ayant eu lieu; on s’était attendu à ce que les économies développées « prennent la relève de la croissance. »

Mais Lagarde a admis que « cela n'a pas eu lieu. » Le ralentissement de la Russie et du Brésil avait été plus important que prévu, tandis que « de nombreux pays africains et de revenu faible sont également confrontés à des perspectives réduites. »

La détérioration de la situation de l'Afrique a été mise en évidence dans un rapport de Capital Economics, un cabinet conseil qui prédit que la croissance dans la région sub-saharienne tomberait à 2,9 pour cent cette année, son taux le plus faible en 17 ans. John Ashbourne, l'auteur du rapport, a dit que les risques de la « prévision sombre » étaient « presque entièrement à la baisse » et que même la prévision de croissance réduite ne serait atteinte que si des «crises sévères étaient évitées. » Il a conclu, « En somme, la montée en puissance tant vantée » [de l' Afrique] semble avoir calé. »

Face à cette prévision économique mondiale qui se détériore, Lagarde a répété les mises en garde du FMI contre une tendance au renfermement sur soi, de fermeture des frontières et de retrait dans le protectionnisme. « Comme l'histoire nous l’a appris – maintes fois – cette voie là serait tragique », a-t-elle dit. La solution n'était pas la fragmentation, mais la coopération.

Mais toutes les tendances vont dans le sens contraire. A la réunion du G20 plus tôt cette année, l'appel lancé par le FMI à un coup de pouce économique coordonné pour l'économie mondiale a été rejeté avant même de pouvoir être discuté en raison des différences irréconciliables entre grandes puissances économiques.

La situation géopolitique se caractérise non par une collaboration accrue mais par une montée du nationalisme économique. Cela rappelle les conditions ayant conduit à la Seconde Guerre mondiale, chaque gouvernement capitaliste cherchant, face au ralentissement du commerce et de la croissance mondiale, à renforcer sa position au détriment de ses rivaux grâce au protectionnisme et aux dévaluations.

La Banque centrale européenne et la Banque du Japon ont cherché à faire progresser leurs propres programmes économiques en abaissant la valeur de l'euro et du yen grâce à des taux d'intérêt négatifs et des mesures d'assouplissement quantitatif.

Cependant, comme la Réserve fédérale des États-Unis évite pour l’instant d’autres hausses des taux d'intérêt, leurs efforts ont été contrecarrés par l’arrêt de la hausse du dollar américain. Cela a suscité une réaction de colère au Japon. Le Financial Times publia un article intitulé « Le Japon se déchaine contre la montée du yen » et le secrétaire en chef du cabinet, Yoshihide Suga, déclara à une conférence de presse que le gouvernement surveillait les marchés des changes « dans la tension » et « prendrait les mesures appropriées. »

Tous les principaux gouvernements capitalistes, n’ayant pas de solution économique, augmentent les dépenses militaires et font leurs préparatifs de guerre, cherchant à résoudre la crise par ce que Léon Trotsky appelait « des moyens mécaniques. »

L’effondrement économique continu du système capitaliste mondial et la marche à la guerre ne peuvent être résolus que par une intervention de la classe ouvrière internationale dont les premiers signes deviennent visibles.

Le soutien croissant pour Bernie Sanders aux Etats-Unis, basé sur ses dénonciations des inégalités sociales et de Wall Street et ses prétentions socialistes, et la crise grandissante du système officiel bipartite ont une profonde importance sur le plan mondial.

Nonobstant le fait que Sanders ne représente pas le socialisme, mais cherche à ramener le mouvement derrière le parti démocrate, la campagne présidentielle américaine indique que, dans un pays où toute référence au socialisme était taboue et où l’anticommunisme était presque religion d'Etat, le géant assoupi de la politique mondiale, la classe ouvrière américaine, commence à se mettre en mouvement.

De même, l'éruption de grèves et de manifestations contre le gouvernement Hollande en France, malgré des lois antidémocratiques imposées dans le cadre de la « guerre » bidon « contre le terrorisme » a un « parfum de 1968 ».

Les classes dirigeantes sont conscientes des dangers potentiels auxquels ils font face aux États-Unis, en Europe et dans le monde. Faisant son évaluation pessimiste des perspectives mondiales, Lagarde a averti des dangers pour la stabilité sociale et a dit qu’avec la croissance des fortunes individuelles et « l'inégalité excessive et persistant à la hausse, » il n’était pas étonnant que « les perceptions abondent selon lesquelles les jeux sont faussés pour l’homme et la femme ordinaires en faveur des élites. »

Ce potentiel doit être réalisé par la construction du parti mondial, le Comité international de la Quatrième Internationale, pour armer les luttes émergentes grâce à un programme socialiste révolutionnaire et internationaliste.

(Article paru en anglais le 9 avril 2016)