Discours d’Obama sur l’Iran: si l’accord échoue c'est la guerre
Par Barry Grey
7 août 2015
Défendant l’accord nucléaire conclu avec Téhéran le mois dernier, le président Barack Obama a affirmé mercredi dernier que le rejet de l’accord par le Congrès mènerait rapidement à une guerre contre l’Iran.
Dans un passage troublant du discours qu’il a donné à l’Université américaine à Washington D.C, Obama a déclaré:
«Le rejet de l’accord par le Congrès laisserait toute administration américaine réellement dédiée à empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire avec une seule option, une autre guerre au Moyen-Orient. Je ne cherche pas à provoquer, je déclare un fait…
«Est-ce que quelqu’un doute vraiment que ceux qui s’élèvent contre cet accord n'exigeront pas du président, peu importe qui ce sera, qu'il bombarde les installations nucléaires?… Soyons francs. En fin de compte, le choix qui se dresse devant nous est celui entre la diplomatie ou une certaine forme de guerre. Peut-être pas demain, peut-être pas dans trois mois, mais bientôt».
Ces propos forment le contenu essentiel d’un discours visant à recruter un nombre suffisant de députés et sénateurs démocrates au Congrès pour appuyer un veto présidentiel contre un vote pratiquement assuré tant à la Chambre des représentants qu’au Sénat pour saborder l’accord dès que le Congrès sera de retour du congé d’été le 8 septembre.
Le discours d’Obama est hypocrite et mensonger. L’accord conclu le mois dernier entre Téhéran et le soi-disant P5+1 (les États-Unis, l'Angleterre, la France, la Russie, la Chine et l’Allemagne) prévoit la suspension des sanctions les plus lourdes contre Téhéran en échange de concessions majeures de l’Iran, y compris l’acceptation d’une inspection de son programme nucléaire civil qui constitue une intrusion sans précédent dans l’histoire. L’accord comprend aussi une clause qui permet à Washington d'accuser l’Iran d'être en violation de l’accord et de rapidement rétablir les sanctions qui ont dévasté le pays, y compris l’embargo sur le pétrole.
Obama a formulé sa réponse aux opposants de l’accord, y compris tous les membres républicains du Congrès, une section des démocrates, le gouvernement israélien et des organisations pro-israéliennes influentes aux États-Unis, et des organes de presse menés par le Wall Street Journal, comme un engagement vers la diplomatie et la solution pacifique aux conflits internationaux, en opposition aux «faucons de la guerre» qui réclament une action militaire unilatérale des États-Unis. Il a débuté en invoquant le discours que le président John F. Kennedy a donné à la même université en 1963, dans lequel il a appelé à un traité d'interdiction complète des essais nucléaires et à une politique diplomatique et pacifique envers l’Union soviétique.
La politique de Kennedy, annoncée à peine quelques mois après la crise des missiles de Cuba, s’est avérée un succès a dit Obama, parce qu’elle a créé «le temps et l’espace pour remporter la Guerre froide sans tirer le moindre coup de feu contre les soviets».
L’implication évidente est que l’accord nucléaire avec l’Iran offrira les meilleures conditions pour éliminer l’Iran comme obstacle à la politique impérialiste américaine au Moyen-Orient et internationalement sans entraîner le risque et les coûts d’une guerre majeure. Pour appuyer ses arguments, Obama a tracé un lien entre les actuels opposants à l’accord nucléaire iranien et ceux qui ont fait la promotion de l’invasion de l’Irak en 2003, que le président a qualifiée de désastre stratégique.
Obama s’est vanté de ses soi-disant positions anti-guerre, faisant référence à son opposition à l’invasion de l’Irak, une stratégie qu’il a utilisée pour faire appel aux sentiments anti-guerre et anti-Bush lors de sa campagne électorale de 2008. Il ne s’est pas préoccupé de comparer ces prétentions à sa politique au pouvoir – la poursuite du bain de sang en Irak pendant les deux années suivant son élection, une expansion majeure de la guerre en Afghanistan, la guerre pour le changement de régime en Libye qui a laissé le pays dans un état de chaos permanent, et l’organisation d'une guerre civile catastrophique pour provoquer un changement de régime en Syrie.
Au cours de la dernière année, il a déclenché une nouvelle guerre en Irak, initié le bombardement de la Syrie et soutenu la guerre meurtrière de l’Arabie saoudite au Yemen. À peine quelques jours avant son discours à l’Université américaine, Obama a appuyé l’imposition par les forces turques d’une «zone tampon» en Syrie et cautionné les attaques aériennes américaines contre les forces du gouvernement syrien en soutien aux mercenaires, financés et entraînés par les États-Unis, qui sont à l’œuvre dans le pays.
De plus, Obama a réitéré dans son discours que même si un accord nucléaire est conclu, Washington maintiendrait la possibilité d’une guerre contre l’Iran. À un certain point il a dit: «Si d’ici 15 ou 20 ans l’Iran essaie de fabriquer une bombe, cette entente assure que les États-Unis auront de meilleurs outils pour la détecter, une meilleure base pour intervenir sous la loi internationale, et les mêmes options disponibles que nous avons aujourd’hui pour mettre un terme au programme d’armement, y compris – si nécessaire – des options militaires».
Obama a aussi déclaré: «Le budget de la Défense américaine est plus de 600 milliards de dollars. Celui de l’Iran est d’environ 15 milliards. Notre armée demeure la garantie ultime de toute entente que nous faisons. J’ai déclaré que l’Iran ne pourra jamais obtenir l’arme nucléaire. J’ai fait ce qui était nécessaire pour assurer que nos options militaires soient bien réelles. Et je n’ai aucun doute que le prochain président adoptera la même position».
Il s’est vanté d'avoir «ordonné des actions militaires dans sept pays», ajoutant qu' «il y a des moments où la force est nécessaire, et si l’Iran ne respecte pas l’accord, il est possible que nous n’ayons pas d’alternative».
Il y a des divisions marquées au sein de la classe dirigeante américaine et des alliés traditionnels des États-Unis dans la région par rapport à l’accord nucléaire iranien et la tentative d’incorporer le régime iranien dans la campagne guerrière de l’impérialisme américain pour dominer la région eurasienne. Ces tensions sont liées aux crises et contradictions croissantes qui se dressent devant les États-Unis, alors qu’ils tentent de surmonter leur déclin économique par la violence militaire, l’intimidation économique et diplomatique et le mépris pour la loi internationale.
Un facteur clé derrière le tournant de Washington vers une forme d’accommodement avec l’Iran, du moins pour l’instant, est sa volonté de concentrer davantage de ressources politiques et militaires dans sa campagne visant à isoler et encercler militairement la Russie et la Chine.
La tentative par Obama de présenter ce tournant comme un engagement vers la diplomatie pacifique et le respect des lois internationales est un mensonge flagrant. La prémisse fondamentale de tout son discours est que les États-Unis ont le droit d’attaquer de manière préventive l’Iran, ou tout autre pays qu’il juge une entrave à sa domination des ressources, des marchés et des masses ouvrières de toute la planète.
Le fait que le président affirme catégoriquement que saborder l’accord avec l’Iran entraînera une guerre imminente ne peut signifier qu'une chose: les plans détaillés d'un assaut majeur ont déjà été préparés dans le dos du peuple américain, et de puissantes sections de l’élite dirigeante et de l’establishment militaire ont l’intention de les mettre en œuvre.