L'impérialisme américain, l'Ukraine et le risque d'une Troisième Guerre mondiale
Par Barry Grey et David North
6 mars 2014
Sommes-nous au bord d'une guerre nucléaire? C'est la question que tous devraient se poser.
Le coup d'État soutenu par les États-Unis en Ukraine a déclenché la crise internationale la plus dangereuse depuis la crise des missiles à Cuba en octobre 1962. Les responsables américains et européens dénoncent la Russie parce qu'elle a envoyé des troupes en Crimée en réaction à la mise en place d'un régime anti-russe en Ukraine qui a pris le pouvoir par un coup d'État organisé par des milices fascistes.
Le gouvernement Obama semble déterminé à intensifier le conflit avec Moscou. Exigeant un retrait de toutes les forces russes de Crimée et l'acceptation totale par le Kremlin du nouveau régime fantoche à Kiev, les États-Unis exigent des sanctions visant à l'isolement économique complet de la Russie.
Lors d'une conférence de presse à Kiev mardi, le secrétaire d'État John Kerry a annoncé que les États-Unis cherchent à «isoler la Russie politiquement, diplomatiquement et économiquement». Ses déclarations ont été reprises dans des menaces belliqueuses faites par des politiciens américains de premier plan.
Le sénateur John McCain a prononcé une diatribe anti-russe depuis le Sénat dans laquelle il a à nouveau exprimé des regrets que les États-Unis ne soient pas intervenus durant la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie. Il a accusé Poutine de s'engager dans «le vieux double langage soviétique» et a demandé que «l'on agisse rapidement pour que la Moldavie et la Géorgie rejoignent l'OTAN».
Le gouvernement Obama feint d'être choqué et horrifié par la réaction de la Russie au coup d'État en Ukraine. Cette attitude est entièrement trompeuse et cynique. Il sait très bien que l'imposition d'un régime fantoche anti-russe à Kiev, sous le contrôle des États-Unis et de l'OTAN, allait être vue par Poutine et l'armée russe comme un changement majeur dans l'environnement géostratégique de l'Europe de l'Est et une menace existentielle pour la Russie.
Il est inconcevable que la Maison-Blanche, le Pentagone et la CIA n'aient pas prévu que Poutine allait réagir au coup d'État de Kiev. Est-ce quelqu'un peut sérieusement croire que Washington ne s'attendait pas à ce que la Russie, au grand minimum, déploie des forces militaires pour s'assurer le contrôle de la Crimée – une partie de la Russie jusqu'en 1954, qui abrite la flotte russe de la mer Noire et son seul point d'accès vers la Méditerranée? Ou que Washington savait que la Russie ne se contenterait pas de tendre l'autre joue face à l'installation d'un gouvernement d'extrême-droite en Ukraine, dans lequel des nationalistes xénophobes exercent une immense influence, lequel transformera le pays en une nouvelle base avancée des forces de l'OTAN dont les missiles se trouveront aux frontières mêmes de la Russie?
Les vraies raisons de la campagne actuelle contre la Russie n'ont rien à voir avec la «souveraineté nationale» de l'Ukraine ou le respect du droit international. Les tensions entre les États-Unis et la Russie se sont accrues ces dernières années: les efforts américains pour accroître l'emprise de Washington sur le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est et l'Asie ont rencontré une résistance limitée de la part de Moscou.
En Syrie, le soutien russe pour le régime d'Assad a contraint les États-Unis à pratiquer une retraite temporaire en septembre dernier et retarder ses plans d'une intervention directe. La classe dirigeante américaine ne peut pas accepter la moindre interférence dans ses opérations impérialistes. Les plans de l'impérialisme américain pour la restructuration du monde entier dans leur propre intérêt incluent la partition de la Russie en morceaux plus petits et plus faciles à absorber.
La politique étrangère américaine n'est pas seulement déterminée par ses objectifs extérieurs, la structure sociale et politique du pays est si fragile et tellement chargée de contradictions explosives que la classe dirigeante exige des interventions militaires et des guerres sans fin pour détourner l'attention du peuple américain et le désorienter.
Plus de cinq ans après une profonde crise économique, l'élite dirigeante américaine est bien consciente de la nervosité et du mécontentement très répandus dans le pays. Les niveaux d'inégalité sociale vertigineux sont de plus en plus admis par la population et provoquent la colère. La série sans fin de guerres vise à fournir une soupape externe aux pressions sociales internes.
Est-ce que l'interaction nocive entre les ambitions impérialistes débridées et les craintes de troubles domestiques ont produit une situation où l'élite dirigeante américaine est prête à risquer une guerre nucléaire? Les actions du gouvernement des États-Unis donnent la réponse.
Mais quelles que soient les intentions immédiates du gouvernement Obama, la dynamique de l'impérialisme a une logique propre. Les États-Unis ont provoqués une situation en Ukraine dans laquelle n'importe quelle action parmi toute une série d'événements pourrait, intentionnellement ou non, déclencher une réaction en chaîne qui échapperait à tout contrôle.
Même si cette crise-ci finit par se résoudre, il ne faudra pas longtemps avant qu'une autre se déclare. Tôt ou tard, l'une de ces crises va déclencher une catastrophe nucléaire.
La voix des travailleurs, des jeunes et de tous ceux qui s'opposent à la guerre doit se faire entendre! L'histoire du vingtième siècle, dont les leçons sont si profondément importantes pour la situation du vingt-et-unième, prouve que la guerre ne peut être stoppée que par l'action unifiée de la classe ouvrière internationale armée d'un programme socialiste et internationaliste.
(Article original paru le 5 mars 2014)