Québec : Le projet de loi 3 s’attaque aux retraites des travailleurs municipaux
Par Louis Girard et Laurent Lafrance
27 août 2014
Avec son projet de loi 3, le gouvernement libéral du Québec de Philippe Couillard lance un assaut majeur sur les salaires et pensions des travailleurs municipaux dans le cadre d’une campagne tous azimuts visant à démanteler les services publics et éliminer les gains sociaux durement gagnés par l’ensemble de la classe ouvrière.
Le projet de loi annule les contrats actuels et force la restructuration de 216 régimes de retraite à prestations déterminées dans 1100 municipalités à travers le Québec. Il permet au gouvernement de nommer un médiateur ayant le pouvoir d’imposer une entente dans le cas où les «négociations» n’aboutiraient pas à un accord dans un délai de 18 mois.
Bien que les 122.000 travailleurs municipaux, y compris 50.000 retraités, soient la cible immédiate de ce projet de loi draconien, ce dernier est conçu de manière à être appliqué au demi-million d’employés de la fonction publique de la province et à la classe ouvrière dans son ensemble.
Le prétexte pour s’en prendre aux pensions est le déficit accumulé des caisses de retraite. Mais ces déficits sont causés par le fait que les villes ont refusé de cotiser à la caisse de retraite pendant des années. Les déficits ont été exacerbés par la crise financière de 2008 lorsque la Caisse de dépôt et placement du Québec – qui gère les régimes de retraite publics de la province – a perdu des milliards de dollars sur les marchés boursiers.
Derrière les demandes de «partage égal» des déficits dans les régimes de retraite, le gouvernement Couillard introduit divers moyens pour réduire radicalement les salaires et les prestations de retraite des travailleurs municipaux.
Premièrement, les employés seront obligés de cotiser à la moitié des coûts de leur retraite, alors que les municipalités paieront l’autre moitié. Il s’agit d’un important changement par rapport à la situation actuelle où la contribution des employés pouvait être établie à 45 pour cent, ou même dans certains cas à 30 pour cent. Par conséquent, les cols blancs et les pompiers, par exemple, devront payer 60 dollars de plus par semaine sur leur chèque de paie pour leur pension, soit un total de 3000 dollars par année.
Deuxièmement, le gouvernement prévoit l’élimination de l’indexation annuelle des pensions, une mesure qui coûtera des milliers de dollars aux 40 pour cent des retraités municipaux ayant une entente censée garantir que leur pension soit ajustée au coût de la vie. Selon les estimations, les retraités perdront, après 15 ans, entre le tiers et la moitié de leur pouvoir d’achat.
Enfin, avec une mesure qui ouvre la voie à des attaques sans fin sur les retraites des travailleurs municipaux – y compris des augmentations de cotisations, des coupes dans les prestations ou la hausse de l’âge de retraite – le projet de loi 3 limite à 18 pour cent la proportion d’un budget municipal pouvant être accordé aux dépenses dans les retraites.
Il est à noter que d’importantes concessions ont déjà été imposées aux travailleurs municipaux au cours des dernières années. En 2012, par exemple, la ville de Montréal a haussé l’âge minimal de retraite de ses cols bleus de 52 à 55, tandis que leurs cotisations ont augmenté de 6 pour cent par paie à 9 pour cent.
Ayant fait avaler ces concessions à leurs membres, les syndicats travaillent maintenant avec acharnement pour supprimer toute lutte de la classe ouvrière en défense des retraites et autres droits sociaux. Ils critiquent le projet de loi 3 uniquement parce qu’il mine leur position privilégiée à la table de négociation. Ils sont toutefois prêts – comme ils l’ont fait à maintes reprises par le passé – à faire porter aux travailleurs tout le poids de la crise capitaliste.
«Il n’y a pas de sujets tabous, du moment que tout se fait par la négociation» a dit Marc Ranger, le porte-parole de la Coalition syndicale pour une libre négociation. «Nous sommes prêts à mettre plus d’argent» dans les cotisations, a-t-il ajouté, et de «revoir certains bénéfices et [...] les critères de l’âge de la retraite».
La tentative des syndicats d’isoler les travailleurs municipaux est en continuité avec leurs actions lors de la grève étudiante du Québec de 2012 en défense de l’éducation publique. Ayant refusé de faire quoi que ce soit lorsque les étudiants faisaient face à la police antiémeute et à une série d’injonctions des tribunaux, la bureaucratie syndicale a réagi au risque que la grève se transforme en un vaste mouvement de la classe ouvrière en la détournant derrière le Parti Québécois, l’autre parti principal de la grande entreprise.
Il existe un potentiel semblable aujourd’hui pour que l’indignation légitime des travailleurs municipaux devienne le fer de lance d’une vaste contre-offensive de toute la classe ouvrière en défense des retraites, des emplois et des services publics.
C’est la raison pour laquelle l’élite dirigeante et les grands médias mènent une campagne démagogique visant à dépeindre les travailleurs comme des «privilégiés» qui s’accrochent à leurs régimes de retraite trop généreux. Il y a aussi une tentative d’opposer les jeunes aux plus vieux travailleurs en affirmant que les chèques de pension décents représentent un fardeau sur les nouvelles générations. Ces mensonges doivent être rejetés avec mépris par les travailleurs et les jeunes.
L’assaut sur les travailleurs municipaux sous le projet de loi 3 n’est que la première étape d’une offensive de la classe dirigeante contre l’ensemble de la classe ouvrière. Comme s’est vanté Couillard lors d’un récent discours devant l’aile jeunesse de son parti, «l’heure des choix difficiles a sonné».
Les retraites sont sous attaque à travers le monde parce que la classe dirigeante de chaque pays cherche à faire payer les travailleurs pour la faillite historique du système de profit capitaliste.
Au Canada, la fameuse «réforme des retraites» a été au centre du programme d’austérité du gouvernement fédéral de Stephen Harper. En 2012, le gouvernement Harper a haussé l'âge de retraite pour les travailleurs à bas salaire en faisant passer de 65 à 67 ans l’âge d’admissibilité au programme de Sécurité de la vieillesse.
(Article paru d’abord en anglais le 25 août 2014)
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