Le directeur de la NSA exige la fin des révélations sur l'espionnage
Par Patrick Martin
29 octobre 2013
Dans un entretien accordé jeudi dernier, le directeur de la National Security Agency (NSA), le général Keith Alexander, a fait une série de menaces contre le lanceur d'alerte Edward Snowden et ceux qui sympathisent avec lui et le soutiennent, ainsi que contre les médias qui ont publié les révélations de Snowden sur l'espionnage de masse mené par le gouvernement américain.
Dans l'entretien, enregistré par le Pentagone pour être affiché sur YouTube, Alexander répète la ligne officielle de la NSA selon laquelle l'espionnage du peuple américain et de millions d'autres gens de par le monde serait motivé par le besoin de protéger les Américains contre le terrorisme.
Il a affirmé que cette révélation des programmes secrets « signifie que les terroristes ont maintenant un avantage pour perpétrer des attaques, probablement en Europe et potentiellement aux États-Unis. » Il a poursuivi : « Et notre capacité à les arrêter est réduite. Donc quand des gens mourront, ce sont ceux qui sont responsables des fuites qui devraient être tenus pour responsables. »
Étant donné le sinistre passif de l'appareil des services de renseignement américain dans le financement et le soutien des fondateurs d'Al Qaïda et étant donné les preuves nombreuses indiquant que les agences de renseignement américaines ont laissé faire les attaques du 11 septembre, il faut interpréter ces paroles comme une mise en garde. En effet des provocations similaires pourraient être manigancées pour fournir un prétexte visant à empêcher toute nouvelle publication des révélations sur la surveillance pratiquée par le gouvernement américain.
Alexander a ajouté une menace ouverte contre les médias. « On subit ces dénonciations dans la presse en raison de ce que les journalistes publient, » a-t-il dit. « Je pense que ce n'est pas juste que les journalistes aient tous ces documents, ces quelque 50 000 documents, qu'ils vendent et montrent à tout le monde comme si ces – vous voyez, ça n'est pas raisonnable. Nous devons trouver un moyen d'arrêter ça. »
Le chef de la NSA n'a pas précisé les méthodes qui pourraient être employées, il n'a fait référence qu'à de vagues possibilités de poursuites devant les tribunaux. Cependant, pour l'appareil militaire et du renseignement américain, il n'y a aucune limite que l'on ne pourrait franchir, y compris le meurtre d'Etat de lanceurs d'alerte comme Edward Snowden, pour tenter d'empêcher les révélations sur la construction d'un Etat policier américain.
Les déclarations d'Alexander soulignent la prééminence aux plus hauts échelons de l'Etat américain d'une mentalité digne d'un Etat policier et qui est totalement hostile à toute idée de droits démocratiques. Il parle au nom d'une large couche de responsables militaires et des services de renseignement ainsi que de politiciens dont le but est de traîner devant les tribunaux et de faire taire ceux qui démasquent les véritables criminels.
Cette vendetta contre des personnes aussi courageuses que Snowden, Julian Assange et le soldat Bradley Manning a reçu le soutien général de l'ensemble de l'élite politique et médiatique. Il n'y a pratiquement aucune opposition sérieuse de la part de ce qui passait pour être l'élite libérale ni d'aucune section du Parti démocrate.
Au contraire, sous un président du Parti démocrate, Barack Obama, l'espionnage généralisé du peuple américain a été développé bien au-delà de ce qui se passait sous Bush. Cela s'est accompagné d'une augmentation des assassinats par drones, y compris de citoyens américains, ainsi que des lois institutionnalisant la détention à durée indéfinie de personnes désignées comme terroristes sans mise en accusation ni procès.
La tentative d'Alexander de défendre l'espionnage d'Etat policier en utilisant le prétexte passe-partout de la « guerre contre le terrorisme » semble encore plus absurde suite aux récentes révélations d'espionnage par la NSA des téléphones personnels de la chancelière allemande Angela Merkel et de dizaines d'autres chefs d'Etat.
Ni Alexander ni aucun autre défenseur des programmes de surveillance de masse n'essaie de présenter un argument sérieux pour expliquer qu'intercepter les appels téléphoniques et les textos de Merkel et des dirigeants des autres grands pays est nécessaire dans le cadre d'une lutte contre les terroristes d'Al Qaïda.
Tout cela est clairement motivé par la politique étrangère agressive et hégémonique de l'élite dirigeante américaine.
La vague d'indignation outre-Atlantique concernant l'espionnage par la NSA a porté un coup aux prétentions politiques de l'impérialisme américain. Il devient de plus en plus difficile pour Washington de se présenter comme le protagoniste de la « guerre contre le terrorisme » ou bien comme le chef de file du « monde libre. »
Mais comme le montrent les commentaires d'Alexander, qu'importe les protestations ou la pression, rien n'infléchira les opérations de l'appareil militaire et des services de renseignement américain. En dernière analyse, il faut faire remonter l'intensification des pouvoirs d'Etat policier par le gouvernement américain à l'aggravation de la polarisation sociale aux États-Unis. C'est un processus qui est reproduit, à des degrés divers, dans tous les pays capitalistes.
Il est impossible de maintenir des formes de pouvoir démocratiques dans une société où une minuscule poignée de seigneurs de la finance contrôlent la vie économique et exigent la destruction des emplois, des niveaux de vie et des prestations sociales de base des travailleurs, qui représentent la grande majorité de la population.
Il faut comprendre les menaces d'Alexander comme une mise en garde. La défense des droits démocratiques exige la mobilisation de la classe ouvrière, aux États-Unis et internationalement, qui lutte pour un programme socialiste révolutionnaire afin de mettre fin au système d'exploitation capitaliste. C'est la seule base sérieuse pour une lutte contre l'Etat policier américain qui est en train d'émerger.
(Article original paru le 28 octobre 2013)