Home » Nouvelles internationales » Amériques » Amérique du Nord » Etats-Unis

Il faut défendre Edward Snowden !

Par Barry Grey et David North
14 juin 2013

Le World Socialist Web Site et le Socialist Equality Party (SEP,Parti de l'égalité socialiste) appellent tous les travailleurs, étudiants et jeunes aux États-Unis et partout ailleurs à prendre la défense d'Edward Snowden.

Snowden est la cible d'une chasse à l'homme massive de la part du gouvernement, organisée en réaction à ses révélations courageuses des programmes de surveillance secrets et illégaux qui visent des millions de gens aux États-Unis et de par le monde. Sa défense est une question de la plus haute urgence.

Le gouvernement Obama a déjà dit qu'il envisage de mettre en examen cet ancien employé de la NSA de 29 ans. Des députés, des sénateurs et des commentateurs des médias l'ont dénoncé pour trahison et ont demandé qu'il soit emprisonné à vie ou exécuté.

Les accusations de trahison sont une diffamation honteuse. Ce n'est pas Snowden qui a trahi les principes démocratiques incarnés dans le Bill of Rights. En révélant la conspiration contre ces droits et en s'exposant publiquement, au risque de perdre sa carrière et peut-être la vie, il prend la défense de ces droits.

Snowden n'exagérait pas le moins du monde quand il a dit que sa vie était en danger. Il ne fait aucun doute que sa décision de rendre l'information publique a été prise en partie parce qu'il s'est rendu compte que sa défense dépend d'un public informé, et qu'autrement il pourrait être ciblé et devenir la prochaine victime du programme d'assassinats du gouvernement Obama.

Ce qui est extraordinaire, c'est que toute la rage et la colère du Congrès et des médias sont dirigées non pas contre les responsables de ces violations massives de la constitution américaine, mais contre l'homme qui les a révélées. Il y a encore quelques semaines, le directeur des renseignements nationaux, James Clapper, s'est parjuré devant une commission du Sénat quand on lui a demandé s'il existait des programmes du gouvernement rassemblant des données sur des millions d'américains. Et pourtant aucun responsable ni aucun journal ne demande qu'il soit poursuivi.

Il n'y a pas non plus d'appel à une procédure de destitution contre Obama. Il y a quarante ans de cela, Richard Nixon était menacé de destitution pour des actions dont la gravité en matière de violations de la constitution étaient bien inférieure à celle des actions menées par le président actuel.

La réaction hystérique et brutale de l'establishment face aux révélations de Snowden a montré clairement à quel point les conceptions antidémocratiques, autoritaires et même fascistes sont ancrées dans la manière de penser de l'Etat américain et des médias. Au sein de ces couches, il y a une hostilité manifeste croissante contre le Bill of Rights (déclaration des droits fondamentaux), et derrière cela, contre le peuple américain.

Ceux qui accusent Snowden de trahison et qui persécutent Bradley Manning et Julian Assange sont eux-mêmes des traîtres aux droits démocratiques du peuple américain. Ils sont complices d'une conspiration qui cherche à imposer la dictature.

S'alignant sur le gouvernement Obama, la NSA, la CIA, le FBI et le Pentagone, l'énorme appareil de propagande des médias américains est mobilisée dans une tentative désespérée d'empoisonner l'opinion publique contre Snowden. Un exemple parfait en est le New York Times et son chroniqueur David Brooks.

Brooks est l'un des nombreux commentateurs qui se sont concentrés sur l'âge de Snowden ; il écrit que Snowden représente « une part croissante de jeunes gens qui ont la vingtaine. » L'establishment politique et les médias ont peur. Ils voient correctement en Snowden non pas juste un individu, mais le représentant de toute une génération qui ne se reconnaît plus du tout dans les institutions officielles et qui a perdu toute confiance en elles, ne les voyant plus comme les garantes des droits démocratiques.

Dans une chronique publiée mardi et intitulée, « Le divulgateur solitaire, » Brooks dénonce Snowden et les millions d'autres jeunes gens qui partagent sa méfiance envers le système politique, en utilisant les mêmes types d'arguments qui étaient utilisés dans les années 1930 pour défendre les dictatures fascistes de Franco, Mussolini et Hitler.

Il se pose en champion des vertus des « structures autoritaires : la famille, les voisins, les groupes religieux, l'Etat, la nation et le monde. » Il prêche « le respect des institutions » et « la déférence aux usages, » et il s'emporte contre les « fortes convictions [de Snowden] que la hiérarchie et les organisations sont suspectes » ainsi que contre sa « dévotion fervente pour la transparence. »

En lançant l'accusation absurde que Snowden aurait « trahi la constitution, » Brooks fait preuve non seulement d'hostilité, mais d'une ignorance complète des fondements démocratiques de la République américaine. Il écrit : « Les fondateurs n'ont pas créé les États-Unis pour que n'importe quel type solitaire de 29 ans puisse prendre des décisions unilatérales sur ce qui devrait être révélé. »

Les fondateurs, dont beaucoup avaient entre 25 et 35 ans, défendaient les droits du peuple à « prendre la décision unilatérale » de mener une révolution et de renverser un régime oppressif. Ils écrivirent explicitement la constitution en partant du principe que le gouvernement ne devait pas se fonder sur la confiance, mais plutôt sur le fondement d'une « méfiance organisée, » de peur de le voir se transformer en une nouvelle forme de despotisme. D'où l'insistance sur un gouvernement par la loi, et non par les gens, ainsi qu'un système d'équilibre entre les trois pouvoirs.

Brooks conclut en accusant Snowden d'être « obsédé » par l'accumulation des données et d'en oublier « les dommages qu'il a causés aux équilibres sociaux et aux liens invisibles qui les font tenir. »

Snowden est le produit des expériences de sa génération, qui ont politisé et radicalisé des millions de personnes. Né en 1983, il a grandi dans le contexte d'une inégalité sociale grandissante et de l'effondrement des syndicats qui ne remplissaient plus leur rôle d'opposition sociale.

L'expérience politique fondamentale de Snowden alors qu'il atteignait l'âge adulte a été le 11 septembre 2001, et la prétendue « guerre contre le terrorisme. » Manquant d'expérience politique, sa réponse initiale a été une combinaison naïve d'idéalisme et de patriotisme. Il a commencé par croire le gouvernement américain. Les dix années suivantes allaient détruire ses illusions.

Il s'est engagé dans l'armée parce que, comme il l'a dit, il « ressentait une obligation en tant qu'être humain de contribuer à libérer d'autres peuples de l'oppression. » Il a rapidement perdu ses illusions parce que « la plupart des gens qui nous formaient semblaient excités à l'idée de tuer des Arabes, et non pas d'aider qui que ce soit. » Lui, comme des millions d'autres, a découvert que la guerre d'Irak s'appuyait sur le mensonge selon lequel Bagdad aurait détenu des armes de destruction massives.

Il a vu, sous George W.Bush, l'utilisation par les États-Unis de la torture contre les détenus d'Abu Ghraib en Irak et dans les camps de prisonniers américains à Guantanamo, la destruction de la ville irakienne de Falludja, et d'innombrables autres crimes de guerre en Irak et en Afghanistan, ainsi qu'une flopée de mesures dignes d'un Etat policier comme la détention pour une durée indéterminée sans procès, les enlèvements à l'étranger, et la surveillance de la vie privée à grande échelle. Il a été affecté par les promesses de campagne de Barack Obama et ses déclarations contre la guerre en Irak et les atteintes de Bush aux droits démocratiques, mais il a été encore plus dégoûté du système politique par ce qu'il a appelé « la lente prise de conscience que les présidents pouvaient mentir ouvertement pour gagner les élections, puis laisser tomber leurs promesses faites publiquement sans que cela ait de conséquences.»

Snowden a résumé avec éloquence les motivations qui l'ont conduit à divulguer les informations sur le programme de la NSA et à en assumer toutes les responsabilités, en déclarant au South China Morning Post mardi soir, « Je ne suis pas ici pour me soustraire à la justice ; je suis ici pour révéler des crimes. »

L'évolution de Snowden terrifie l'élite dirigeante. Elle est en train de perd de sa crédibilité et la confiance des masses. Puisque cette élite dirigeante ne peut récupérer leur allégeance par la persuasion, elle s'en remet à la terreur et aux menaces. Elle veut faire un exemple de Snowden afin d'intimider les autres.

La démocratie s'effondre en Amérique sous le poids du militarisme impérialiste et de la concentration de la richesse et du pouvoir entre les mains du un pour cent le plus riche de la population.

Les travailleurs et les jeunes, aux États-Unis et de par le monde, doivent prendre la défense d'Edward Snowden, ainsi que de Bradley Manning et de Julian Assange. Il faut construire le soutien pour eux sur les lieux de travail, les universités et les lycées, ainsi que dans les quartiers ouvriers. Leur défense doit devenir le fer de lance du développement d'un mouvement de masse en défense des droits démocratiques.

La lutte pour les droits démocratiques est inséparablement liée au développement d'un mouvement politique de la classe ouvrière américaine et internationale contre le système capitaliste, qui est la source de la guerre, de l'inégalité sociale et de la poussée vers la dictature.

Il n'y a pas de temps à perdre. Contactez le Socialist Equality Party (SEP, Parti de l'égalité socialiste) et impliquez-vous dans la lutte pour défendre Edward Snowden.

Cliquez ici pour nous contacter.

(Article original paru le 13 juin 2013)