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Les États-Unis menacent d'une guerre avec la Corée du Nord et demandent à la Chine de lui retirer son soutien

Par Alex Lantier
10 avril 2013

Au cours du week-end, les responsables américains ont continué à menacer la Corée du Nord de guerre, exigeant que la Chine retire son soutien au régime de Pyongyang.

Cela intervient après des semaines de menaces américaines visant le programme nucléaire de Pyongyang, durant lesquelles Washington a envoyé des bombardiers nucléaires en Corée pour faire preuve de sa capacité à mener une guerre nucléaire contre le Nord. La semaine dernière, les responsables américains avaient révélé que ces actions faisaient partie d'un « playbook [plan de match] » des escalades américaines – visant à terroriser le gouvernement Nord-coréen et sa population.

Le général Walter Sharp, l'ex-commandant militaire américain en Corée du Sud, a dit à la station de radio NPR (National Public Radio) : « Il y a eu beaucoup d'efforts au cours des deux années et demie passées pour construire ce plan de contre provocation. Parce que c'est un équilibre difficile dans le cadre d'une réponse forte : ne pas donner dans l’escalade, mais être prêt à aller en guerre. »

Sharp a dit que les forces armées des États-Unis et de la Corée du Sud réagiraient rapidement à tout tir le long de la frontière de la part de la Corée du Nord et qu'elles se préparent à une réplique écrasante. Il a expliqué, « Il y a des options sur lesquelles des gens ont travaillé dans les moindres détails et qui pourraient très rapidement être présentées au président Park [Geun-hye de Corée du Sud] et du président Obama. »

NPR a commenté en disant, « c'est le scénario de l'escalade, et il mène à une guerre complète. »

Hier, avec les informations des services de renseignements indiquant que la Corée du Nord pourrait être en train de préparer un test de lancement d'un missile pour le 10 avril, la Corée du Sud a envoyé deux navires équipés du système anti-missile Aegis opérer dans les eaux des deux côtés la péninsule Coréenne.

Le Japon a indiqué qu'il envisageait également de déployer ses propres navires de guerre sur la zone. Le porte-parole du gouvernement japonais Yoshhihide Suga a indiqué que Tokyo se préparait au « pire » scénario possible et a demandé que la Chine et la Russie jouent un « rôle significatif » pour résoudre cette confrontation.

Il y a des informations non confirmées selon lesquelles Washington a commencé à transférer des groupes de bombardiers lourds B-1 des États-Unis vers le pacifique occidental.

Des représentants des États-Unis qui se sont exprimés dimanche ont exigé que la Chine force le régime de la Corée du Nord à se plier aux demandes américaines. Pyongyang dépend de la Chine pour un approvisionnement essentiel en nourriture et en carburant.

Sur CBS, le sénateur républicain de l'Arizona John McCain a déclaré, « la Chine peut isoler son économie [celle de la Corée du Nord] si elle le veut. Le comportement Chinois a été très décevant, que ce soit sur la cyber-sécurité, ou sur la confrontation en Mer de Chine du Sud, ou que ce soit du point de vue de leur incapacité à contrôler ce qui pourrait être une situation catastrophique. »

Le sénateur démocrate Charles Schumer de New York, a ajouté, « les Chinois ont beaucoup de cartes entre leurs mains dans cette situation. Ils sont par nature prudents, mais ils poussent cela à l'extrême. Il est temps qu'ils mettent leur poids sur la balance et exercent un peu de pression sur le régime nord-coréen. »

Le régime Chinois de Pékin, qui est en pleine transition du pouvoir à la fois à la tête de l'Etat et du Parti communiste chinois, est divisé sur la manière de réagir à la crise Coréenne.

Au sommet régional des affaires de Boao, en Chine, le président chinois Xi Jinping a dit, « personne ne devrait être autorisé à lancer une région et même le monde entier dans le chaos pour des bénéfices égoïstes. » Cette remarque minutieusement formulée exprime l'inquiétude de Pékin à propos de l'éclatement possible du conflit militaire, sans accuser directement ni la Corée du Nord ni les États-Unis d'être le camp responsable.

D'un côté, Pékin a donné plusieurs indications de son hostilité croissante envers Pyongyang. La Chine a déjà voté en faveur des sanctions de l'ONU contre la Corée du Nord à propos de son programme nucléaire au début de l'année.

Au sommet de Boao, Xi a également donné son accord à une série extensive d'exercices militaires et d'échanges avec les forces armées australiennes. Le gouvernement de la Premier ministre australienne Julia Gillard est étroitement aligné sur les intérêts impérialistes des États-Unis dans la région. Il a donné son accord à l'installation d'une base américaine en Australie dans le cadre du « pivot vers l'Asie » du gouvernement Obama visant à contenir la Chine.

Cependant, des sections de l'armée chinoise et de la bureaucratie ont ouvertement remis en question les tentatives de Pékin de s'adapter à la politique américaine.

Comme l'a rapporté le Sydney Morning Herald, le colonel Dai Xu de l'Université de la défense nationale de l'Armée de libération du Peuple a protesté contre des mesures destinées développer des liens plus étroits avec l'Australie : « l'Australie est l'un des chaînons dans l'encerclement américain de la Chine. La première étape du mouvement stratégique [de l'Amérique] vers l'Est a été d'envoyer des troupes en Australie. Les relations sino-australiennes ont toujours été bonnes, très bonnes – [Gillard] peut bien sûr dire cela, mais en Chine nous disons, ‘écoutons ce qu'ils disent, voyons ce qu'ils font.’ Les États-Unis prennent l'Australie comme base, et qui cela vise-t-il ? »

La presse occidentale spécule sur le fait que Zhou Yongkang, un membre du puissant Comité permanent du Politburo de Pékin, est un soutien influent du régime de la Corée du Nord. Un officiel du PCC qui a eu des responsabilités dans l'industrie du pétrole et dans la politique de défense, il aurait soutenu l'arrivée au pouvoir de Kim Jong Un en Corée du Nord en 2011.

Washington fait peser une pression énorme sur Pékin. Des sections de la presse américaine et du monde des affaires étrangères sont maintenant en train d'entretenir l'idée que Washington va partir en guerre et assassiner les dirigeants de la Corée du Nord – comme il a tué le président Irakien Saddam Hussein et le colonel Mouammar Kadhafi quand il s'est emparé de leurs pays. C'était là le thème d'un récent article de la revue Foreign Affairs par les universitaires Keir Lieber et Daryl Press, intitulé « La prochaine Guerre de Corée. »

Si la guerre éclatait, écrivent-ils, étant donné la faiblesse de Pyongyang, « les cercles dirigeants de Corée du Nord seraient confrontés à une grave décision : comment éviter le sort terrible des dirigeants déchus comme Saddam Hussein et Mouammar al-Kadhafi. » Lieber et Press voient pour les dirigeants de Pyongyang deux possibilités d'éviter d’être assassinés par des forces américaines et coréennes du Sud : un accord leur permettant de s’enfuir à Pékin, ou une tentative de faire reculer l'action militaire des États-Unis en se servant des bombes atomiques de la Corée du Nord.

Sur cette base, ils défendent une politique de pression sur Pékin pour aider Washington à organiser la chute du régime de Pyongyang et la fuite de ses dirigeants vers la Chine : « Les dirigeants américains et sud-coréens devraient inciter la Chine à développer des plans de "parachute dorés" pour la direction nord-coréenne et leurs familles… par le passé, la Chine a renâclé de manière compréhensible pour tenir des discussions officielles avec les États-Unis sur le fait de faciliter la chute d'un allié. Mais la perspective d'une guerre nucléaire juste à côté pourrait inciter Pékin à entreprendre des démarches plus directes. »

Ces lignes détaillent franchement le chantage nucléaire par lequel Washington menace Pékin : la Chine peut soit faire face à une guerre nucléaire, soit acquiescer au changement de régime à Pyongyang et à un infléchissement de la politique chinoise plus favorable à l'impérialisme américain. En cherchant à intimider Pékin, l'impérialisme américain joue pour le plus gros lot – non seulement la domination géostratégique en Asie orientale, mais au Moyen-Orient et pour toute l'économie mondiale.

En agissant contre Pyongyang, Washington menace également l'Iran de guerre s'il n'abandonne pas son propre programme nucléaire. Il vise à empêcher Pyongyang de garder ses armes nucléaires et donc de servir de modèle au programme nucléaire iranien, et la Chine de protéger l'Iran contre les menaces de guerre des États-Unis. Cela donnerait à Washington un levier plus grand pour poursuivre la lutte au Moyen-Orient.

Washington essaye également de dissuader la Chine de toute pression économique de sa part. D'après les statistiques du Trésor américain, la Chine détenait 1600 milliards de dette publique américaine en septembre 2012. Toute augmentation significative des taux d'intérêts ou décision de la part des pays d'Asie orientale d'arrêter de prêter au gouvernement américain aurait des conséquences économiques potentiellement catastrophiques.

Dans Foreign Affairs, l'économiste Fred Bergsten a écrit au sujet du déficit commercial et budgétaire américain sous le premier mandat d'Obama que « les investisseurs étrangers pourraient à un certain moment refuser de financer ces déficits dans des termes compatibles avec la prospérité des États-Unis. Tout arrêt soudain des prêts aux États-Unis ferait baisser le dollar, pousserait l'inflation et les taux d'intérêt vers le haut, et pourrait mener à un atterrissage chaotique des États-Unis – et de l'économie mondiale dans son ensemble. »

En réaction à cela, Washington se lance tête baissée et vise à imposer sa politique cherchant à éviter l'effondrement économique par des menaces de guerre et d'intimidation nucléaire.

(Article original paru le 8 avril 2013)