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Les récentes décisions prises par la Fed et la Banque centrale européenne

Le parasitisme financier et le pillage sont la « nouvelle norme »

Par Nick Beams
18 septembre 2012

Le parasitisme financier et le pillage sont la « nouvelle norme. »

La décision annoncée la semaine passée par le Conseil de surveillance de la banque centrale des Etats-Unis (Fed) de fournir un soutien indéfini aux marchés financiers au moyen d’un troisième plan d’assouplissement quantitatif (quantitative easing, QE3) associée à une décision antérieure de la Banque centrale européenne (BCE) d’intervenir sur les marchés obligataires, marque une nouvelle étape dans l’écroulement de l’économie capitaliste mondiale qui a débuté avec l’effondrement de Lehman Brothers.

Les décisions prises par les principales banques centrales d’injecter davantage d’argent dans le système financier mondial signifient que quatre ans après que les marchés financiers se sont trouvés au bord de l’effondrement en 2008, il n’y a aucune perspective de retour à ce qui jadis était considéré être des conditions « normales ».

Loin de réduire son soutien aux banques et aux institutions financières, la Fed est en train de l’augmenter. Les interventions précédentes avaient été mises en œuvre avec une durée limitée. Dans la récente décision, la Fed a pris un engagement indéfini. Comme le montre le titre d’un article paru dans le Financial Times, « La Fed cible l’infini et au-delà. »

De plus, la forme de l’engagement marque un tournant majeur. Au lieu de racheter les bons du trésor, la Fed va intervenir à concurrence de 40 milliards de dollars par mois pour acquérir des banques et des sociétés d’investissement des titres adossés sur hypothèques. Elle permettra ainsi aux banques de se débarrasser d’un certain nombre d’« actifs toxiques » qui ont été l’élément déclencheur de l’effondrement.

On avait l’habitude de dire que la tâche de la Fed était de jouer les trouble-fête au moment où la fête va commencer. Ce n’est plus le cas. Actuellement, la Fed s’est engagée à accroître la consommation d’alcool en promettant d’en assurer son approvisionnement indéfiniment.

Fournissant une justification de cette décision, le président de la Fed, Ben Bernanke, a avancé la persistance de hauts niveaux de chômage aux Etats-Unis – la création d’emplois même au niveau des bas salaires qui prévalent actuellement aux Etats-Unis ne réussit pas à progresser parallèlement à la croissance de la population – et la croissance anémique de l’économie américaine. Selon la théorie conventionnelle, les agissements de la Fed abaisseront les taux d’intérêt à tous les niveaux, rendant les décisions d’investir plus attrayantes pour les entreprises et menant à la croissance économique ainsi qu’à une augmentation de l’emploi.

Mais, comme Bernanke le sait parfaitement, et comme le savent tous ceux qui évoluent dans les cercles financiers, ces conditions ne s’appliquent pas. Les entreprises, en premier lieu les institutions financières, continuent d’accumuler les profits qui ne servent pas à financer de nouveaux investissements productifs. Au lieu de cela, les profits sont canalisés vers de vastes réserves de liquidités destinées à la spéculation.

De plus, les coupes du gouvernement dans les dépenses publiques tant en Europe qu’aux Etats-Unis réduiront les salaires et augmenteront le chômage, en diminuant ainsi la demande des consommateurs. La BCE a imposé comme condition préalable que les gouvernements dont elle achète les obligations doivent mettre en place des mesures d’austérité visant à réduire les dépenses et à accroître le chômage. Aux Etats-Unis, les dépenses gouvernementales sont en train de se contracter et elles sont même susceptibles de diminuer encore davantage d’ici la fin de l’année avec l’arrivée de la soi-disant « falaise fiscale » suite à l’entrée en vigueur des décisions prises antérieurement par le Congrès et dont l’effet est d’engager automatiquement des coupes.

La décision de la Fed ne vise pas à « relancer » l’économie de quelque façon que ce soit. Son application au marché vise plutôt à faire augmenter les cours des actions et des titres adossés aux actifs, en faisant grimper les profits des entreprises, en premier lieu des banques et institutions financières, non pas en investissant dans l’économie réelle mais grâce à des opérations financières. En d’autres termes, ce même parasitisme financier qui a entraîné l’effondrement de Lehman Brothers et a conduit au quasi écroulement du système financier mondial et américain est devenu la politique officielle de la Fed.

On peut observer les intérêts de classe que cette politique sert, à la fois dans la manière dont elle est appliquée et dans ses conséquences.

Le journaliste économique Michael West a très bien résumé les circonstances de son application dans un article publié samedi dans le Sydney Morning Herald.

« Ils ont exigé que la Fed ‘tienne parole’, » écrit-il. « Les conséquences d’un ‘échec’ seraient ‘terribles’, se sont-ils écriés. » Bernanke s’est ensuite «montré très obligeant envers les acteurs de Wall Street » avec « le filon suprême de la planche à billets. Et après ils ont eu le culot de présenter cela comme une aubaine pour les chômeurs. En réalité, cela veut dire que les banques déversent à coups de pelle leurs dettes mauvaises hypothécaires dans le giron des contribuables à hauteur de 40 milliards de dollars par mois. »

Comme il l’a précisé, la Fed n’achète pas seulement les obligations du gouvernement, mais les « titres adossés sur hypothèques qui alourdissent les bilans de Wall Street. »

La décision de la Fed aura des conséquences mondiales qui toutes auront un effet défavorable sur les conditions sociales et économiques des travailleurs tout comme sur les plus pauvres dans le monde. Sitôt la décision annoncée, les cours du pétrole et de l’or ont bondi, signalant une nouvelle série de spéculations sur les produits.

Ceci influera sur les prix des carburants pour le transport ainsi que pour la cuisine et le chauffage et provoquera l’inflation sur les produits alimentaires de base. D’ores et déjà, le prix du maïs, du blé et des graines de soja, qui sont essentielles au bien-être de millions de gens, a commencé à augmenter.

En imprimant de l’argent, la Fed sape aussi la valeur du dollar sur les marchés monétaires, ce qui aura un impact significatif en Europe compte tenu de l’augmentation de l’euro. Ceci entraînera davantage de réductions dans les exportations et une augmentation accrue du chômage alors que les entreprises auront de plus en plus de difficultés à affronter la concurrence.

Des pays tels que le Brésil et l’Australie, où les augmentations de la valeur de la monnaie ont déjà fortement pénalisé l’industrie manufacturière, seront également fortement touchés. Une plus forte pression à la baisse sur le dollar augmentera le risque de « guerres monétaires » alors que les gouvernements nationaux s’efforcent de maintenir leur marché d’exportation.

Il existe aussi un aspect politique à la décision de la Fed. En 2008, l’effondrement de Lehman Brothers avait joué un rôle crucial en faisant basculer le soutien de sections clé de l’élite dirigeante américaine derrière l’élection de Barack Obama aux dépens de son adversaire républicain John McCain.

La récente action de la Fed, juste avant les élections de cette année, donnera également un coup de pouce à la campagne pour la réélection d’Obama.

Mais, les conclusions politiques les plus significatives sont celles que la classe ouvrière doit tirer. La décision de promouvoir le parasitisme financier aux dépens des emplois, des moyens d’existence et de la situation sociale de la classe ouvrière aux Etats-Unis et de par le monde est une fois encore une puissante expression de la crise historique et de la faillite du système capitaliste. Il n’y a pas de « reprise » économique au détour du chemin.

Les banques et les intérêts financiers représentés par la Réserve fédérale américaine et par la BCE ont un programme : le parasitisme associé au pillage systémique et à l’appauvrissement de la population.

La classe ouvrière aux Etats-Unis et internationalement doit adopter son propre programme, bien élaboré et pour lequel il faudra lutter jusqu’au bout. Elle doit initier une lutte pour des gouvernements ouvriers en faveur de l’expropriation des banques et des institutions financières comme premier pas indispensable à l’établissement d’une économie socialiste planifiée dans laquelle les ressources créées par le travail de milliards de personnes serviront à satisfaire les besoins humains au lieu des profits.

(Article original paru le 17 septembre 2012)