Julian Assange demande la fin de la chasse aux sorcières des Etats-Unis
Par Mike Head
24 août 2012
L'éditeur de WikiLeaks Julian Assange s'est exprimé depuis un balcon de l'ambassade d'Equateur à Londres hier, dénonçant la persécution américaine contre lui et WikiLeaks, et exposant les manœuvres du gouvernement britannique pour entrer de force dans l'ambassade la semaine dernière pendant que l'Equateur se préparait à lui accorder l'asile diplomatique.
Dans une autre tentative d'intimidation de la part du gouvernement britannique, 200 policiers ont formé un cordon dans les rues entourant l'ambassade, et occupé les abords du bâtiment, pendant qu'Assange s'adressait aux centaines de partisans et d'envoyés des médias.
Assange a déclaré que durant la nuit de mercredi dernier, il avait entendu la police « prendre d'assaut » le bâtiment en passant par l'issue de secours, mais la présence de ses partisans à l'extérieur avait empêché son arrestation. « Si le Royaume-Uni n'a pas piétiné les termes de la Convention de Genève sur les relations consulaires, c'est parce que le monde veillait. » a-t-il dit.
Le gouvernement britannique de coalition entre libéraux et conservateurs avait menacé de retirer l'accréditation de l'ambassade équatorienne et d'envoyer la police s'emparer d'Assange, en violation manifeste de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations consulaires, laquelle impose de traiter les locaux des ambassades comme s'ils étaient des territoires étrangers.
Le gouvernement britannique a refusé de commenter la déclaration d'Assange, il ne nie donc pas que la police soit entrée dans le bâtiment. Le gouvernement ne cache pas ses plans d'expédier de force le fondateur de WikiLeaks vers la Suède, au prétexte de l'interroger sur des accusations d'atteintes sexuelles montées de toutes pièces, ce qui faciliterait son transfert vers les États-Unis pour y être jugé pour espionnage.
Il est de plus en plus évident que le gouvernement Obama et ses alliés, dont les gouvernements de Grande-Bretagne, de Suède et d'Australie – le pays dont Assange est citoyen – sont déterminés à piétiner le droit international, et les droits démocratiques fondamentaux, pour incarcérer Assange et faire fermer WikiLeaks. Le seul "crime" d'Assange est d'avoir publié des centaines de milliers de documents exposants les crimes de guerre américains en Afghanistan et en Irak, ainsi que les machinations réactionnaires des puissances impérialistes.
Assange a averti que tant que WikiLeaks serait menacé, « la liberté d'expression et la santé de toutes nos sociétés le seraient aussi. » Il a indiqué que le gouvernement américain risque de « s'élancer dans le précipice, nous entraînant tous dans un monde dangereux et oppressant dans lequel les journalistes se taisent par peur de poursuites judiciaires et les citoyens doivent murmurer en cachette. »
Il a déclaré que les États-Unis « doivent renoncer à leur chasse aux sorcières contre WikiLeaks, » « dissoudre l'enquête du FBI, » « jurer qu'ils ne chercheront pas à poursuivre notre équipe et nos partisans » et « faire serment devant le monde qu'ils ne poursuivront pas des journalistes pour avoir braqué les projecteurs sur les crimes secrets des puissants. »
Le fondateur de WikiLeaks a également demandé la libération de Bradley Manning. Ce soldat de l'armée américaine, accusé d'avoir divulgué des documents compromettants de l'armée américaine à WikiLeaks est détenu et maltraité depuis plus de 850 jours dans une tentative évidente de le forcer à témoigner contre WikiLeaks. Cela pourrait permettre ensuite d'accuser Assange de « conspiration pour commettre un acte d'espionnage. »
Assange a déclaré que Manning « reste dans une prison militaire à Fort Leavensworth au Kansas, et que selon les Nations Unies il a enduré des mois de tortures durant sa détention à Quantico en Virginie, et n'a toujours pas été jugé – après deux ans de prison. » Assange a ajouté : « Si Bradley Manning a vraiment fait ce dont il est accusé, c'est un héros, un exemple pour nous tous et l'un des plus importants prisonniers politiques du monde. »
Sur tous ces points, Assange en a appelé au président américain Barack Obama pour qu'il « fasse ce qui est nécessaire. » Mais le gouvernement d'Obama a aussitôt dit clairement qu'il n'a aucune intention de mettre fin à ses opérations contre Assange, en déclarant qu'il ne reconnaissait pas l'asile diplomatique.
Le gouvernement équatorien s'est appuyé sur un accord de 1954 de l'Organisation des Etats d'Amérique (OEA) qui permet d'accorder l'asile diplomatique dans les ambassades aux « personnes poursuivies pour des raisons politiques. » Le ministère des Affaires étrangères américain a dit que les États-Unis « ne sont pas parties à la Convention de 1954 de l'OEA sur l'asile diplomatique et ne reconnaissent pas le concept d'asile diplomatique comme faisant partie du droit international. »
Plus tôt, le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague avait également déclaré : « Le Royaume-Uni ne reconnaît pas le principe de l'asile diplomatique. » Ces déclarations soulignent l'absence totale de principes des États-Unis et de leurs partenaires.
Si les États-Unis ont refusé de signer la convention de 1954, ils ont souvent utilisé leurs ambassades pour protéger des individus choisis pour leurs propres fins politiques. Il y a tout juste trois mois, en mai, l'activiste des droits de l'Homme chinois Chen Guangcheng s'est réfugié à l'ambassade américaine de Pékin après avoir échappé à une assignation à résidence et a rapidement obtenu l'asile aux États-Unis.
Par ailleurs, la Maison blanche a voté contre l'organisation d'une réunion d'urgence de l'OEA à Washington ce vendredi qui discutera des objections de l'Équateur face aux menaces britanniques contre son ambassade. Seuls le Canada ainsi que Trinidad et Tobago se sont joints aux États-Unis pour s'opposer à cette résolution qui est passée par 23 voix contre 3.Les ministres des Affaires étrangères de l'Union des nations d'Amérique du Sud ont également exprimé leur « solidarité » avec l'Équateur et incité les parties « À poursuivre le dialogue à la recherche d'une solution mutuellement acceptable. »
Dans un discours à la nation ce week-end, le président équatorien Raffael Correa a dénoncé comme « intolérable et explicite » la menace anglaise de prendre d'assaut l'ambassade à Londres. Il a déclaré que son pays avait décidé d'accorder l'asile à Assange après n'avoir pas réussi à obtenir de garanties de la part de l'Angleterre et de la Suède que le fondateur de WikiLeaks ne serait pas extradé vers un pays tiers, « car cela mettrait la vie et la liberté de M. Assange en péril. »
Lorsque le ministre des Affaires étrangères d'Équateur, Ricardo Patino, a annoncé la semaine dernière la décision d'asile, il a révélé que son gouvernement avait également demandé spécifiquement au gouvernement américain (1) s'il y avait une quelconque procédure existante ou en projet contre Assange et/ou WikiLeaks, (2) quelles seraient les peines maximales applicables, et (3) s'il était prévu de demander l'extradition d'Assange vers les États-Unis. Le gouvernement d'Obama a refusé de fournir la moindre information sur l'affaire Assange.
La Suède a également refusé une offre de l'Équateur d'autoriser les procureurs suédois à interroger Assange à l'ambassade, en personne ou par vidéoconférence. Ce fait révèle les efforts des médias en Grande-Bretagne et partout dans le monde pour ternir le nom d'Assange en le présentant comme un égoïste qui ne chercherait qu'à échapper aux accusations de délit sexuel de la Suède.
Le fait est qu'Assange a régulièrement proposé d'être interrogé en Grande-Bretagne. De plus, aucune accusation n'a jamais été déposée contre lui. Ces allégations ont été concoctées par la police suédoise et le parquet à la fin de 2010 après que deux femmes ont eu des relations consenties avec lui (lire en anglais : Australian TV program exposes Assange frame-up).
Il ne fait pas de doute que le moment du coup monté suédois ait été calculé politiquement. Il est intervenu juste après que le gouvernement d'Obama a orchestré la réunion d'un Jury d'accusation (Grand jury) secret pour examiner les accusations possibles contre Assange, dont « conspiration pour communiquer ou transmettre des informations sur la défense nationale » et « conspiration pour commettre un acte d'espionnage. »
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(Article original anglais paru le 20 août 2012)