La crise de l’euro: les grandes puissances planifient un nouveau renflouement bancaire
Par Stefan Steinberg
1 octobre 2011
Avec les grandes puissances titubant à nouveau vers la récession, les gouvernements de part et d’autre de l’Atlantique planifient un nouveau sauvetage des banques. Il existe des divergences significatives quant à la manière d'organiser un tel renflouement, mais il y a un accord général sur le fait que davantage de centaines de milliards d’argent public doivent être débloqués pour couvrir les pertes des banques liées à un défaut de la dette souveraine de la Grèce.
Comme cela s’était produit il y a trois ans après le krach de Wall Street – néanmoins à une échelle encore plus vaste cette fois-ci – la richesse de l’élite financière dont les activités spéculatives ont déclenché la crise mondiale sera sauvegardée par le pillage des trésors publics. Ceci sera organisé alors même que les gouvernements intensifient leurs attaques contre la classe ouvrière au nom de la « consolidation fiscale. »
Pour compenser les nouvelles injections financières aux banques, des mesures d’austérité encore plus brutales seront imposées à la Grèce ainsi qu’à d’autres pays européens lourdement endettes qui ont déjà été plongés dans le marasme et la misère sociale, et des coupes sociales seront étendues au reste de l’Europe et des Etats-Unis.
Telle est la signification des exigences qui découlent de la réunion du Fonds monétaire international (FMI) de la semaine passée à Washington pour « recapitaliser » les banques européennes et relever la dotation de 440 milliards d’euros du Fonds européen de stabilité financière (EFSF) pour lui faire souscrire des sommes encore plus élevées et que la Banque centrale européenne (BCE) injectera dans les marchés financiers.
Ces mesures – agressivement promues par les Etats-Unis et le FMI à l’encontre de l’opposition de l’Allemagne et d’autres pays nordiques de la zone euro – sont liées à un programme de « restructuration » de la dette du gouvernement grec via une décote de 50 pour cent de la valeur des obligations d’Etat grecques. Les pertes massives qu’endureraient les banques européennes et américaines en raison d’un tel « défaut ordonné » seraient récupérées par un nouveau renflouement organisé par l’EFSF et la BCE.
Les responsables allemands se sont prononcés contre un tel programme de sauvetage à échelle européenne, dont le coût serait essentiellement supporté par l’Allemagne. Au lieu de cela, Berlin planifie son propre plan de sauvetage national des banques allemandes lié à un défaut de paiement de la Grèce.
Pendant le week-end, bon nombre de journaux américains et britanniques ont parlé d’un plan qu’ils ont qualifié de « big bang » et « shock and awe » (« choc et stupeur ») pour résoudre la crise de la dette européenne. Les ressources disponibles au EFSF seraient levées de façon à atteindre 2 mille milliards d’euros et carte blanche serait donnée à la Banque centrale européenne pour imprimer des euros et pour accroître ses achats d’obligations d’Etat grecques, irlandaises, portugaises, espagnoles et italiennes.
Lundi et mardi, en prévision d’un nouveau renflouement des banques et des spéculateurs, les marchés boursiers aux Etats-Unis et en Europe ont grimpé en flèche. Il y a trois ans, la première vague de sauvetage avait permis aux principales banques et entreprises d’accroître considérablement leurs profits en dépit de niveaux de chômage aux Etats-Unis et en Europe dignes d’une dépression. L’écart entre les riches et les pauvres s’est creusé et la bourgeoisie se sert de la crise pour tirer vers le bas les salaires et pour démanteler les derniers restes de l’Etat providence.
Le tout dernier rapport sur la richesse mondiale publié par Merrill Lynch et Capgemini a conclu que la richesse combinée des quelque 11 millions d’individus « à haute valeur nette » a augmenté de 17 pour cent en 2009 et de 9,7 pour cent en 2010, pour atteindre un total de 42,7 milliers de milliards de dollars. Cette somme est de loin plus importante que les déficits d’Etat combinés de tous les pays d’Europe et d’Amérique du Nord dont on plonge les populations dans la pauvreté par des programmes d’austérité.
En Allemagne, où on a insisté sans relâche pour l’application d’une politique d’austérité partout en Europe, les fortunes privées ont augmenté d’un total de 350 milliards d’euros au cours de ces 15 derniers mois – c’est précisément le montant total exact de la dette grecque. Le magazine Der Spiegel a rapporté récemment que les dépôts bancaires suisses de multi millionnaires grecs totalisaient 600 milliards d’euros – près du double de la dette publique du pays.
Les tensions entre les Etats-Unis et l’Allemagne se sont intensifiées avant le vote clé ce jeudi pour une augmentation de la dotation de l’EFSF. Lundi, le secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner, avait mis en garde que l’Europe n’avait « pas beaucoup de temps » et devait « passer à l’action ». Le président Barack Obama s’était plaint que l’Europe « effray[ait] le monde » par son inaction.
La réponse de Berlin fut prompte à venir. Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a déclaré que le gouvernement n’avait pas l’intention d’élargir son engagement actuel envers l’EFSF. La chancelière Angela Merkel s’exprimant devant la Fédération allemande des industriels a déclaré que l’Allemagne était opposée à toute nouvelle mesure de relance ou d’augmentation de la dette.
Au fur et à mesure que la crise économique s’aggrave et que l’Europe, après les Etats-Unis, plonge dans la récession, les conflits entre les alliés transatlantiques s’intensifient. Dans le même temps, les rivalités au sein de l’Union européenne même s’amplifient. Certaines personnalités politiques européennes de haut rang qui ont un sens de l'histoire ont déjà souligné les dangers résultant d’un éclatement de la zone euro.
Dans des commentaires faits au début du mois, le ministre polonais des Finances, Jaceck Rostowski, a prévenu qu’un éclatement du projet européen pourrait aboutir à une guerre en moins d’une décennie. Rostowski a dit à des journalistes que la guerre était probable « non pas dans les mois à venir, mais peut-être au cours d’une période de dix ans. »
Tel est l’avenir que le capitalisme offre aux populations du monde: dépression, dictature et guerre. L’actuelle crise représente l’échec du système capitaliste mondial. Il doit être remplacé par un nouveau système fondé sur la propriété publique et le contrôle démocratique des forces productives par les travailleurs, et une économie planifiée adaptée aux besoins de la société et non aux profits – c'est à dire par le socialisme.
Ceci requiert la mobilisation révolutionnaire de masse de la classe ouvrière européenne, américaine et internationale pour briser la mainmise des banques et des grandes entreprises et pour établir des gouvernements ouvriers.
(Article original paru le 28 septembre 2011)