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Sanders soutient le nationalisme économique de « l’Amérique d’abord » de Trump

Par Jerry White
25 janvier 2017

Deux jours après que des millions de personnes ont défilé aux États-Unis et dans le monde entier pour démontrer leur opposition aux politiques antidémocratiques et militaristes du nationaliste américain Donald Trump avec son slogan d’America First (l’Amérique d’abord), une réponse à l’investiture d’un nouveau président américain sans précédent à la fois de par son échelle et son caractère international, le sénateur du Vermont Bernie Sanders s’est solidarisé avec le nouveau président et son nationalisme économique virulent.

Lundi matin, Trump a signé un décret présidentiel retirant les États-Unis du pacte commercial de 12 nations du Partenariat Trans-Pacifique (TPP). En même temps, Trump a répété son engagement à renégocier l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) avec le Mexique et le Canada.

Déclarant que ces démarches seraient « excellentes pour le travailleur américain », Trump a réitéré l’affirmation selon laquelle le fait que le « commerce déloyal » profite aux travailleurs d’autres pays

(et non au capitalisme et là a poursuite incessante des profits des entreprises) était responsable de la fermeture des usines et de la diminution drastique des salaires des travailleurs américains.

Sanders a rapidement félicité Trump en déclarant : « Depuis 30 ans, nous avons eu une série d’accords commerciaux, y compris l’Accord de libre-échange nord-américain, des relations commerciales normales et permanentes avec la Chine et d’autres, qui nous ont coûté des millions d’emplois décemment payés et ont provoqué une “course vers le bas”, qui a baissé les salaires pour les travailleurs américains […] ».

« Si le président Trump est sérieux au sujet d’une nouvelle politique pour aider les travailleurs américains, alors je serais ravi de travailler avec lui. »

L’approbation par Sanders des efforts du démagogue milliardaire pour se positionner comme un ami de l’ouvrier américain intervient trois jours après que Trump a prononcé un discours d’investiture dont le thème de base pourrait se résumer par « l’Amérique Über Alles ». Trump a fulminé contre les politiciens qui avaient « enrichi d’autres pays » tandis que « la richesse de notre classe moyenne a été arrachée de leurs foyers et ensuite redistribuée partout dans le monde ». Dorénavant, a-t-il martelé, « le fondement de notre politique sera l’allégeance totale aux États-Unis d’Amérique ».

Le mythe d’une nation unifiée, sans classes sociales aux intérêts mutuellement opposés, a toujours été employé pour supprimer la lutte de la classe ouvrière en liant les travailleurs à leurs « propres » capitalistes sous la bannière nationale. Aujourd’hui, comme par le passé, les exigences d’unité nationale et la promotion de la xénophobie annoncent la guerre et la dictature.

Les critiques de Trump à l’égard des accords commerciaux pro-entreprise n’ont rien à voir avec la promotion des intérêts des travailleurs aux États-Unis. Au contraire, c’est un piège dont le but est d’inciter les travailleurs américains contre leurs frères et alliés naturels : les travailleurs au Mexique, en Chine et dans le monde. Le capitalisme mondialisé a objectivement uni les travailleurs à travers le monde dans un processus de production commun, où ils sont exploités par les mêmes sociétés transnationales et les mêmes banques. Il ne peut y avoir de lutte réussie pour la défense des emplois, des salaires et des droits démocratiques dans aucun pays, à moins qu’elle ne soit guidée par une stratégie visant à unir les travailleurs de tous les pays contre le capitalisme.

Le cabinet de Trump truffé de milliardaires, d’anciens généraux et d’archi-réactionnaires expose la réalité contre-révolutionnaire derrière ses postures populistes. Sanders prête de la crédibilité à un gouvernement qui est ouvertement en passe de détruire tous les acquis sociaux du siècle dernier, allant de la sécurité du travail et des lois environnementales, à l’assurance-maladie, Medicaid, Medicare, et la sécurité sociale.

Sanders avait déjà voté pour confirmer les choix de Trump aux postes de secrétaire à la défense et de secrétaire à la sécurité intérieure. Le général retraité des Marines James Mad Dog (chien enragé) Mattis (nommé à la défense) est un criminel de guerre qui a dirigé le siège de Falloujah en 2004. Le général retraité John Kelly, qui a supervisé le complexe de détention de Guantánamo tristement célèbre, supervisera les forces de sécurité qui raflent et déportent des millions d’immigrés.

En juillet dernier, quand Sanders s’est retiré de la course des primaires démocrates et a déclaré son soutien à Hillary Clinton, il a dit que rien ne pourrait être plus terrible que l’élection de Donald Trump. Le dirigeant autoproclamé d’une « révolution politique » contre la « classe milliardaire » a dit aux millions de travailleurs et de jeunes qui avaient voté pour lui qu’ils n’avaient d’autre choix que de voter pour le candidat favori de Wall Street parce que l’élection de Trump serait une catastrophe impensable.

Le soutien de Sanders à Clinton a donné à Trump un champ ouvert pour se présenter comme le seul candidat anti-establishment de l’élection et pour exploiter la colère populaire contre la croissance des inégalités sociales qui ont été supervisées par les deux partis de la grandes entreprise et accélérées sous Obama.

La capitulation de Sanders fut le résultat logique de sa politique opportuniste et nationaliste. Son programme n’a jamais été véritablement de gauche, et encore moins socialiste. Pendant des décennies, il a fonctionné comme une soupape de sécurité pour le Parti démocrate, un parti de Wall Street et de l’appareil militaire et de renseignement.

Opposé à un mouvement authentique de la classe ouvrière, le craignant, Sanders s’est allié à la bureaucratie syndicale qui utilise le nationalisme économique pour réprimer la lutte de classe et justifier sa complicité dans l’attaque des entreprises contre les emplois et le niveau de vie. Incarnant la réponse des syndicats à l’élection de Trump, le président du syndicat des métallos United Steelworkers, Leo Gérard, a applaudi l’action de Trump sur le Partenariat Trans-Pacifique et a exprimé l’espoir que ce soit le début du programme promis, pro-ouvrier, pro-croissance des salaires, qui donne la priorité à la revitalisation de l’industrie ». Il a ajouté que les syndicats « attendent avec intérêt de travailler avec l’administration actuelle ».

Dès la défaite de Clinton, Sanders, les dirigeants syndicaux et les démocrates « progressistes » tels Elizabeth Warren se sont distanciés de leurs prédictions apocalyptiques et ont commencé à se rapprocher de Trump.

L’exemple de Sanders constitue une leçon sur la nature de la politique de la « gauche » petite bourgeoise en Amérique. Un tel opportunisme politique est incapable de penser en dehors de la structure de la politique bourgeoise américaine. Toute prétention à une politique fondée sur des principes est abandonnée à la première velléité d’une « coalition ». Il y a une règle de fer : l’opposition absolue à la lutte des marxistes pour l’indépendance politique de la classe ouvrière et à la lutte pour sensibiliser les travailleurs à leur rôle de dirigeants de la transformation révolutionnaire de la société.

L’opposition de masse à Trump aux États-Unis et dans le monde entier est une expression des préoccupations communes à travers toutes les frontières à propos de l’inégalité sociale et du danger du fascisme et de guerre. Elle coïncide avec l’essor de la lutte de classe aux États-Unis, en Europe, en Asie et dans le monde, qui ne fera que s’accentuer à mesure que tous les gouvernements capitalistes tenteront de faire en sorte que la classe ouvrière porte le fardeau de la crise économique mondiale et le réarmement pour la guerre.

Le développement de cette opposition en un mouvement politique conscient, non seulement contre Trump, mais contre le système capitaliste qui l’a produit, exige une rupture décisive d’avec toutes les formes de politiques opportunistes.

La voie à suivre pour la classe ouvrière ne réside pas dans l’effort inutile de pousser le Parti démocrate vers la gauche ou de créer une sorte de politique nationaliste « de gauche ». Toutes les formes de nationalisme et de chauvinisme doivent être rejetées et un mouvement politique de masse de la classe ouvrière construit qui soit complètement indépendant et opposé aux partis et à la politique de la classe capitaliste en s’appuyant sur un programme internationaliste et socialiste.

(Article paru en anglais le 24 janvier 2017)