Derrière la démission de Flynn et la crise de Trump: Un conflit acharné sur la politique impérialiste
Par Patrick Martin
16 février 2017
Le gouvernement Trump est confronté à une crise politique majeure suite à la démission lundi soir du conseiller à la Sécurité nationale, Michael Flynn. Les médias et des sections de l'establishment politique exigent une enquête du Congrès sur les contacts de Flynn avec la Russie avant l'inauguration de Trump. Ils veulent aussi forcer Trump à dire ce qu'il savait de ces contacts et si Flynn agissait avec son accord.
Mardi, le FBI a interviewé Flynn peu après l'inauguration de Trump sur sa conversation téléphonique avec l'ambassadeur russe à Washington, Sergey Kislyak, le 29 décembre 2016. L'appel a été enregistré par l'Agence de sécurité nationale (NSA).
Selon Washington Post, les responsables du ministère de la Justice ont informé la Maison Blanche il y a plusieurs semaines que Flynn avait discuté des sanctions américaines sur la Russie avec l'ambassadeur, et que ses démentis de ce fait étaient faux. Une transcription de la conversation Flynn-Kislyak serait entre les mains des plus hauts responsables à Washington.
Dans les médias, de nombreux commentateurs, qui relaient des informations fournies par la CIA et la NSA, soulèvent le spectre de la destitution ou une démission forcée de style Nixon.
Un conflit intense au sein de l'élite dirigeante américaine a éclaté à la surface de la vie politique. Y participent les principales institutions de l'Etat : la Maison Blanche, la CIA, la NSA, le FBI et le Pentagone, ainsi que les dirigeants des partis démocrate et républicain. Au centre de ce conflit se trouvent des divisions sur la politique étrangère et les inquiétudes au sein de l'appareil du renseignement et de l’armée que la ligne du gouvernement Trump n’est pas suffisamment agressive contre la Russie.
La campagne contre Trump n'est pas moins réactionnaire et militariste que le gouvernement Trump lui-même. Il a une logique certaine, qui conduit à une escalade de la confrontation politique et militaire avec la Russie, avec des conséquences potentiellement catastrophiques pour le monde entier.
Cette campagne est la préoccupation centrale du Parti démocrate. Au cours des derniers mois de la campagne électorale de 2016, Hillary Clinton a attaqué Trump à plusieurs reprises en le traitant dee marionnette du président russe Vladimir Poutine, tout en se présentant comme le défenseur le plus fiable de l'impérialisme américain.
La question est ressortie de nouveau après l'élection, quand les médias tentaient de rendre le «piratage russe» responsable de la victoire surprise de Trump. Après son inauguration, le thème a été repris une fois de plus ; les démocrates du Congrès et une partie des Républicains au Sénat agissent comme fer de lance politique de la CIA et du Pentagone.
Les démocrates au Congrès exploitent la démission de Flynn pour poser une question de style Watergate: «Que savait le président et quand le savait-il?» Selon eux, lorsque Flynn a téléphoné à Kislyak le 29 décembre, le jour même où Obama imposait de nouvelles sanctions, Flynn transmettait des assurances de Trump que ces sanctions seraient assouplies ou rejetées complètement après l'arrivée de Trump à la Maison Blanche.
Les commentaires les plus sévères proviennent d'Eric Swalwell, de Californie, membre de la Commission sur le renseignement du Congrès, selon lequel les conseillers de Trump « ont des relations inappropriées avec la Russie », et Trump lui-même est impliqué. « Les républicains ont peut-être la majorité au Congrès ; leur candidat a peut-être gagné la Maison Blanche, mais [les démocrates] ne sont pas impuissants », a-t-il dit. « Nous avons le peuple américain, qui ne sera pas satisfait tant qu'il ne saura pas si le président est avec nous ou avec la Russie ».
Il serait plus juste de dire que les démocrates «ne sont pas impuissants» parce qu'ils ont la CIA, la NSA et une grande partie du Pentagone derrière eux, et que ces puissantes sections de l'appareil d'État ont énormément investi dans la préparation d'une guerre avec la Russie.
Le Parti démocrate est complaisant et la passif vis-à-vis des nominations au cabinet ministériel de Trump et de ses décrets antidémocratiques et inconstitutionnels. Quelles que soient leurs critiques tactiques d'éléments de la politique de Trump, ils sont alignés sur les intérêts de l'aristocratie financière que représentent les deux partis. Quand on leur offre l’occasion de mener une chasse aux sourcières de style McCarthy affirmant que Trump est une marionnette russe, ils se lancent à l’assaut, avec l'écume à la bouche.
Il est significatif que des sections de républicains du Congrès, ainsi que des démocrates, se tiennent à l’écart de Trump sur cette question. Il ne s'agit pas seulement de sénateurs va-t-en guerre comme John McCain et Lindsey Graham. Les dirigeants républicains au Sénat ont accepté d'enquêter sur la prétendue ingérence de la Russie dans les élections américaines et d'inclure les contacts de Flynn avec la Russie dans le cadre de l'enquête.
L'impérialisme américain cherche à compenser le déclin de sa position économique mondiale en exploitant sa domination militaire mondiale. Ses stratèges considèrent que les principaux obstacles à leurs visées hégémoniques sont la montée économique et militaire de la Chine et la force considérable de la Russie, détentrice du deuxième arsenal nucléaire mondial, des plus grandes réserves de pétrole et de gaz et d'une position géostratégique au centre de l'Eurasie.
Les opposants de Trump dans la classe dirigeante insistent sur le fait que la politique étrangère américaine doit civler la Russie, afin d'affaiblir le régime de Poutine ou de le renverser. Ils considèrent que c'est un préalable pour relever le défi posé par la Chine.
De nombreux groupes de réflexion à Washington élaborent des scénarios pour les conflits militaires avec les forces russes au Moyen-Orient, en Ukraine, dans les pays baltes et dans le cyberespace. Ils ne sont pas disposés à accepter l'abandon temporaire d'une politique de confrontation avec la Russie sur les lignes proposées par Trump, qui voudrait pour le moment réduire les tensions avec la Russie afin de se concentrer d'abord sur la Chine.
Alors même que la lutte se déchaîne au sein de la classe dirigeante et de l'État, les attaques du gouvernement Trump contre les droits démocratiques provoquent une montée sans précédent de l'opposition populaire. Des millions de travailleurs et de jeunes, de souche ou immigrés, ont manifesté contre le nouveau gouvernement. Mais ce vaste mouvement social n'a, jusqu'à présent, ni un programme politique clair articulant les intérêts indépendants de la classe ouvrière, ni un leadership socialiste révolutionnaire.
Ceci pose de graves dangers. Les agences de renseignement, agissant principalement par l'entremise du Parti démocrate, veulent intrumentalier l'opposition de masse à Trump pour favoriser leurs projets de guerre contre la Russie ou la Chine, en utilisant l'hystérie guerrière et xénophobe comme paratonnerre pour canaliser la colère et la détresse sociales.
Les travailleurs et les jeunes ne doivent pas s'aligner sur les deux factions de l'élite dirigeante. Tous deux se préparent à de nouveaux bains de sang pour protéger les profits des sociétés américaines. Ils se battent pour déterminer la tactique et la séquence des cibles, mais il sont tous d'accord pour envoyer des jeunes Américains se battres dans des guerres impérialistes.
La lutte contre le gouvernement Trump pose la nécessité d'une rupture complète avec les démocrates et les républicains, ces partis bourgeois jumeaux, et la construction d'un mouvement politique indépendant des travailleurs, sur un programme socialiste et internationaliste.
(Article paru en anglais le 15 février 2017)